Affaire Guy-André Kieffer: Le squelette d’Issia livre ses secrets
Depuis le vendredi dernier, le monde entier est focalisé sur la découverte, par un juge français, à Issia, d’un squelette qui serait celui du Franco-canadien Guy-André Kieffer, disparu il y a un plus de 7 ans. C’est précisément à Yaokro, un campement baoulé dans la sous-préfecture de Saïoua, que les inquisiteurs du régime de Gbagbo sont allés exhumer ce corps. A Yaokro, les Baoulé et les Béninois qui peuplent ce campement sont unanimes : Celui qu’ils ont enterré en 2004 est un inconnu qui n’a jamais été un Blanc !
A Yaokro, tout est étrangement calme, ce dimanche 8 janvier 2012. Dans ce gros campement peuplé par la communauté allochtone baoulé et la forte communauté allogène béninoise, il règne une ambiance qui ne ressemble pas à celle que connait une cité qui vient de vivre un évènement particulier. Les populations, comme d’habitude, se consacrent à leur train-train quotidien. Ceux qui prêtent attention au sujet s’étonnent que la découverte d’un squelette d’un homme dûment inhumé il y a plus de sept ans fasse autant de bruit. « Ici, c’est un non-évènement ! », répond un habitant de Yaokro, à la question de savoir pourquoi tout est si calme alors que le monde entier semble secoué par l’exhumation de ce squelette que l’on attribue à Guy-André Kieffer. « Ici, on n’a jamais inhumé sur notre sol le corps d’un Blanc ». Mais qu’en est-il de ce corps, ou plus précisément de ce squelette découvert ? «Ecoutez, en 2004 un corps sans vie a été découvert au bord de la rivière Gorée. Ce corps a été inhumé juste à côté de ce fleuve par les populations. Ici, tout le monde sait que c’est le corps d’un inconnu.
La gendarmerie de Saïoua a fait le constat d’usage
Celui que nous avons enterré n’a jamais été un Blanc», indique une femme Baoulé, résidant à Yaokro. Cette dame venait de rompre, peut-être sans le savoir, la loi du silence entretenue à Yaokro autour de ce sujet qui engage des vies. Et pour des raisons de sécurité, nous avons convenu de ne pas révéler les identités de nos interlocuteurs. Mais comme cette dame baoulé, deux autres résidants, un Baoulé et un Béninois, soutiennent avoir suivi cet enterrement : « Il s’agit bel et bien du corps d’un homme de race noire qui a été retrouvé. A l’époque, dès que la découverte a été faite, les autorités du village ont saisi la gendarmerie de Saïoua et obtenu son accord avant de procéder à son inhumation. Nous étions à l’enterrement de ce corps qui a été retrouvé par des Béninois au bord de l’eau. Ce sont d’ailleurs les Béninois qui ont fait l’enterrement. Ce n’est pas un Blanc, mais nous n’avons pas pu identifier ce corps. C’est pour cela que nous avons alerté la gendarmerie à l’époque», expliquent nos témoins vivant à Yaokro.
En effet, il ressort de nos investigations qu’effectivement, le corps d’un inconnu a été retrouvé au bord de la rivière Gorée qui se trouve à 200 mètres de Yaokro sur l’axe bitumé Saïoua-Issia. Ce campement est rattaché au village de Zéga dont il est séparé de 5 km. Yaokro est à 2,5km du village de Dagourahio. Nos interlocuteurs ont expliqué qu’en avril 2011, après le renversement du président Gbagbo, des soldats onusiens se sont rendus dans ce campement pour demander à certains habitants si Yaokro était plus favorable à Gbagbo ou à Ouattara. Ces mêmes soldats, poursuivent nos sources, ont manifesté une fort subite sympathie à l’égard de ces populations auxquelles ils ont promis une pompe villageoise qui n’a jamais vu. « Un jour au mois d’avril 2011, ces soldats onusiens ont livré un match de football avec les jeunes de Yaokro et ont passé la nuit ici. Le lendemain, ces éléments des forces onusiennes ont dit que leur commandant est arrivé et qu’ils vont aller faire la pêche dans la rivière Gorée. C’est seulement le vendredi dernier que nous avons compris ce qui se préparait en voyant venir et les forces onusiennes et les Frci en grand nombre pour boucler Yaokro et demander aux populations d’aller exhumer un corps », raconte un habitant de Yaokro, visiblement exaspéré. Pour un autre intervenant, « c’est avec surprise que tout le monde a appris, ici, à travers les différents médias que le squelette de cet homme noir, enterré en 2004 et exhumé ce vendredi, est devenu subitement celui d’un Blanc sous la terre de Yaokro ! ». La réflexion fait pouffer de rires les autres interlocuteurs. « On est là, personne ne nous explique ce qui se passe et on apprend que le monde entier entend parler de Yaokro. Or, les Béninois et les Baoulé qui ont procédé à l’exhumation du corps en question sont là et ont dû donner tous ces précisions. A savoir que ce n’est pas le squelette d’un Blanc. Pourquoi on raconte le contraire ? », s’interroge un autre témoin.
Yaokro sous surveillance FRCI.
De toute évidence, cette version du squelette de Yaokro ne fait pas l’affaire de beaucoup de gens. En notre présence dans ce campement, un contingent d’éléments des Frci a débarqué à Yaokro. Ces hommes armés de Ouattara sont allés donner des instructions fermes au chef du campement, M. Allou Kouamé à qui ils ont donné l’ordre ne pas se prêter aux préoccupations des journalistes si d’aventure il en arrivait dans le village. Mais pis, ces Frci ont demandé au chef de Yaokro de leur livrer tous les journalistes qui iraient faire des enquêtes sur ce sujet. Trop tard pour les semeurs de terreur. L’envoyé spécial de Notre Voie était déjà là. Nous avons même fait un tour sur le pont de la rivière Gorée, nous y avons trouvé d’autres éléments Frci en faction. Dans la nuit, ils ont fait un petit feu dans les herbes sur le pont où ils se trouvaient. « Ils arrêtent même des pêcheurs sous prétexte que ces derniers veulent enquêter et fouiller le lieu où le corps a été exhumé », nous confiera plus tard un habitant de Yaokro. Selon les informations, ces éléments Frci ont été positionnés à cet endroit par Doumbia Alassane, commandant Frci d’Issia, afin d’empêcher l’accès à toute personne, singulièrement aux journalistes.
C’est en début du week-end dernier que les Ivoiriens ont appris, à travers les médias français, que le juge français Patrick Ramaël aurait découvert les squelettes de Guy-André Kieffer, journaliste franco-canadien disparu d’Abidjan le 16 avril 2004. Selon ces médias, Ramaël aurait expédié ces squelettes en France pour analyse ADN. Mais avant même que d’autres versions de la présence de ce corps à Yaokro et surtout les résultats des analyses ne soient connus, des journalistes devins ont déjà trouvé les coupables : Le président Gbagbo et ses Refondateurs ! A Yaokro, les populations se demandent de quoi le régime a bien peur en jouant à cache-cache avec cette affaire qui fait déjà grand bruit.
Benjamin Koré Envoyé spécial à Yaokro
Notre Voie
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Côte d’Ivoire Affaire Kieffer: le dossier arrive peut-être à un tournant
Source: RFI
Un squelette a été découvert le 9 janvier à Issia, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Les ossements ont été localisés grâce à un témoin qui affirme avoir assisté à l’enterrement d’un homme blanc. Les résultats des tests ADN pratiqués en France des échantillons prélevés sont attendus d’ici la fin de la semaine. Ils devront déterminer s’il s’agit ou non du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, disparu à Abidjan le 16 avril 2004 alors qu’il enquêtait sur la filière cacao ivoirienne. Il soupçonnait des malversations impliquant l’entourage du président Gbagbo et de son épouse Simone. I
C’est un coin de Côte d’Ivoire sous les projecteurs, depuis qu’un squelette y a été exhumé, il y a cinq jours, en présence du juge français Patrick Ramaël, qui enquête sur la disparition de Guy-André Kieffer. Le journaliste franco-canadien a disparu il y a près de huit ans à Abidjan.
Si les résultats des tests ADN montrent qu’il s’agit de Kieffer, l’enquête devra déterminer dans quelles circonstances il s’est retrouvé près de la ville d’Issia, à plus de 350 km d’Abidjan.
Ce témoin joint dans la région affirme qu’il a assisté à l’enterrement du corps de l’inconnu du village de Yaokro : « Le corps était presque décomposé déjà ».
Et ce témoin qui veut garder l’anonymat. Il n’était pas seul au bord du petit cours d’eau de Yaokro où le squelette a été trouvé, le jour où l’inconnu a été enterré. Selon lui, même la gendarmerie était présente, mais il ne précise pas la période où les faits se sont passés. Pourquoi personne n’avait cherché à alerter la justice pour identifier l’inconnu ?
« Qui pouvait parler, dit-il ? On avait peur. Plus peur maintenant parce qu’on est protégé (…) L’endroit où l’action a eu lieu est sous contrôle. Le village est sous contrôle ».
Ce témoin affirme que le corps a été trouvé par un chasseur, mais un autre témoin, planteur de son état, s’attribue la découverte du cadavre. Depuis, vendredi et avant même que les tests ADN ne déterminent l’identité du squelette exhumé près d’Issia, les langues se délient et certains sont tentés de se donner le beau rôle.
Dépêche
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