Sans surprise, la nouvelle Assemblée nationale ivoirienne sera dominée par le RDR, le parti du président Alassane Ouattara, et ses alliés du PDCI d’Henri Konan Bédié. Le scrutin s’est déroulé dans un climat tendu.
Pour les premières élections législatives depuis onze ans, les électeurs ivoiriens ont boudé les urnes. C’est le premier enseignement du scrutin de dimanche, boycotté par l’opposition pro-Gbagbo, après une campagne émaillée de violences qui ont coûté la vie à cinq personnes, selon un bilan officiel. Dès la fermeture des bureaux de vote, la commission électorale faisait état d’une participation faible, « autour de 35 % ». Le scrutin « a enregistré un taux de participation avoisinant à peine 20 % », évaluait hier de son côté Justin Koné Katinan, porte-parole de l’ex-président Laurent Gbagbo écroué à la Cour pénale internationale (CPI). Cette abstention massive constitue un revers pour Alassane Ouattara, qui devra gouverner à l’avenir avec un Parlement souffrant d’un net déficit de légitimité. Sans surprise, la nouvelle Assemblée sera dominée par le RDR, le parti présidentiel, et ses alliés du PDCI d’Henri Konan Bédié. Le nouveau régime avait promis des élections législatives « transparentes et inclusives ». Un an après le début de la sanglante crise consécutive à l’élection présidentielle, le scrutin s’est en fait déroulé dans un climat délétère.
Des candidats avaient eu recours à des «milices »
L’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) a relevé, depuis le début de la campagne, de nombreux « cas d’atteinte à l’intégrité physique, des arrestations arbitraires et des mauvais traitements ainsi que des cas d’intimidation et de destruction de biens ».
L’ex-chef rebelle devenu premier ministre, Guillaume Soro, a lui-même admis que des candidats avaient eu recours à des « milices » et à des « éléments des FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire) ». Il a déploré ces « comportements antirépublicains ». Mais ses promesses de sanctions dissimulent mal son échec en matière de restructuration de l’armée. À l’origine de l’offensive militaire qui a permis, avec l’aide de la force française Licorne, d’installer Alassane Ouattara dans le fauteuil présidentiel auquel s’accrochait son rival Laurent Gbagbo, les FRCI, constituées d’ex-rebelles des Forces nouvelles, entretiennent un climat de désordre. Accusées de crimes contre l’humanité pendant la crise postélectorale, ces forces armées se livrent toujours au brigandage et continuent de se rendre coupable d’exactions.
Seuls des partisans de Gbagbo ont été poursuivis
Autre constat d’échec pour le nouveau régime, la « réconciliation » tant promise prend d’autant moins corps que s’installe le sentiment d’une « justice des vainqueurs ». « Seuls des partisans de Laurent Gbagbo ont été poursuivis, arrêtés, incarcérés, constate Patrick N’Gouan, coordinateur de la Convention de la société civile ivoirienne. Ils ne sont pourtant pas seuls coupables de crimes, ni seuls responsables de la situation délétère qui s’est installée en Côte d’Ivoire après 2002. Si on limite les enquêtes aux événements postélectoraux, il n’y aura pas de réconciliation. Pendant neuf ans, les deux tiers du territoire étaient sous contrôle des ex-rebelles des Forces nouvelles, qui en ont exploité les ressources sans rendre de comptes à personne. S’agissant de la crise postélectorale, des rapports de l’ONU, des ONG ont établi que des auteurs de crimes et d’exactions se trouvaient dans les deux camps. Tous doivent rendre des comptes. »
La Gauche africaine dénonce l’impunité d’un camp
Dans un communiqué diffusé hier à Johannesburg, le Forum de la gauche africaine (Alnef) dénonce le « parti pris » de la CPI dans la crise en Côte d’Ivoire, « en violation flagrante de l’esprit de neutralité qui devrait caractériser cette institution ». L’ Alnef s’étonne « de ce que seul M. Gbagbo ait été déféré à la CPI alors qu’aucun officiel français ni aucun membre du régime Ouattara n’ait jusqu’à présent été inquiété » et dénonce « une instrumentalisation de la justice internationale à des fins politiques ». « Les rapports des organisations de défense des droits humains accusent aussi bien les forces fidèles à M. Gbagbo que celles de MM. Soro et Ouattara d’avoir commis des massacres contre les populations civiles au cours de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. (…) Pourquoi cette impunité dont jouit le duo Soro-Ouattara ? » interroge l’Alnef. Ce réseau d’organisations progressistes exhorte enfin « le régime Soro-Ouattara à cesser toutes les exactions contre les opposants et les journalistes et à garantir l’exercice de toutes les libertés démocratiques ».
Rosa Moussaoui
Humanité
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