Gbagbo à la CPI: une solution de facilité (Jean-Baptiste Placca)

Abidjan 15 janvier 2010 (Jane Hahn, The New York Times.)

Chronique de Jean-Baptiste Placca

RFI

 

Gbagbo à la CPI : une solution de facilité

(02:39)

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Si elle avait été une mère, de chair et de sang, l’Afrique aurait sans doute mal, très mal à ses entrailles, exactement comme une génitrice peut souffrir pour l’enfant qu’elle a porté dans son sein.

Laurent Gbagbo a été livré, par son pays, à la Cour pénale internationale, et cette date du 29 novembre 2011 ne figurera certainement pas parmi les plus glorieuses de l’histoire de l’Afrique indépendante. Car il n’y a aucune gloire, pour le continent, à sous-traiter ainsi, à l’extérieur, un acte aussi grave que le jugement d’un ancien chef d’Etat.

Aucun motif de fierté, non plus, pour le peuple ivoirien, même si certains estiment devoir s’en réjouir. L’Histoire retiendra que la Côte d’Ivoire est le premier Etat souverain d’Afrique à choisir, délibérément, de déléguer à une juridiction supranationale, un procès qu’il aurait dû assumer.

Expédier Laurent Gbagbo à La Haye était, aux yeux de bien des Africains, la solution de facilité, à laquelle Alassane Ouattara aurait dû ne pas succomber, lui à qui l’on a tant reproché d’avoir recouru à l’intervention de forces étrangères pour s’installer dans les fonctions de chef d’Etat.

Une fâcheuse coïncidence a voulu que des intellectuels venus d’Afrique et d’ailleurs, sur invitation du gouvernement ivoirien, dissertent abondamment, à Abidjan, sur la Renaissance africaine, pendant que Laurent Gbagbo embarquait pour La Haye. Il n’y a pas de renaissance possible, si les Africains ne commencent pas par s’assumer, surtout lorsqu’il s’agit de problèmes relevant de la souveraineté des Etats.

Et les Ivoiriens auraient sans doute apprécié de voir leur ancien président répondre à des juges ivoiriens, en terre de Côte d’Ivoire, sur les souffrances endurées par eux ! Après tout, les Centrafricains ont bien jugé Jean-Bedel Bokassa ! Et les Maliens, Moussa Traoré !

Et pour l’idée que Laurent Gbagbo lui-même se faisait de son destin politique, quelle terrible déchéance que de devoir à présent passer ses soirées en compagnie de Charles Taylor et de Jean-Pierre Bemba !

Dans la solitude de sa cellule, lui, l’historien, va devoir analyser les choix et les actes qui lui ont valu un tel naufrage. Les prédictions du général Guéï sur « le boulanger Gbagbo » prennent, soudain, une dimension prophétique.

Et Laurent Gbagbo ne peut même pas dire que l’on ne l’a pas prévenu. C’est ici qu’il va devoir passer en revue ses amis, les vrais, les faux, ceux qu’il n’a pas voulu écouter, et ceux qui lui ont servi les complaisances qui ont nourri ses certitudes, au point de lui faire perdre pied.

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