Propos recueillis à Paris par Théophile Kouamouo Source: Le Nouveau Courrier
Après la réunion organisée par le porte-parolat de Laurent Gbagbo à Paris, vendredi dernier, Bernard Houdin, qui s’est entretenu pendant deux heures avec le plus célèbre prisonnier du monde, a bien voulu «donner les nouvelles» dans cette interview au Nouveau Courrier. « Nous sommes dans notre bon droit, nous savons que nous allons gagner », a-t-il martelé. Nous diffusons ici l’interview exclusive que nous avons réalisée avec lui.
Vous avez eu le privilège de voir le président Laurent Gbagbo à La Haye. Pouvez-vous nous dire comment cela s’est passé et quel est son état d’esprit ?
Avant toute chose, il faut savoir que, pour le voir, j’ai signé un document où je m’engageais à ne pas dévoiler le contenu de nos échanges à la presse. Je ne vais donc pas trop m’étendre sur ma visite au président. Mais je peux rassurer les Ivoiriens en leur disant que le président est en bonne forme physique, intellectuellement disponible, très serein, très concerné par l’évolution du pays, tout à fait sûr de l’évolution des événements parce qu’il a une vision historique des choses. Il est totalement dans son combat. Je ne peux que répéter ce qu’il a dit le 5 décembre lors de la première audition. «Nous irons jusqu’au bout». Cela veut dire beaucoup de choses à la fois.
Est-ce qu’il est bien traité, là où il est ?
Il est évident qu’il est dans les conditions d’une prison aux normes européennes, gérée selon le droit néerlandais. Donc les règles de droit d’un pays qui est quand même à la pointe du respect des droits de l’homme en Europe. Les locaux que j’ai pu voir lors de mon passage témoignent de conditions de vie qui, tout en demeurant une prison – ne l’oublions pas – disposent d’un certain confort, loin des conditions précaires dans lesquelles il était plongé lors de son séjour à Korhogo.
A-t-il récupéré de toutes les séquelles de son incarcération à Korhogo, justement ?
Je pense que l’essentiel des séquelles de l’époque de Korhogo s’estompent. Mais le président n’est pas homme à se plaindre. Il prend toutes ces choses avec philosophie et tout au long de l’entretien j’ai senti quelqu’un de serein, déterminé. Prêt à vous redonner à vous-même le moral !
Vous venez d’avoir une rencontre avec les Ivoiriens de l’Ile de France, qui a été par moments un peu houleuse. Quel est le message que vous voulez que les présents et les absents retiennent ?
Je ne dirai pas qu’elle était houleuse. Il faut savoir que les Ivoiriens restent encore sous le coup de l’émotion. Cette émotion s’était estompée entre le 11 avril à fin novembre. Le transfèrement à La Haye a renforcé le côté émotionnel des choses. Il y a un certain nombre de débats alimentées sur Internet sur les avocats, sur les conditions de transfèrement à la CPI, sur pourquoi Gbagbo et pas les autres, etc. La première chose à faire est de se remettre dans une posture politique, dans l’intérêt du président et du combat, de conserver son émotion en soi et de se battre avec le plus de rationalité possible. On a à faire face aux autorités françaises ici, à de nombreux médias, à la situation en Côte d’Ivoire, au problème des réfugiés, des disparus… Toutes ces choses doivent être traitées avec beaucoup de conviction et toujours placées sur le terrain politique, où nous sommes les meilleurs.
Une polémique se développe dans la diaspora sur le choix des avocats du président, notamment sur l’un d’entre eux. Quel est votre message aux Ivoiriens de la part du président Gbagbo à ce sujet ?
Je répèterai tout simplement ce qu’un participant a dit dans la salle lors de la réunion. Il a dit : «Si Gbagbo était là et disait qu’il avait désigné Katinan comme porte-parole, Houdin comme représentant de son porte-parole, Altit comme avocat, auriez-vous autant contesté ?» Aujourd’hui, le président a choisi des gens. Dans le cadre de la défense, il a choisi un avocat, mais d’autres vont renforcer l’équipe qui va plaider à La Haye. Il a surtout sa conseillère juridique, qui l’était au Palais et qui l’est toujours par un mandat qu’il a signé à Korhogo en mai dernier. La diaspora doit faire confiance au président. Le premier avocat du président, c’est le président lui-même. Les avocats ne font que traduire dans le verbiage juridique sa volonté. Ils vont dans le sens où il choisit lui-même d’aller. Un point, un trait.
Vous allez relancer la campagne de collecte de fonds au profit du président Gbagbo…
Nous sommes dans notre bon droit, nous savons que nous allons gagner. Tout ce que nous ignorons, c’est le jour et l’heure. Entretemps, il y a beaucoup de choses à faire, au niveau juridique, au niveau de l’organisation de la diaspora, des déplacements, de l’organisation. Cela réclame de l’argent. Nous venons d’apprendre que la CPI reconnaît le statut d’indigence du président, ce qui prouve qu’il n’est pas un homme d’argent, qui s’est enfui avec de l’argent. Au moment où l’on parle des biens mal acquis, le président est à l’opposé de toutes ces pratiques. Du coup, la résistance ivoirienne a besoin que les uns et les autres se mobilisent. La mobilisation, ce sont les esprits, les cœurs, mais aussi un peu d’argent, parce qu’on ne fonctionne pas sans argent.
Pratiquement, quelles sont les prochaines étapes après la diffusion d’un numéro de compte en France où déposer de l’argent ?
Le compte a été communiqué, c’est le compte unique, validé par le porte-parole du président. Bientôt, les gens seront informés du mode opératoire. J’ai été moi-même chez un expert-comptable renommé qui a accepté d’être celui qui surveillera le compte. Il y aura un contrôle mensuel et un audit trimestriel qui sera publié sur les rentrées de fond et l’utilisation de ces fonds. Cela permettra à tout le monde de savoir que l’argent collecté sera utilisé pour la bonne cause.
A part des virements directs sur ce compte, y aura-t-il d’autres moyens de contribuer ?
Le compte, c’est un réceptacle qui permettra de recueillir des fonds collectés y compris en cash. Par exemple, si des gens organisent une soirée de levée de fonds, les fonds récupérés peuvent être acheminés sur le compte. Quelqu’un qui est en Afrique du Sud pourra envoyer de l’argent par Paypal en allant sur le site Internet dédié au compte, des chèques pourront nous parvenir, etc… Nous allons diffuser les noms des personnes habilitées à recevoir de l’argent par les moyens classiques de transfert rapide d’argent, un trésorier, des trésoriers adjoints, etc. Tous les moyens seront mis en œuvre pour alimenter ce fonds dédié à la résistance ivoirienne, essentiellement à la défense du président.
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