A la faveur du réveillon, le 31 décembre dernier, que la Coordination des patriotes ivoiriens en exil a organisé à Accra (Ghana) en l’honneur du Président Gbagbo, Notre Voie a échangé avec Damana Adia Pickas, président de cette structure et ex-membre du bureau central de la commission électorale indépendante (Cei). L’actualité sociopolitique ivoirienne était au menu.
Notre Voie : Vous dirigez la Coordination des patriotes ivoiriens en exil (Copie). Qu’est-ce qui justifie la création d’une telle structure ?
Damana Pickas : Je voudrais avant tout propos, en ce début d’année, souhaiter mes vœux de nouvel an à toutes les Ivoiriennes, à tous les Ivoiriens, à tous les habitants de la Côte d’Ivoire et à tous les Africains. Que cette année soit meilleure que l’année 2011. Pour les exilés qui ont fui le pays à l’occasion des évènements post-électoraux, je voudrais que l’année 2012 soit l’année de la délivrance et du retour au pays. Ceci étant, le Président Gbagbo a été arrêté et déporté à la Cpi. Ça été un choc pour nous. Nous ne l’avons pas accepté et nous ne l’acceptons toujours pas. Pour nous, Gbagbo demeure le symbole de notre résistance. Le symbole de la nouvelle Côte d’Ivoire et de la nouvelle Afrique. L’Afrique digne, l’Afrique qui se bat pour son émancipation, son indépendance et sa souveraineté. Pour nous, même en prison, Laurent Gbagbo demeure l’incarnation de notre combat. C’est pourquoi nous avons voulu lui dédier ce réveillon (31 décembre 2011, ndlr) pour témoigner toute notre solidarité à sa personne ainsi qu’à sa famille notamment ses enfants. Vous avez bien vu que ses enfants étaient avec nous (à Accra, le 31 décembre dernier). Nous voulons leur dire que la situation qu’ils vivent est aussi la nôtre. Mais nous voulons surtout démontre à l’opinion internationale que Gbagbo est injustement incarcéré. Et que toute cette situation autour de lui n’est qu’une manipulation politicienne. La quasi-totalité de son peuple est à ses côtés. Le peuple ivoirien continue de le porter en prière. Nous sommes convaincus qu’il triomphera de toute cette manipulation. Parce qu’au bout de ce combat, la Côte d’Ivoire digne sera délivrée et l’Afrique retrouvera sa dignité. Mais surtout parce qu’il reviendra victorieux de la Cpi. Il rejoindra ensuite ses compatriotes à la place que ceux-ci lui ont donnée. C’est-à-dire à la tête de l’Etat pour que la Côte d’Ivoire puisse poursuivre son chemin.
N.V. : Qu’est-ce qui fonde votre optimisme ?
D.P. : D’abord parce que nous avons foi en Dieu. Et parce que le dossier, en lui-même, est vide. On ne peut pas affirmer que Gbagbo est auteur ou co-auteur de crimes contre l’humanité. C’est impensable et inadmissible quand on connait le parcours de l’homme, les grands principes qui ont présidé à sa gestion du pays, on ne peut qu’être amère à entendre ces accusations. Le peuple est désabusé et se dit qu’il ne s’agit pas de son Laurent Gbagbo. Et comme nous savons que Dieu est un Dieu de justice, nous sommes convaincus que Gbagbo reviendra de la Cpi. Déjà vous avez vu l’aisance avec laquelle il s’est défendu (le 5 décembre dernier, ndlr) et l’émotion que cela a suscitée à travers le monde entier. Aujourd’hui du fait de son incarcération à la Cpi, la petite cité de La Haye (Hollande) est constamment agitée par des manifestations régulières de soutien. Ces manifestations constituent un cinglant désaveu à tous ceux qui l’ont injustementemprisonné. Aujourd’hui, ils en ont fait le prisonnier le plus célèbre au monde. Les observateurs se demandent, mais quel ce «dictateur» pour qui des milliers de personnes bravent le froid pour se mobiliser à La Haye ? Quel ce « dictateur » qui draine autant de foule ? S’agit-il en réalité d’un dictateur ? Est-ce qu’on ne s’est pas trompé sur le compte de cet homme ? Autant de questions que suscitent toutes ces manifestations de soutien et qui augurent d’un avenir meilleur. C’est pour toutes ces raisons et pour bien d’autres que nous sommes sereins et optimistes. Le Président Gbagbo reviendra triomphalement parce qu’il y a un Dieu pour les justes.
N.V. : Quels sont les objectifs de la Copie ?
D.P. : Au regard du rôle que les patriotes ont joué en Côte d’Ivoire pendant toute cette lutte, il était important qu’ils s’organisent en exil où ils sont momentanément pour poursuivre le combat. La naissance de la Copie répond d’abord à un souci d’organisation. Mais elle répond également à la volonté de manifester notre solidarité à l’égard de tous les exilés. Vous savez que les ivoiriens vivent dans des conditions extrêmement difficiles en exil et il était important pour nous d’être au plus près d’eux. Afin qu’ils sachent que la situation que nous vivons n’est que passagère. Malgré quelques moyens que nous avons, nous faisons de temps en temps des dons parce que ce n’est pas aussi facile à notre niveau. Mais nous pensons que nous allons surmonter toutes ces épreuves et aller jusqu’au bout de notre combat pour la délivrance de notre pays.
N.V. : Avec la situation d’extrême dénuement dans laquelle vivent les exilés, comment arrivez-vous à vous en sortir ?
D.P. : Quand j’ai parlé de l’existence d’un Dieu pour les justes et les pauvres, ce n’est pas un hasard. Au sortir de cette situation, je crois que chacun de nous rendra témoignage des bienfaits de Dieu. Parce qu’il n’y a pas d’autres explications. Nous sommes sortis pratiquement nus du pays. Nous n’avions rien, absolument rien ! Tout était bloqué, par conséquent, la vie était quasi- impossible. Mais avec la prière et la foi que nous avons en Dieu, vous voyez aujourd’hui que nous sommes vêtus et que nous mangeons à notre faim. Tout cela, c’est la miséricorde de Dieu. Il connait la justesse de notre combat et il ne veut donc pas que nous soyons dans l’indigence.
N.V. : Il y a eu, le 11 décembre dernier, des élections législatives en Côte d’Ivoire avec un taux de participation très faible. On a aussi les Frci qui sont de plus en plus décriées à cause des exactions qu’elles commettent, la situation économique et sécuritaire est dégradée, les nouveaux tenants du pouvoir refusent de dialoguer avec l’opposition, la réconciliation est totalement plombée… Quel regard portez-vous sur tout cela ?
D.P. : Je pense qu’il n’y a pas meilleure preuve du rejet de ce régime par les Ivoiriens que ces législatives. Les Ivoiriens n’aiment pas Ouattara et son régime. C’est parce qu’ils sont sous la me-nace des armes et de la violence primaire qu’ils n’arrivent pas à exprimer leur rejet de ce régime de façon bruyante. Sinon dans leur écrasante majorité, les Ivoiriens ne se sentent pas concernés par ce que font Ouattara et son régime. Il faut que le régime Ouattara en tire les leçons et les conséquences pendant qu’il est encore temps. Ce cinglant désaveu pour les législatives, 15% de taux de participation environ, doit l’interpeller. Ouattara devrait comprendre qu’il n’a pas l’adhésion du peuple qu’il prétend gouverner. L’enjeu des législatives, c’était le taux de participation. Ce n’est pas quelque chose de banal. Des observateurs sérieux devraient comprendre qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Ils devraient comprendre que ce régime a un grave problème de légitimité. C’est pourquoi, il est impératif que Ouattara puisse engager des discussions franches avec l’opposition et même avec l’ensemble des Ivoiriens pour qu’on ouvre une transition. Ouattara a lancé un appel solennel, le jour-même du vote (le dimanche 11 décembre dernier, ndlr) invitant les Ivoiriens à sortir massivement. Mais cet appel n’a pas été entendu. Bien au contraire, son appel a fait que les Ivoiriens ont été plus que jamais déterminés à ne pas sortir. A partir de cet instant, il faut que la communauté internationale et la classe politique ivoirienne s’asseyent pour analyser froidement la situation. Cette future Assemblée nationale est illégitime parce que Ouattara, lui-même, est illégitime. Il faut donc ouvrir une période transitoire. Créer les conditions d’un gouvernorat à la tête de l’Etat pour préparer des échéances crédibles. Pour moi, les élections qui ont été organisées (présidentielles et législatives) ont été tripatouillées. La Cei n’ayant pas donné de résultats jusqu’à aujourd’hui. On ne sait pas qui a remporté les présidentielles 2010.Et c’est pour régler ce problème que le Président Gbagbo avait demandé le recomptage des voix. En lieu et place de cela, c’est avec un cafouillage indescriptible que Ouattara a été porté à la tête de notre pays. Ça prouve simplement que Ouattara est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat.
N.V : Parlant de coup d’Etat, le pouvoir ivoirien actuel vous soupçonne d’en préparez un à partir du Ghana. Qu’en est-il ?
D.P : De préparer un coup d’Etat ? Non, les coups d’Etat ne sont pas dans notre culture politique. Et puis, les Ghanéens sont extrêmement regardants sur les activités des exilés ivoiriens et c’est mieux ainsi. Nous ne préparons aucun coup d’Etat à partir du Ghana ni d’ailleurs. La libération des Ivoiriens partira de la Côte d’Ivoire et sera le fait des Ivoiriens, eux-mêmes. Comme ils se sont déjà révoltés à Vavoua, Abengourou, Sikensi, dans le pays Akié, etc. Nous sommes conscients des souffrances du peuple ivoirien. Mais nous voulons les rassurer. Cette année sera l’année de la délivrance de la Côte d’Ivoire. Si Ouattara veut qu’il ouvre le dialogue républicain. C’est aussi une voie de délivrance. C’est lui qui encourage les exactions des Frci parce que cela lui permet de gagner du temps. Mais pendant combien de temps, cela va-t-il durer ?
Entretien réalisé à Accra par Boga Sivori bogasivo@yahoo.fr
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