En Côte d’ivoire, les enfants sont exploités dans la filière du cacao

Par Malcolm Curtis, swissinfo.ch

Les Hautes études commerciales de Genève lancent un concours pour sensibiliser les futurs acteurs de l’économie au fléau de la traite et de l’exploitation des êtres humains. C’est la 3e plus importante activité criminelle dans le monde après les armes et les drogues.

Forme contemporaine d’esclavage, la traite des êtres humains comprend le travail des enfants, l’emploi forcé des hommes et des femmes. Ces pratiques illicites asservissent des millions de personnes et génèrent environ 32 milliards de dollars (29 milliards de francs suisses) de bénéfices par an, selon les Nations Unies.

Pour y faire face, un concours pour étudiants, le premier du genre lancé par une université suisse, a été lancé par End Human Trafficking Now (EHTN), une ONG basée à Genève, avec le soutien du groupe Manpower et la section Hautes études commerciales (HEC) de l’université de Genève.

Fondée en 2006, EHTN travaille avec les entreprises pour mener une campagne de sensibilisation sur la traite, ses victimes et ses causes. La campagne met également en lumière les risques associés à la réputation des entreprises qui externalisent une partie de leurs activités, sans prêter suffisamment attention aux conditions de travail.

«Il y a plus d’esclaves aujourd’hui qu’à aucun autre moment dans l’histoire, pointe l’avocat américain Charles Adams, membre du Conseil EHTN. Le monde de l’entreprise a la responsabilité de lutter contre ce fléau, en prenant en compte l’ensemble de la chaine de production, y compris les sous-traitants.»

Problèmes suisses

Le travail des enfants et son lot d’ateliers de misère (sweatshop) persistent dans des pays comme l’Inde et la Chine, où les entreprises occidentales, y compris en Suisse, sous-traitent leur production, selon Rasha Hammad, porte-parole de EHTN.

«C’est un gros problème qui commence à être débattu publiquement», ajoute Rasha Hammad. En Suisse, la traite des êtres humains est le plus souvent associée à l’industrie du sexe et aux employés domestiques, y compris dans les missions diplomatiques.

Un rapport publié en juin par Washington a d’ailleurs critiqué la Suisse pour non-conformité aux normes minimales pour l’élimination de la traite des êtres humains. Le rapport dénonce en particulier l’absence de mesures contre la prostitution de jeunes de moins de 18 ans, alors que Berne a promis de la combattre.

Dans son rapport 2010, la police fédérale suisse estime entre 1500 et 3000 le nombre de victimes de la traite en Suisse. Il s’agit notamment des prostituées de Hongrie, de Roumanie, de Bulgarie, du Brésil, ainsi que les enfants Roms d’Europe de l’Est obligés de mendier et de voler dans les villes suisses.

Agissez dès maintenant

Mais ces chiffres ne correspondent qu’à la partie visible de l’iceberg qui ne comprend pas les sous-traitants des entreprises basées en Suisse. Nestlé, le géant mondial de l’agroalimentaire, a été contraint de se défendre il y a quelques années suite à la parution de rapports dévoilant l’exploitation de milliers d’enfants en Côte d’Ivoire dans le secteur du cacao destiné aux produits chocolatés.

La multinationale suisse a depuis promis d’adopter une politique de «commerce équitable» pour son approvisionnement en cacao. Conciliante, EHTN assure vouloir mettre en évidence les entreprises qui agissent progressivement contre le trafic humain, plutôt que de blâmer les entreprises qui ont mal agi dans le passé.

L’organisation fait ainsi l’éloge d’entreprises suisses comme le voyagiste Kuoni, qui a adopté des mesures pour que ses entreprises partenaires s’engagent contre l’exploitation des enfants. L’ONG cite également comme exemple l’Etat de Californie et sa loi imposant aux gros détaillants et fabricants de divulguer les mesures qu’ils prennent pour combattre la traite des êtres humains.

Changer l’avenir

Directeur de HEC Genève, Michel Léonard assure qu’aujourd’hui les études de commerces mettent davantage l’accent sur la sensibilisation à l’éthique et les préoccupations sociales.

Il y a un besoin de changer la façon dont les gestionnaires sont formés, dit-il, pointant l’introduction à la HEC Genève d’un diplôme de maîtrise en responsabilité d’entreprise. Un signe, selon Michèle Léonard, que les temps sont en train de changer.

Malcolm Curtis, swissinfo.ch
(Adaptation de l’anglais: Frédéric Burnand)

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