Source L’Intelligent d’Abidjan par Charles Kouassi
De retour des USA en Septembre dernier, le chef de l’état ivoirien SEM Alassane Ouattara s’est adressé au FPI en souhaitant que le parti ne commette pas les mêmes erreurs commises par le RDR en 2000. Le président Ouattara souhaitait, à travers cet appel fouetter l’orgueil du FPI et le pousser à aller aux élections législatives à venir, qui étaient déjà prévues le 11 décembre 2011. Des discussions ont été aussitôt ouvertes par lui, puis poursuivies sous ses auspices, par le Ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur. Elles ont donné des résultats jugés non satisfaisants par le FPI. Dans le camp présidentiel, certains observateurs avaient estimé, que même si Laurent Gbagbo avait été libéré, ainsi que tous les autres détenus, le FPI ne serait pas allé aux législatives. Laissons de côté ce type d’état d’âme et rappelons ce qui s’est passé en 2000, pour comprendre qui se passe aujourd’hui, avec la tenue effective de l’élection législative hier. En 2000, après avoir été exclu de la présidentielle, Alassane Ouattara a accepté d’aller aux législatives. Sa candidature validée par la Commission électorale, sera rejetée encore par la Cour suprême, pour les mêmes motifs que lors de la présidentielle. Devant cette situation, la majorité du RDR tombe dans l’émotion et le parti décide de boycott. A l’époque des cadres comme Adama Bictogo déconseillent une telle stratégie, mais ils ne sont minoritaires et ne sont pas écoutés. Plus de dix ans après, le président Ouattara avoue que ce fut une erreur de la part de son parti. Si le chef de l’état se met à la place et dans la peau du parti au pouvoir à l’époque, il complémentera son analyse et son juste et honnête mea culpa pour comprendre que le FPI avait lui aussi commis une erreur de n’avoir pas tout fait, pour permettre que le RDR participe aux législatives. En 2000, le RDR avait voulu finalement aller aux législatives et avait demandé une semaine de report. Mais le FPI avait refusé. Laurent Gbagbo et le nouveau gouvernement qui sortaient d’une élection calamiteuse, gagnée dans le sang contre Robert Guéi, ne voulaient pas d’élections législatives ouvertes et inclusives. Le nouveau parti au pouvoir a donné dans le refus d’un dialogue constructif (prétextant que Gbagbo n’est pas Tia Koné et n’avait rien à voir dans la décision, malgré les interventions des ambassadeurs de France et USA, etc…pour empêcher une décision de la Cour suprême contraire à celle de Guié Honoré).La refondation qui s’installait a joué les rigides pour ne rien concéder au RDR, pour pousser (et surtout maintenir), les républicains au boycott. Malgré tout, le FPI obtiendra moins de cent députés. Il sera même un peu devancé par le PDCI. Le FPI, parti au pouvoir ne devra son salut, qu’à une alliance aux forceps avec l’UDPCI, dont le chef Robert Guéi a conclu une alliance de circonstances et fait un mariage d’intérêt avec Laurent Gbagbo. Si le RDR a donc commis l’erreur de ne pas aller aux législatives, le FPI a lui également commis l’erreur de n’avoir pas crée les conditions pour que le RDR y participe effectivement. En 2000 l’erreur fut partagée. Le Rdr n’est pas le seul à blâmer. Contrairement à ce que pourrait laisser penser la déclaration du chef de l’état, le Rdr n’est pas le seul qui a commis l’erreur de ne pas participer. Mais 11 ans après, qu’est ce qui explique que le pouvoir Ouattara n’ait pas pu empêcher le FPI de commettre la même erreur que lui ? Et d’autre part, pourquoi après avoir commis sa part d’erreur dans l’opposition, le Rdr arrivé au pouvoir, commet la même erreur que le pouvoir FPI à l’époque ? Cette année, que demandait le FPI : des garanties sécuritaires, l’accès au financement un peu plus tôt, davantage d’égalité dans la composition du bureau de la CEI, libération des détenus, y compris de Laurent Gbagbo. Tout le monde a vu que le plus grand problème était le sort de Laurent Gbagbo et des détenus, et que les autres revendications pouvaient être satisfaites sans problème. Elles ont même trouvé une solution, pour la plupart. Au sujet des responsables du parti incarcérés, un geste a été fait. Le FPI a trouvé cela insuffisant. Sur la question, le parti au pouvoir n’aurait-il pas pu franchement proposer au FPI ce deal : allons aux législatives avec un minimum d’accord. Si vous obtenez la majorité, on en tiendra compte dans le sort de Laurent Gbagbo et des autres détenus, mais pour l’heure, voici ceux que nous pouvons libérer, toutefois il faut accepter de laisser la justice suivre son cours de façon générale. Mais que non ! On a eu plutôt l’impression qu’il s’agissait de tout faire pour s’octroyer une majorité et éviter que les partisans de Laurent Gbagbo viennent, à travers le parlement et le gouvernement, poursuivre leur « hold up électoral ». L’auteur de ces lignes, a souvent plaidé pour une forme de réconciliation, mettant en avant le pardon dans un premier temps, avant d’aller à la sanction, qui est le temps de la justice et de la lutte contre l’impunité. Le président de la République doit davantage avoir à cœur de gouverner, dans l’intérêt de tous les Ivoiriens, comme il l’a dit dans ses premières déclarations. Alassane Ouattara ne devrait faire que cela, sans considérer qu’il se plie à un quelconque chantage, ni aux désidératas du FPI, et des partisans de Laurent Gbagbo. L’absence du FPI aux législatives d’hier et le bas taux de participation sont un indicateur de ce que les choix et les options du chef de l’état, au delà même du FPI et des pro-Gbagbo, peuvent susciter des réserves au sein même du RHDP et des personnes ayant voté Alassane Ouattara. L’opération pays propre est passé, par là ; les frustrations dans les choix des députés, les choix des membres du gouvernement, les agissements de la justice, l’arrogance et l’insolence de certaines ministres, des abus commis au nom du pouvoir et de Ouattara, la poursuite de certaines pratiques de corruption, etc et bien d’autres choses sont à prendre en compte. Il ne serait pas juste de refuser de tirer de les bonnes leçons, et de s’en tenir aux généralités, selon lesquelles c’est toujours comme ça, les législatives et les élections locales dans un pays, et en particulier en Côte d’Ivoire . En 2000, l’absence du RDR a donné 33 pour cent de taux de participation aux législatives. Cela a donné après le complot de la Mercedes moire en Janvier 2001, une contestation régulière de l’Assemblée nationale. Ensuite il y’a eu Septembre 2002, Marcoussis, Accra et Ouaga. Il y’a eu aussi la crise du GTI de Pierre Schori, qui après Seydou Diarra et sous le premier ministre Banny, avait déclaré la fin du mandat des députés. Il faut avoir peur de la faiblesse du taux de participation d’hier. Certes cela ne signifie point le retour de la violence et des armes. Toutefois c’est un avertissement sans frais au pouvoir actuel. 11 ans après le boycott du RDR, quelques années après Septembre 2002, et quelques mois après la crise postélectorale qui a pris fin le 11 avril 2011, la violence et les armes ne peuvent apporter le changement en Côte d’Ivoire. Les révolutions en Egypte, en Tunisie, même si elles ont été confisquées et semblent inachevées, sont également bien là pour montrer que les adversaires de Ouattara n’auront pas vraiment besoin de violences, ni d’armes d’une part. D’autre part l’échec de Laurent Gbagbo malgré ses armes, l’environnement international, ainsi que les difficultés des régimes en Syrie ou au Yémen, montrent les limites éventuelles de l’usage de la force et de la répression. Pour éviter de mettre la pression sur les FRCI dans le maintien de l’ordre suite à d’éventuels mots d’ordre, ou manifestations du FPI, le président Ouattara et le nouveau gouvernement doivent maintenir un dialogue politique permanent et constructif avec l’opposition significative, et les partisans de Laurent Gbagbo. La crise postélectorale que la Côte d’Ivoire a traversée, et l’élection présidentielle elle-même, ont été précédées de dix ans d’arrangements politiques, de concessions permanentes et de dialogue. Vouloir gouverner sans tenir compte de cette réalité, de la crise récente, vouloir changer (les mentalités), tout et tout de suite sans prendre en compte l’urgence et les exigences d’un dialogue farouche, tenir compte des habitudes de dix ans de cogestion ; dire qu’on gagné seul et qu’on ne gouverne qu’avec le RHDP et Bédié, entrer dans l’exclusion et accompagner le FPI dans ses erreurs, c’est mettre le pays dans la tension permanente et dans l’incertitude. C’est saper le retour de la confiance avec les investisseurs. En laissant le FPI commettre les mêmes erreurs que le RDR, le pouvoir donne l’occasion à son adversaire de tenter de faire peur aux Ivoiriens, de saboter ses efforts diplomatiques, et de saper les acquis de toutes les aides et même du PPTE à venir. Le dialogue c’est au vainqueur d’en prendre l’initiative ; ce n’est pas à Laurent Gbagbo ni au FPI, de s’abaisser, de faire repentance, mais aux vainqueurs de tendre la main aux vaincus et de les relever du sol, ou ils sont couchés. C’est normal que le vaincu boude et soit de mauvaise humeur, qu’il ne soit pas fair play. Le temps est venu, pour les gouvernants actuels de tirer les conséquences des législatives d’hier. Il ne faut surtout pas dire que ce n’est rien, que les députés seront bel et bien légitimes, qu’on peut circuler, car y’a rien en face. Cette fois, ce n’est pas maïs ! En clair Ouattara et le RHDP doivent cesser d’accompagner Gbagbo et LMP dans leurs erreurs et provocations.
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