Côte d’Ivoire: Les anciens rebelles pro-Ouattara doivent encore se contenir (IRIN)

Los Commandant ex Forces Nouvelles MAN

ABIDJAN, 2 janvier 2012 (IRIN) – Huit mois après l’entrée en fonction du président Alassane Ouattara à la fin d’un conflit civil prolongé, la paix demeure fragile, car les anciens combattants rebelles qui le supportaient continuent de commettre des meurtres et des violations des droits de l’homme.

Dix civils ont été tués et environ 15 autres ont été blessés ce mois-ci lors d’affrontements entre les anciens rebelles, qui font maintenant partie de l’armée nationale, et des civils à Vavoua, dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire, et à Sikensi, dans le sud du pays.

Dans une déclaration publiée le 29 décembre, l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) a exhorté le gouvernement à mettre fin à la violence. « L’ONUCI encourage les autorités ivoiriennes à mettre en œuvre les mesures rigoureuses qu’elles ont annoncées et à renforcer la discipline » au sein des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), a dit le porte-parole de l’ONUCI Hamadoun Touré.

Il a ajouté que l’ONUCI était toujours préoccupée par les « nombreuses violations des droits de l’homme attribuées aux FRCI dans plusieurs régions du pays et qui ont entraîné des réactions de la part des résidents des communautés affectées ». Il a cité des cas d’arrestation arbitraire et de détention illégale à Abidjan, la capitale commerciale.

Par ailleurs, le président de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (LIDHO) René Legré a dit : « Nous avons remarqué qu’en dépit des promesses qui ont été faites d’assurer la sécurité, il n’y a eu aucun progrès. Les gens sont toujours armés ».

Il a ajouté que le comportement inadmissible des soldats des FRCI commençait à susciter la colère des citoyens, qui songeaient de plus en plus à se défendre par eux-mêmes.

« Nous craignons que la population cesse bientôt de respecter l’armée », a-t-il ajouté.

À la suite de l’incident de Vavoua, M. Ouattara a ordonné aux soldats de retourner dans leurs casernes, mais ceux-ci ont refusé d’obtempérer.

À Abidjan, les anciens combattants ont troqué leur uniforme contre des vêtements civils, mais ils ont conservé leurs armes et occupent toujours certains postes de police. C’est notamment le cas à Abobo, une communauté située à 8,7 kilomètres au nord-ouest d’Abidjan et le bastion du parti du président Ouattara.

Des gendarmes et des policiers ont été déployés à l’intérieur du pays, mais ils ne sont pas armés et doivent se plier à l’autorité des seigneurs de guerre qui se sont installés dans ces régions lorsque d’autres forces pro-Ouattara sont descendues vers le sud depuis le nord en mars dernier.

« Impuissance de l’État »

« Dans ces circonstances, nous ne savons pas à qui faire confiance », a dit Kady Kouyaté, une travailleuse de la santé de la ville de Gagnoa, dans l’ouest du pays. « Ceux qui ont été entraînés pour assurer la sécurité n’ont pas les outils pour le faire. Et au lieu de nous rassurer, ceux qui possèdent les armes sont devenus nos persécuteurs ».

Elle a ajouté que ses collègues et elle-même avaient été, pendant deux mois, victimes d’attaques menées par des hommes armés portant des uniformes militaires.

M. Legré qualifie d’« impuissance de l’État » la réponse du gouvernement à l’insécurité. Dans les villages et les villes que son équipe a visités, de nombreux soldats semblaient recevoir des ordres provenant de l’extérieur de la structure militaire officielle. Il a en outre entendu des soldats dire que puisque le gouvernement ne leur versait pas de salaire, ils se payeraient eux-mêmes auprès des habitants.

« Lorsqu’ils sont confrontés à un obstacle, ils n’hésitent pas à utiliser leur arme », a ajouté M. Legré. Selon lui, les ex-rebelles qui font partie de l’armée devraient rapidement être identifiés et désarmés, car ils sont inaptes à porter des armes.

Selon Me Diarrassouba Lamine, président de la Convention des associations et des organisations libres de la société civile de Côte d’Ivoire (CLCI), des mesures plus rigoureuses sont nécessaires.

« Il faut identifier les causes des affrontements et songer à une réorganisation générale de l’armée. En effet, des foyers de tension risquent d’être créés partout où il y a des FRCI, et le processus de paix en cours pourrait s’en trouver compromis », a dit Me Diarrassouba.

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CÔTE D’IVOIRE: Les pénuries de sang font des victimes dans l’ouest du pays

IRIN

À l’hôpital de Man, les médecins disposent d’une seule poche de sang pour soigner Soumaïla Djiré, un jeune homme de 13 ans qui souffre de paludisme, alors qu’ils en auraient besoin de bien plus.
MAN, 8 janvier 2012 (IRIN) – Dans les hôpitaux et les établissements de santé de l’ouest de la Côte d’Ivoire, les pénuries de sang sont à l’origine de décès qui auraient pu être évités, en particulier parmi les enfants, selon des responsables de la santé locaux et internationaux.

Quatre-vingt-six personnes qui avaient besoin de transfusions sanguines sont décédées à l’hôpital de Man, le principal établissement de l’ouest du pays, pendant les 11 premiers mois de 2011. Selon les dossiers de l’hôpital, les trois quarts d’entre eux étaient des enfants.

« De nombreuses personnes meurent dans l’ouest à cause des pénuries de sang et des difficultés d’accès au sang », a dit Bisimwa Ruhana-Mirindi, coordonnateur du groupe sectoriel Santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

En 2011, les violences postélectorales ont rendu l’accès au sang presque impossible pendant plusieurs mois, a ajouté M. Ruhana-Mirindi. Les citoyens craignaient de se rendre dans les hôpitaux ou dans la seule banque de sang de la région, à Daloa (à 180 kilomètres de Man), à cause des groupes armés qui continuaient de tenir des postes de contrôle illégaux. Pendant cette période, les campagnes de collecte de sang de routine ont cessé.

Les dossiers médicaux montrent que, parmi les 923 personnes qui avaient besoin de transfusions sanguines à l’hôpital de Man, 19 pour cent n’en ont pas reçu, et que la moitié d’entre elles sont décédées.

La plupart des patients qui avaient besoin de transfusions étaient des enfants comme Soumaïla Djiré, un jeune homme de 13 ans qui souffre d’une anémie due au paludisme. Lorsqu’IRIN s’est rendu à l’hôpital, Soumaïla était très maigre et respirait difficilement. Les médecins disposaient d’une seule poche de sang pour le soigner, mais le pédiatre disait qu’il en faudrait plus. La famille n’avait pas les moyens de se rendre à la banque de sang située à Daloa.

Les proches de Soumaïla n’auraient pas pu donner du sang sur place non plus : « L’hôpital [de Man] ne dispose pas des équipements adéquats pour collecter et entreposer du sang conformément aux normes nationales », a dit Anderson Latt, coordonnateur régional de la santé pour l’OMS.

Pendant les violences postélectorales, le système de santé a été pratiquement paralysé dans l’ouest du pays. Les établissements de santé ont été pillés, les membres du personnel ont abandonné leur poste et le gouvernement a cessé de verser des salaires aux travailleurs de la santé.

Depuis la prise de fonction du président Alassane Ouattara en mai 2011, le gouvernement a ordonné au personnel médical de retourner au travail et a commencé à leur verser un salaire régulier et à organiser des visites sur le terrain pour veiller au bon fonctionnement des cliniques, selon M. Latt.

« Le gouvernement contribue à rétablir les systèmes de santé, et il a également distribué des fournitures médicales dans les établissements de santé », a dit M. Latt. La première dame, Dominique Ouattara, a aussi donné plusieurs ambulances à des hôpitaux situés dans l’ouest du pays.

Manque d’argent

Or, selon M. Latt, certaines ambulances ont été volées et la difficulté et les coûts que suppose l’accès à la seule banque de sang de la région ont entraîné de nombreux décès. Les proches des patients doivent faire le trajet jusqu’à la banque de sang et le centre de transfusions de Daloa. Il faut compter plus de quatre heures pour s’y rendre en ambulance, et on ne peut pas toujours y obtenir du sang. L’hôpital de Man demande 140 dollars pour envoyer l’ambulance à la banque de sang. Rares sont les familles qui ont les moyens de se le permettre. La plupart d’entre elles dépendent des transports publics.

« Pendant ce temps, l’enfant est peut-être en train de mourir », a dit M. Latt.

La banque de Daloa distribue des poches de sang à l’hôpital de Duékoué, au sud de Man, mais celui de Man ne dispose pas des installations nécessaires pour les entreposer, a indiqué Alassan Coulibaly, le directeur de l’hôpital. L’organisation Save the Children vient livrer du sang en provenance de Daloa environ une fois par semaine, mais l’hôpital l’utilise « tout de suite », a dit M. Coulibaly, ajoutant : « Chaque fois que quelqu’un a besoin de sang, ils doivent aller à Daloa ».

L’hôpital de Duékoué est lui aussi confronté à des pénuries de sang, a dit un médecin de l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF) qui travaille dans l’établissement. MSF y offre des soins gratuits, et notamment des opérations chirurgicales, ce qui attire un grand nombre de patients. Toutefois, la demande dépasse l’offre, a dit Sarah Pestieau, médecin pour MSF, ajoutant : « Cet hôpital bénéficierait grandement de la création d’un centre de transfusions ».

L’hôpital de Man ne dispose que d’une seule ambulance. Par ailleurs, elle ne bénéficie pas du soutien de MSF et se trouve encore plus loin de la banque de sang. À cause des coûts et des difficultés que suppose l’accès au sang, les familles et les médecins attendent que les cas s’aggravent : « Nous finissons par attendre que des symptômes graves se manifestent, comme une respiration difficile… ou le coma », a dit Horace Akapo, pédiatre à l’hôpital de Man.

L’OMS et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) ont mené une campagne de collecte de sang entre mars et juin 2011, alors que les combats faisaient rage, et ont ensuite distribué près de 5 000 poches de sang à des hôpitaux difficilement accessibles situés dans l’ouest du pays, a indiqué l’OMS. Les fonds se sont cependant épuisés en juin. « Nous avons eu du soutien pendant un certain temps, mais nous n’avons plus d’argent dans notre budget [pour des collectes et des distributions de sang] », a dit M. Latt.

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