La nomination de Maître Emmanuel ALTIT, à la défense de Laurent GBAGBO, à la CPI, fait aujourd’hui, à tord ou à raison débat.
Au motif que cet avocat aurait, en son temps travaillé pour l’Etat Français et aurait été proche de son exécutif, des pros Gbagbo s’opposent à sa nomination au double prétexte qu’il y aurait collusion entre cet avocat et son ancien employeur et que ceux qui l’ont nommé, à savoir le porte-parole de Laurent GBAGBO et sa conseillère juridique l’auraient choisi par défaut, du fait, je cite, «de leur éloignement et de leur état de choc psychologique résultant de leur condition de réfugiés». Ceci sous-entendrait qu’ils ne disposeraient pas de toutes leurs facultés d’appréciation habituelles, ce qui pourrait se comprendre. Si à l’évidence on peut intégrer ce raisonnement, on ne peut cependant pas pour autant évoquer ici une relation de cause à effet qui dirait :
Si l’Etat Français au travers de son dirigeant est le responsable de la déportation de Laurent Gbagbo à la CPI, et que Me ALTIT ait collaboré avec ce dirigeant, donc Me ALTIT n’est pas recevable en tant que défenseur de Laurent Gbagbo parce qu’il pourrait être sous influence, manipulé, à son insu ou non, sous une forme ou sous une autre par un réseau d’intérêts. Est-ce que ces relations de proximité, entre le chef de l’Etat Français, via un corps judiciaire et Me ALTIT pourraient dénaturer ou orienter les stratégies de défense de Laurent GBAGBO, là est la question. Les prémisses de cette construction rhétorique qui nous amènent à cette conclusion sont extrêmement dangereuses et dénuées de tout fondement rationnel.
Cependant, on peut comprendre qu’à la simple évocation de la nature des relations entre Me ALTIT et son ancien employeur et au rappel de ce qui s’est passé le 11 Avril 2011 devant la résidence du chef de l’Etat à Cocody, l’amertume et la colère des pros Gbagbo puissent prendre des proportions démesurées. C’est une nouvelle provocation, une nouvelle machination qui se met en place et comme ils disent, « La chandelle qui va devant éclaire mieux que celle qui va derrière » dit autrement : il vaut mieux prévenir que guérir et demander manu militari à changer d’avocat. Certes !
Le drame qu’on vécu physiquement et mentalement les fidèles de Laurent Gbagbo adossés à une haine de l’exécutif Français, justifie à lui seul cette position radicale, et encore une fois nous la comprenons. Mais, en toutes choses, la raison doit venir édulcorer les passions, car en l’espèce nous condamnerions les actions à venir de Me ALTIT en lui prêtant des intentions inavouables, on appelle cela, un procès d’intention. Un procès d’intention est un sophisme, c’est-à-dire un raisonnement faux malgré une apparence de vérité. Bien sûr nous avons été nous-mêmes, victimes de procès d’intention et de bien d’autre calomnies et blessures qui dépassent le cadre du seul procès d’intention, alors je dis que si, quelque part il subsiste un doute, on ne peut pas ne pas le voir et ne pas le considérer à sa juste dimension surtout quand ce doute est susceptible de générer de très lourdes conséquences pour Laurent Gbagbo et au-delà pour tout un peuple.
Dans le doute on s’abstient, car ce doute est quelque part un hommage rendu à l’espoir et ça, et Me ALTIT et ceux qui l’on nommé doivent le comprendre. La soumission désarmant la colère, il appartient maintenant à ces protagonistes de s’expliquer sur les contingences de cette nomination et surtout de donner des garanties de bonne fin quant au procès qui doit prochainement se tenir. Le droit dans son application étant on ne peut plus irrationnel ces garanties de bonne fin devront se doubler de garanties personnelles car une fonction d’avocat repose sur le seul principe de l’intuitu personae, à savoir que tout se fonde sur sa notoriété, ses compétences et ses qualités personnelles.
Aujourd’hui l’avocat de Laurent Gbagbo ne dispose d’aucun crédit et d’aucune confiance auprès d’une majorité de pros Gbagbo, quant à sa compétence comment la mesurer à priori et à postériori ça pourrait bien être trop tard !
Mais ! Le pénal réserve souvent des surprises qui vont au-delà du principe d’intuitu personae évoqué, c’est un engrenage pervers qui s’apprécie à la hauteur des enjeux et si comme il est, à tord ou a raison supposé, que l’avocat de Gbagbo est sous influence, l’homme sous la robe étant par nature faible et dévoyé, alors l’extrême vigilance est recommandée aux sympathisants de Laurent Gbagbo.
Les sympathisants de Laurent Gbagbo qui sont tous individuellement ses avocats et qui ont voix au chapitre ne se contenteront pas de la seule évocation du principe de l’éthique de l’avocat pour donner un blanc-seing à Me ALTIT.
En effet, au-delà des principes essentiels d’une charte de déontologie, qui régissent la fonction d’avocat, que sont l’honneur, la loyauté, le dévouement, la confraternité, la modération, la compétence et j’en passe, l’article 7 du décret du 12 juillet 2005 reprenant certaines dispositions dont l’article 155 du décret du 27 novembre 1991, expose une notion plus forte, qui est celle du conflit d’intérêts. Malheureusement les règles de déontologie du Conseil National des Barreaux, en France, si elles existent, dans les faits, dans leurs applications elles sont moins évidentes. En effet, la France ne dispose pas d’un véritable code de déontologie à l’instar du code du même nom du barreau Canadien ou chaque principe fait l’objet d’un chapitre très fourni, avec de longs commentaires, des notes diverses assorties d’illustrations doctrinales et jurisprudentielles, qui retournent plus du droit coutumier Anglo-saxon que du droit codifié Français ! Ce code fait autorité en matière éthique et disciplinaire.
Or donc, Me ALTIT doit, et ça n’est pas faire offense à son honneur que de dire ceci, se justifier face au peuple qui reste en dernier ressort le garant des intérêts de son leader. A force d’être juste on est souvent coupable disait Corneille, alors aujourd’hui on n’a plus envie d’être juste, on a juste envie de ne plus se tromper.
Les pros Gbagbo, à rien préfèrent le procès d’intention et c’est leur droit même s’il est dommageable. Dans un autre registre, étant donné que chaque sympathisant de Laurent Gbagbo est à lui seul un avocat de celui-ci, il est bon d’apporter un éclairage sommaire et pédagogique sur la connaissance des notions de crime contre l’humanité afin que chacun se fasse sa propre opinion sur la valeur de leurs portées. Le statut final de la Cour Pénale Internationale fut adopté par une conférence diplomatique à Rome le 17 Juillet 1998, par 120 voix pour, 7 contre, notamment les USA et la Chine ! Et 21 abstentions.
Pour information, hormis les cas ou il agit sur le renvoi d’un Etat partie du traité, le procureur peut déclencher des investigations de sa propre initiative sur la base de renseignements concernant les crimes relevant de la compétence de la cour. S’il conclut que les renseignements recueillis justifient l’ouverture d’une enquête le procureur présente alors une requête dans ce sens à la chambre préliminaire. Jusque là tout va bien ! Sauf que le Conseil de Sécurité de l’ONU pourra empêcher ou suspendre pendant 12 mois une enquête dans une affaire dont il est saisi au titre du maintien de la paix ! Aie ! Cette prérogative n’a pas été implémentée dans le cas de Laurent Gbagbo en revanche elle pourrait bien l’être pour d’autres cas à venir…chacun appréciera ! On est encore là dans ce qu’on appelle l’arbitraire, ce qui donne encore plus d’épaisseur aux doutes évoqués ci-dessus.
L’article 7 du statut de la CPI, constitue la liste la plus longue des crimes contre l’Humanité. En suivant la nomenclature dans les paragraphes concernés on entendra par crime contre l’humanité : (et là, c’est l’objet de ce test de vulgarisation que je soumets, ou chacun, dans son intimité, mettra des noms dans les cases).
Le meurtre, les conditions résumées sont les suivantes :
Si l’accusé qui l’a commis avait l’intention de tuer une ou plusieurs personnes.
Si le meurtre était sans justification, ni excuse légitime et que l’accusé le sût.
Si le meurtre faisait partie d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile et que l’accusé le sût.
L’extermination. Là c’est plus « intellectuellement intéressant » !
Par extermination on entend notamment le fait d’imposer intentionnellement des conditions de vies telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments !!! (que s’est-il passé en Janvier et Février 2011 en Côte d’Ivoire ?), entraînant la destruction d’une population.
L’extermination doit être sans justification ni excuse acceptable par le droit international. (On est là dans le flou artistique le plus total ou l’interprétation laisse libre arbitre à toutes les dérives)
La déportation ou transfert forcé de population.
Il s’agit de déplacer des personnes en les expulsant ou par d’autres moyens plus coercitifs de la région où elles se trouvent légalement, sans motif admis en droit international.
L’emprisonnement
L’article 7 ajoute toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international.
La torture.
C’est ici le fait d’infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales à une personne se trouvant sous sa garde. (j’ai un souvenir terrible d’une vidéo montrant à Bouna ce type de supplice infligé à Michel Gbagbo, Affi N’guessan, Gnamien Yao et d’autres !)
Je ne souhaite pas ici en rajouter, mais je pourrai évoquer d’autres articles qui traitent de la persécution, des viols, de disparitions forcées et d’autres actes inhumains. Alors quand on sait que tous nous savons qu’il existe une justice à plusieurs vitesses au profit d’intérêts particuliers et que bon droit à besoin d’aide, il ne faut pas s’étonner des réactions épidermiques et tellement justifiées des sympathisants de Laurent Gbagbo dès lors qu’un semblant de filouterie leur semble être en train de se mette en place.
Peut être que Me ALTIT est en train de faire les frais de ces suppositions qui ne sont le fruit que de la souffrance de leurs auteurs mais peut être aussi que chacun derrière ses claustras se perd en conjectures malsaines, en imageries mentales, en tout état de cause, il faut se parler.
Certes il faut s’en tenir au faits, mais quand les faits ne sont pas là, alors la dimension du problème est démultipliée parce qu’elle ne repose que sur de l’irrationnel, que sur du subjectif.
Attention à ne pas faire en sorte que lorsqu’on ne trouve pas un sens à son malheur on lui cherche systématiquement un coupable !
Alain CAPPEAU
Conseiller Spécial du Président Gbagbo. Nommé par décret N°2007584 en date du 21 septembre 2007.
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