S’il y a quelqu’un qui a une réputation controversée dans la longue crise politique qu’a traversée la Côte d’Ivoire, c’est bien Blé Goudé. Pour ses admirateurs, le “général de la jeunesse” n’est qu’un véritable patriote dévoué à la cause de son pays, qu’il veut libérer de la domination étrangère, notamment occidentale. C’est peut-être pour cela qu’il a créé et dirigé le Congrès panafricain de la jeunesse (COJEP). Pour d’autres, il n’a de conscience que celle de son mentor, Laurent Gbagbo, pour qui il s’est livré sans retenue à la haine contre les étrangers et contre les adversaires politiques. Et ce ne sont pas des faits qui manquent pour étayer leur opinion.
En effet, en 2004, l’ancien responsable de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) s’est illustré par l’appel à la résistance contre la présence française : “Si vous êtes en train de manger, arrêtez, si vous dormez, réveillez-vous. Tous à l’aéroport au 43e BIMA. L’heure est venue de choisir entre mourir dans la honte et le faire dans la dignité”, a-t-il lancé à ses partisans. S’en sont suivies des manifestations violentes contre des Occidentaux et leurs propriétés.
C’est, entre autres, ce qui lui a valu la condamnation par l’ONU le 7 février 2006. En effet, il est interdit de voyage, et ses avoirs sont gelés, car il est accusé de “déclarations publiques répétées préconisant la violence contre les installations et le personnel des Nations unies et contre les étrangers, direction et participation à des actes de violences commis par des milices de rue y compris des voies de faits de violences et des exécutions extrajudiciaires”.
Après un peu de recul, il a fait acte de contrition en se présentant comme un pacifiste. Conséquence, il a été nommé en avril 2007 “ambassadeur de la paix” par le gouvernement Soro dans la perspective d’une réconciliation nationale. Puis à l’occasion de la crise postélectorale, qui a fait 3 000 morts cette année dans son pays, il est retournée à ses anciennes amours avec ses discours enflammés et la mobilisation de milliers de jeunes le 31 mars 2011 pour les enrôler dans les forces pro-Gbagbo.
Avec l’arrestation le 11 avril 2011 de son idole, l’ancien président Laurent Gbagbo, le président de l’alternance patriotique n’a pas eu d’autre choix que de s’exiler dans la sous-région. S’il a gardé au début sa violence verbale en niant toute légitimité aux nouvelles autorités, il vient de changer de cap en s’inscrivant dans une dynamique de réconciliation comme s’il a commencé à avoir le mal du pays.
Dans un communiqué publié le 28 décembre, le chef des jeunes patriotes a appelé à “un dialogue sincère et franc” entre pouvoir et opposition pour une vraie réconciliation nationale. Comme on le voit bien, Blé Goudé veut que les jalons de la paix soient posés par le nouveau pouvoir et reconnaît la vertu du dialogue, car, dit-on, toute guerre finit toujours autour d’une table de négociations. Il fallait donc qu’il use son aura et de son influence pour éviter cette violence inouïe qui a coûté la vie à plusieurs milliers de ses concitoyens.
Qu’à cela ne tienne, le nouveau régime devrait prendre en compte les conseils de cet acteur non négligeable de la scène politique pour mettre fin à la justice des vainqueurs et faire en sorte que la réconciliation ne soit pas un vœu pieux. En attendant, celui qui conseille le pouvoir actuel est recherché par la justice de son pays, et on se demande s’il a encore voix au chapitre dans le processus de réconciliation en cours dans la Côte d’Ivoire, qui lui manque.
Abdou Karim Sawadogo – L’Observateur Paalga
Commentaires Facebook