L’évènement mérite qu’on s’y attarde. Il s’agit de l’invitation adressée au Front populaire ivoirien (Fpi), la semaine dernière, par le Congrès national africain (Anc), la plus ancienne et la plus importante des organisations politiques du continent, qui fêtait son centenaire.
Relativement au contexte ivoirien, tout le moment sait qu’au moment où le chef de l’Etat sud-africain, Jacob Zuma, par ailleurs, président du Congrès national Africain (Anc), ainsi que tous ses camarades de lutte, en mémoire de la lutte de plusieurs générations de sud-africains, célèbrent le centenaire de leur organisation ; en Côte d’Ivoire, un régime soutenu par les puissances occidentales règne d’une main de fer. Laurent Gbagbo, celui qui a lutté pendant trente ans contre le parti unique, a été renversé par les forces armées de la France, ancienne puissance coloniale, puis déporté, le 29 novembre dernier, à la Cpi, à La Haye (Hollande). A des milliers de kilomètres de son pays et des siens. Avec, pour ses geôliers, l’espoir qu’il ne revienne plus jamais. Les « puissants de ce monde » l’accusent, en effet, à tort, de crimes contre l’humanité. Le Fpi, le parti qu’il a fondé, il y a une trentaine d’années, est presque proscrit. Après avoir un temps appelé à sa dissolution, les nouveaux tenants du pouvoir en Côte d’Ivoire se sont finalement résolus à le laisser vivre. Même s’ils s’activent toujours pour espérer le voir disparaître. Il ne se passe donc plus de jour sans que le parti et ses dirigeants soient présentés par le régime Ouattara comme de vulgaires criminels. Juste bons pour moisir en prison. A preuve, le président du parti à la rose, Pascal Affi N’guessan, ses deux vice-présidents dont Simone Gbagbo et plusieurs dizaines de cadres du parti sont enfermés un peu partout sur le territoire national par sur ordre du nouveau régime. C’est un tel parti, martyrisé et opprimé, qui reçoit une invitation à la célébration d’un évènement qui a vu la participation de toute l’élite africaine. Le gouvernement ivoirien y était notamment représenté par le ministre des affaires étrangères, Daniel Kablan Duncan. Comment a-t-il ressenti que le Fpi soit aussi présent à cette tribune ? On ne le saura peut-être pas. Mais la timidité avec laquelle la presse proche pouvoir, d’habitude prompte à se faire les gorges chaudes des faits et gestes des tenants du régime, a traité le sujet, laisse transparaître la déception du Pouvoir Ouattara.En tout état de cause, et cela n’aura échappé à personne, l’invitation adressée au Fpi est d’une haute portée politique. En effet, en associant officiellement le parti de Laurent Gbagbo à sa fête du souvenir, l’Anc, dont on connaît la longue lutte contre les forces brutales de l’apartheid, envoie un double message. Aux résistants d’abord. A la France et à tous les prédateurs de liberté ensuite. Aux résistants ivoiriens, l’invitation de l’Anc est un hommage au combat du Président Laurent Gbagbo pour la libération du peuple ivoirien du joug colonial français. Comme, jadis, Nelson Mandela et ses camarades avaient accepté la prison et l’embastillement à Robben Island. A tous les patriotes qui s’interrogent, Zuma, Mbéki et les autres rappellent qua la dictature la plus féroce ne peut jamais venir à bout de la détermination d’un peuple. Cet acte d’amitié et de considération de la part d’un parti et d’une nation qui ont connu la barbarie humaine sonne comme un appel à la poursuite du combat.
A toutes les forces rétrogrades du monde qui croient pouvoir disposer du destin des peuples, le geste de solidarité de l’Anc est un avertissement. Un appel à la raison. Pour leur faire comprendre que mêmes pauvres tous les peuples ont droit à l’autodétermination. Tout le monde devrait donc comprendre que la force brutale et bestiale ne saurait tenir lieu de méthode de gestion des contradictions entre humains. L’exemple sud-africain en étant une parfaite illustration.
Pourra-t-on comprendre ce message à Abidjan et à Paris ? Il faut l’espérer. En attendant, il est heureux de savoir que ceux qui luttent pour la souveraineté des peuples africains peuvent toujours compter sur leurs devanciers de la nation arc-en-ciel.
Guillaume T.Gbato gtgbato@yahoo.fr
Notre Voie
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