Un parfum de remaniement ministériel souffle sur le gouvernement. Les élections législatives qui captivaient tous les regards sont terminées. Une nouvelle ossature s’est dessinée à l’hémicycle et à forte coloration Rdr, teintée d’une dose non négligeable des couleurs du Pdci-Rda, le vieux parti avec 77 élus. Les indépendants avec 35 parlementaires, auront leur mot à dire tout comme les petites formations politiques comme l’Udpci (7 députés), le Mfa (3 députés) et l’Upci (1 député). Ce fait majeur implique forcément une recomposition du paysage politique comme cela se passe dans les grandes démocraties.
Depuis l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2010, ‘’un contrat’’ non écrit mais verbal a été passé entre les deux alliés du Rhdp que sont le Pdci et le Rdr. Il a été promis le poste de Premier ministre au premier (le Pdci) au cas où le candidat du second (le Rdr) l’emportait. Depuis le 11 avril 2011, le mentor du Rdr exerce l’effectivité du pouvoir et le Pdci attend toujours qu’Alassane Ouattara, le président élu honore ses engagements. Cela est su de tous. Les circonstances dans lesquelles Alassane Ouattara avait pris le pouvoir l’ont amené, en accord avec le président du Pdci-Rda, Henri Konan Bédié, à confier les rênes du gouvernement à Guillaume Soro, chef des Forces nouvelles, l’ex-rébellion armée. Cela s’appelle saine appréciation des réalités du moment. Les législatives terminées, on se dit au Pdci-Rda que l’heure est venue de passer le témoin. De donner à César ce qui appartient à César. Et c’est le secrétaire général de ce parti, fraîchement élu député de Saïoua qui affichait son impatience. ‘’Nous espérons que le poste de Premier ministre au Pdci ne sera pas une simple promesse de campagne’’, disait-il dans les colonnes d’un confrère. Comme une levée de boucliers, ce sujet qui suscite intrigues et passions n’a pas échappé à l’analyse de bien d’observateurs. Les lobbyistes eux, n’attendaient que cette occasion. Avant la communication du premier ministre lui-même sur le sujet, Alphonse Soro, lui aussi élu député de Karakoro, a saisi la perche qui lui a été tendue pour s’exprimer sur le sujet. ‘’Au Pdci, je dis que nous sommes tous soucieux du respect de la promesse électorale du Président Ouattara et surtout soucieux de sauvegarder l’entente et la cohésion actuelle à la tête de l’Etat. Maintenant, que le Pdci-Rda sache que le faiseur de roi n’est pas le roi. Il faut qu’au Pdci on intègre cela. Le Président de la République c’est Alassane Ouattara. (…) On ne crée pas un parti politique pour revendiquer la primature. On crée un parti politique pour diriger un pays’’, assène Alphonse Soro dans ‘’le Patriote’’ du mercredi 28 décembre. C’est le début de la mayonnaise. Alphonse Soro, pour qui le connaît, est l’autre Blé Goudé du régime Ouattara. On se souvient de sa manœuvre pour dégager Paul Yao N’dré du Conseil constitutionnel. Donnant du fouet à la mayonnaise, le Premier ministre lui-même est monté au créneau pour plaider en sa faveur même s’il se refuse à l’admettre comme tel. Le dernier conseil des ministres de l’année 2011 lui a servi de tribune pour vanter son action. En servant un discours circonspect. En voici un bout : ‘’En effet monsieur le président, six mois, c’est bien peu. (…) sans aucun doute que mes propos feront une fois l’unanimité de tous les ministres. Quoi qu’il en soit, excellence monsieur le président de la République, je peux vous dire que chacun et chacune d’entre nous ici présent, nous sommes heureux et fiers de pouvoir servir la Côte d’Ivoire à vos côtés’’. Une sorte de demande polie à travers laquelle transparaît la volonté du Premier ministre Soro de rempiler en implorant le soutien des membres de son équipe. Pour bien d’observateurs, Alassane Ouattara est, sur le sujet, à l’épreuve de la parole donnée. Va-t-il trahir sa promesse en reconduisant Soro ? ‘’Dans ce cas, ses alliés lui trouveraient des attitudes de boulanger, celui qui roule ses partenaires dans la farine. Un gros risque politique quand on sait que l’influence du Pdci n’est pas à négliger. Et la capacité de nuisance du vieux parti pourrait jouer bien de tours à l’actuel locataire du palais présidentiel. Le Rhdp s’en trouverait affaibli’’, commente un observateur averti, bien introduit au Rhdp. Guillaume Soro qui vante l’action de son gouvernement a marqué de bons points qui plaident en sa faveur. Six mois aux affaires, six mois d’intenses activités qui ont permis au pays de retrouver ses marques. C’est avec l’action de son gouvernement qu’un slogan a été rendu célèbre : ‘’Ouattara a fait en cent jours ce que Gbagbo n’a pas fait en dix ans’’. D’ailleurs dans son message à la Nation le 31 décembre dernier, le Chef de l’Etat a rendu hommage au gouvernement sans toutefois cité le nom du Premier ministre. Pour sa part, Soro Guillaume se la joue serein, avec le réveillon en famille à Ferké. Manière de positiver et de dramatiser les choses. Mais en réalité, Guillaume Soro est à la primature depuis 2007 après la signature des accords de Ouaga. ‘’Faut-il encore continuer avec lui pour donner l’impression que la Côte d’Ivoire est toujours dans la belligérance ?’’, s’interroge-t-on dans les rangs du Cnrd. La balle est dans le camp du Président de la République. C’est son pouvoir discrétionnaire.
S. Débailly
Réactions de la classe politique et de la société civile
Alphonse Djédjé Mady (SG du Pdci-Rda) :
‘’Cette question est l’affaire du Président de la République’’
«Cette question est l’affaire du Président de la République. Il n’appartient pas aux citoyens de s’arroger ce droit. On ne désespère pas du travail du Premier ministre. Seul le Président de la République sait ce qu’il fait avec tel ou tel. Il faut maintenant arrêter les supputations. C’est vrai qu’il y a eu une promesse quant au poste de Premier ministre. Mais chacun doit faire confiance au chef de l’Etat. C’est à lui de juger du moment de tenir sa promesse. C’est lui qui est à la barre et il sait ce qu’il fait».
Bamba Sindou (président du Raidh, société civile) :
‘’ Ce n’est pas notre problème’’
«Ce n’est pas la personne du Premier ministre en tant que tel qui est importante. Pour nous, il faut quelqu’un qui travaille pour le respect des droits humains dans tous ses compartiments. Ce qui est important, c’est l’emploi pour les jeunes, c’est le fonctionnement de l’université. Le Président a dit qu’il va construire un Etat de droit, c’est ce qui nous intéresse. Maintenant pour le reste, c’est une promesse entre des alliés. Ce sont des considérations politiques. Ce n’est pas notre problème».
Dr Brissi Takaléa (SG de Lider) :
‘’C’est le travail que nous aurons à apprécier’’
«On n’est pas partie prenante à ce débat. C’était un accord entre le Pdci et le Rdr. Ce n’est pas à nous de choisir qui est bon ou qui ne l’est pas. D’ailleurs pour l’instant, on n’émet que des hypothèses dans la mesure où le Président lui-même ne l’a pas encore confirmé. Par ailleurs, si celui qui vient, qu’il soit Duncan ou Soro, peu importe. C’est le travail que nous aurons à apprécier. Sinon nous n’allons pas rentrer dans un débat qui ne nous concerne pas».
Woï Messé (Udpci) :
‘’Je n’ai pas d’avis sur le sujet’’
«Je n’ai pas d’avis sur le sujet. Il faut s’adresser aux hommes hautement politiques».
L’Intelligent d’Abidjan
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