Dix mois après avoir quitté le pouvoir : Gbagbo est-il devenu pauvre ?

 

Marc Dossa Nord-Sud

L’argument de l’indigence présenté par l’ancien dirigeant ivoirien pour se soustraire à l’obligation d’honorer les frais de sa défense ressemble bien à un canular.

Le maître boulanger a sorti son matériel de bric et de brac ! Face aux réalités de la justice internationale, Laurent Gbagbo a décidé de se dérober. L’ancien chef de l’Etat ivoirien, en détention à la Cour pénale internationale (Cpi), a introduit une demande d’aide judiciaire à la juridiction internationale pour faire face aux charges liées à sa défense. Si ce n’est de la ruse, ça doit y ressembler terriblement. Car, le prisonnier qui est arrivé, le 29 novembre 2011, dans les geôles de la Cpi à La Haye a bien géré des fortunes colossales qui sont loin de s’être évanouies dans la nature comme par enchantement. En effet, pour rappel, devenu président de la République en 2000, l’ancien enseignant-chercheur à l’Institut d’histoire de l’Université de Cocody a perçu, dix ans durant une rétribution mensuelle de 9,6 millions F Cfa. Rien que ça, les comptes bancaires du chef de file de la Refondation devraient afficher 1.382.400.000 F Cfa. Mais, il n’y avait pas que les salaires mensuels directs. Chaque année, l’ancien homme fort d’Abidjan disposait d’un fonds dit de souveraineté évalué à environ 75 milliards F Cfa. Simple calcul rapide, lors de son passage à la tête de l’Etat de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo a géré discrétionnairement 750 milliards F Cfa. Quand on sait que, relativement à son statut, il ne devait rendre compte à personne de l’utilisation de cet argent, on peut aisément penser que Laurent Gbagbo qui ne pensait pas se retrouver en prison, a dû mettre un peu de cette cagnotte de côté, pour assurer ses vieux jours. En d’autres termes, sur la base de son salaire brut et du fonds de souveraineté qu’il a géré pendant dix ans, dire que Laurent Gbagbo est multimilliardaire, ne serait guère exagéré.
Les fonds occultes

Il ne serait pas exagéré de le dire d’autant que, de mémoire d’Ivoirien, des scandales financiers n’ont fait la Une des journaux que durant le long règne du ‘’Woody de Mama’’. C’est d’ailleurs deux ans après son accession au pouvoir que les révélations ont débuté. Les premières étaient liées à une affaire d’achat d’armes. Prétendant défendre la République, il n’a pas hésité à plonger la main dans les caisses de l’Etat, pour acheter des armes dans les ex-pays soviétiques.

Dans les transactions, pas moins de dix milliards ont transité par plusieurs poches. Même si le nom du chef de la refondation n’a pas été cité par ses disciples (notamment Moïse Lida Kouassi et Mamadou Koulibaly) qui se sont durement combattus à propos des retro-commissions, il n’est pas à écarter que quelques fonds aient atterri dans les comptes en banque de M. Gbagbo. L’autre scandale financier dans lequel aurait pu tremper l’ancien chef de l’exécutif ivoirien, est celui de la fameuse usine de Fulton aux Etats-Unis. Dans cette rocambolesque affaire, ce sont pas moins de 100 milliards qui ont disparu des caisses des structures d’encadrement de la filière café-cacao, pour se retrouver dans les poches des anciens dirigeants ivoiriens. Et, comme les principaux suspects dans cette affaire n’ont jamais été inquiétés, quelques années après, surgit un autre scandale de près de 650 milliards détournés des caisses des planteurs ivoiriens. Ici encore, même si quelques menus fretins ont pu être épinglés, force est de constater que l’opinion nationale est restée persuadée que l’homme fort du pays à l’époque devrait avoir eu sa part. Cette même opinion, certainement pas naïve, ne croit pas à l’innocence de Laurent Gbagbo dans l’affaire Trafigura et dans la dilapidation des indemnisations versées par l’affréteur du navire néerlandais. Ce qui conforte ces différents points de vue, c’est l’indifférence affichée par l’ancien chef de l’Etat, quand ont éclaté toutes ces affaires. Pour de nombreux Ivoiriens, si Laurent Gbagbo a souvent donné l’impression de laisser-faire ou de ne pas vouloir sanctionner ses collaborateurs indexés, c’est parce qu’il serait lui-même ‘’mouillé’’ dans ces affaires. « Qu’a-t-il fait de l’argent du pétrole pendant plus de dix ans ? », s’interroge M. Coulibaly, parent d’une victime des crimes post-électoraux à Yopougon. Après avoir géré ces milliards pendant plus de dix ans, Laurent Gbagbo peut-il se prévaloir d’être pauvre ? « L’argument de l’indigence est une moquerie à l’égard des victimes de la barbarie perpétrée par des hommes en arme à sa solde », coupe net M. Coulibaly. Les enquêteurs de la Cpi devraient songer à aller voir dans d’autres paradis fiscaux dans lesquels l’argent volé aurait pu être placé à l’abri des regards indiscrets, qui plus est, sous des prête-noms.

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