Source: notrevoie.com
Alors qu’il est inculpé dans son pays par la justice pour crimes économiques, Laurent Gbagbo a été reconnu indigent par la Cour pénale internationale. Cette décision, la CPI l’a prise après avoir vérifié, cinq semaines durant, que l’homme n’a aucun compte bancaire à l’étranger. S’il est accusé de crimes économiques, on devrait logiquement s’attendre à ce qu’il ait des ‘’biens mal acquis’’. Le Centre national de coopération au développement (CNCD) en Belgique définit ‘’biens mal acquis’’ comme étant ‘’Tout bien meuble ou immeuble, tout avoir ou fonds susceptible d’appropriation privative soustrait illégalement du patrimoine public et qui a pour effet d’appauvrir le patrimoine de l’Etat’’. Et comme l’écrit Afrique expansion, revue hebdomadaire des affaires et de partenariat Nord-Sud, ‘’ce n’est un secret pour personne que de nombreux chef d’Etat profitent de leurs années de pouvoir pour amasser une fortune colossale qu’ils dissimulent un peu partout dans les paradis fiscaux.’’ Cette accumulation de richesse se fait entre autres, au moyen de détournements de fonds publics, de grosses commissions prélevées sur les gros contrats accordés par l’Etat et par le biais des entreprises contrôlant les secteurs clés de l’économie du pays. Les ressources pétrolières des pays constituent dans plusieurs cas, la source d’enrichissement personnel. Selon la Banque mondiale, ces fonds ainsi détournés représentent entre 20 à 40 milliards par an.
Omar Bongo et Sassou N’Guesso
On trouve ces pilleurs en Afrique, en Asie et en Amérique Latine. Si les cas de certains présidents sont sus et dénoncés par des ONG internationales pendant leur règne, le grand public découvre généralement les cas d’autres chefs d’Etat au moment de leur départ à la suite de révolution, de coup d’Etat ou de guerre civile. Ainsi, le 18 juin 2007, le parquet de Paris annonçait l’ouverture d’une enquête sur le patrimoine immobilier des présidents gabonais Omar Bongo et congolais Denis Sassou N’Guesso suite au dépôt par trois associations, dont Survie, d’une plainte pour ’’recel de détournement de biens publics et complicité’’. Selon le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), Omar Bongo détenait entre autres, un patrimoine immobilier de 39 propriétés luxueuses en France estimés à plus de 150 millions d’Euro et Sassou N’Guesso dispose, lui, de 24 propriétés et 112 comptes bancaires, toujours en France. Le CCFD souligne également que l’ex-président nigérian, Sani Abacha aurait détourné entre 3 et 5 milliards de dollars durant son règne (1993-1998). Idriss Débi, président du Tchad, serait aussi à la tête d’un pactole frisant des dizaines de millions de dollars américains. The Gardian, quotidien britannique, a récemment révélé que l’ancien président égyptien Hosni Moubarak aurait amassé entre 40 et 70 milliards de dollars en 30 ans de pouvoir sans partage. Une partie de cette fortune se trouvait à l’étranger, dissimulée dans des banques suisses ou britanniques ou investie dans l’immobilier à Londres, Los Angeles, Dubaï. Ben Ali, l’ex-homme fort de Tunis, aurait, quant à lui, entre 4 et 9 milliards de dollars. ‘’Chaque fois qu’un président africain tombe, on voit qu’il y a des milliards qui se trouvent dans des banques des pays développés’’, constate le Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’ouest (ROPPA). Le Réseau interpelait le dernier sommet du G8 afin qu’il prenne des mesures en vue de la restitution, aux peuples africains, de ces biens mal acquis.
Aucune ONG ne cite Gbagbo
Les ONG ci-dessus mentionnées ainsi que d’autres comme Transparency international et Freedom house luttent contre la corruption et son corolaire de biens mal acquis dans le monde par les dictateurs en exercice ou en disgrâce. Mais aucun rapport ne cite Laurent Gbagbo que les Occidentaux qualifient pourtant de dictateur. Tant pendant ses années de pouvoir qu’après son départ du pouvoir, aucun des rapports de ces ONG ne cite aucun bien meuble et immeuble dans son pays et à l’étranger, aucun compte bancaire dans aucun paradis fiscal. La convention de l’ONU dite de Merida de 2003 fait du recouvrement et de la restitution des avoirs nés d’activités illégales, un principe de droit international. On sait l’inimitié de Ban Ki-moon et de ses collaborateurs à l’encontre de Laurent Gbagbo. Donc, s’il y avait de quoi reprocher à Laurent Gbagbo dans ce domaine, il y a longtemps qu’ils auraient mis en branle contre lui ce principe de droit international. A moins qu’ils ne soient encore en train d’investiguer. La troisième directive européenne du 15 décembre 2007 prévoit également des actions contre les biens mal acquis. On sait que Laurent Gbagbo n’est pas un ami de l’Union européenne, loin s’en faut ! Si elle avait des soupçons, elle aurait déjà déclenché une enquête. Elle aurait même vendu la mèche à la presse avant même que ne commence l’enquête. Et les médias occidentaux s’en seraient déjà fait l’écho. En France, dont les autorités constituent les fossoyeurs et destructeurs de Laurent Gbagbo, il existe des mécanismes de lutte contre les enrichissements illicites et l’argent sale. Mais rien n’a encore été brandi contre l’ex-chef d’Etat ivoirien. Les banques françaises ont fait près de 40.000 signalements, à Tracfin, l’organisme français chargé de la lutte contre l’argent sale. Mais Laurent Gbagbo ne figure pas sur leur liste.
Dictateurs,
tous amis de la France
Laurent Gbagbo ne fait donc pas partie des présidents pilleurs des ressources de leurs pays. Il a combattu démocratiquement pendant des décennies pour diriger la Côte d’Ivoire dans le but de rendre sa dignité à ce pays, dans le but de faire de ce pays un Etat souverain et œuvrer à ce que les richesses nationales profitent aux Ivoiriens et non à la France. Ce n’était pas pour son enrichissement personnel comme les autres, ses détracteurs. Raison pour laquelle la CPI, malgré ses investigations depuis son transfèrement ‘’n’a trouvé aucune trace d’avoirs attribuables à l’ex-homme fort d’Abidjan’’, comme l’a écrit le quotidien français le Figaro. On ne sera néanmoins pas étonné demain que les réseaux mafieux de la France fabriquent des preuves d’avoirs à Laurent Gbagbo. Ils ont la suite dans les idées quand il faut inventer des choses contre le fondateur du Front populaire ivoirien.
En attendant, il faut noter que les dictateurs africains qui ont jusqu’à ce jour été épinglé par les ONG internationales comme ayant des biens mal acquis sont les amis de la France. Ils ont acquis ces biens avec la complicité de la France, dans le cadre des réseaux mafieux de la Françafrique. C’est pourquoi, les personnes avisées ne s’étonnent pas de la lenteur judiciaire que connait la plainte de Survie contre Omar Bongo et Sassou N’Guesso. C’est pourquoi, ces observateurs avertis ne sont pas surpris de constater que Laurent Gbagbo n’est pas sur la liste de ces présidents qui ont des biens mal acquis parce qu’il n’est pas «ami» de la France et ne fait pas partie de la Françafrique.
Quels sont ces crimes économiques ?
Laurent Gbagbo n’est pas un «ami» de la France. Il ne joue pas dans le réseau françafricain. Il ne peut donc pas faire partie des gens qui ont des biens mal acquis et qui peuvent bénéficier de la protection de l’Elysée. Aussi est-il autorisé de s’interroger sur la base des soupçons de la justice des vainqueurs en cours en Côte d’Ivoire. Cette justice accuse Laurent Gbagbo de crimes économiques. Quels sont ces crimes ? Il parait qu’il s’agit de l’argent de la Côte d’Ivoire logé à la BCEAO que Laurent Gbagbo avait récupéré, selon une procédure administrative normale, pour payer les fonctionnaires ivoiriens dont les comptes bancaires avaient été abusivement bloqués par les banques françaises. Qui devrait-on, dans ces conditions, accuser de criminels économiques ? Les banques françaises qui ont spolié abusivement les Ivoiriens ou Laurent Gbagbo qui s’est battu pour leur permettre de vivre ? Au-delà de la BECEAO, les crimes économiques de Laurent Gbagbo sont-ils les réalisations de Yamoussoukro ? Est-ce la poursuite de l’autoroute du Nord ? Sont-ce les grands chantiers de l’électrification villageoise ? Est-ce l’argent ayant permis à faire fonctionner les Conseils généraux malgré une rébellion qui coupait le pays en deux et pillait les ressources du pays dans les zones sous son contrôle au seul profit des seigneurs de guerre appelés com-Zones ? Ou bien, puisque tout le monde sait que le leader de la Refondation a toujours avoué que son compte est domicilié dans une banque de la place, le pouvoir actuel doit certainement déjà avoir eu le temps de vérifier. Qu’il dise à combien s’élèvent les avoirs de Laurent Gbagbo sur ce compte.
Les biens mal acquis, c’est souvent l’affaire des dictatures qui naissent des pouvoirs mal acquis, lesquels sont souvent accompagnés de dictatures économiques qui accaparent les affaires les plus juteuses du pays sur lesquelles les dirigeants prélèvent d’importantes sommes en toute opacité car contrôlant tout. Les éléments de dictature ne sont-ils pas réunis actuellement en Côte d’Ivoire ?
Zabril Koukougnon
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