Laurent Koudou Gbagbo, nouveau pensionnaire des geôles de la CPI, vient de passer sa deuxième nuit d’incarcération à la Haye. Et il attend sa première comparution pour connaître les faits dont il aura à répondre ; cela ne saurait trop tarder, puisque, dès lundi 5 décembre 2011, l’ancien président ivoirien devrait comparaître devant la Cour internationale pour des formalités d’usage ; dans la foulée, il devrait savoir ce qu’on lui reproche et organiser sa défense en conséquence. Cela se passe à la Haye, à des milliers de km d’Abidjan ; Abidjan, en Côte d’Ivoire où « l’exfiltration » de l’ancien maître les lieux à destination de la CPI continue de faire des vagues.
On se demandait déjà si le moment du transfèrement du « colis encombrant » était propice ; la crainte était réelle : le Congrès national pour la résistance pour la démocratie (Cnrd), dont le Fpi est membre, non seulement retire ses candidats des législatives du 11 décembre, mais, plus grave, suspend sa participation à tout processus de réconciliation. La mesure vaut son pesant d’incertitudes pour une Côte d’Ivoire dont on peut dire, au bas mot, qu’elle a intérêt à retrouver la confiance de tous ses fils.
Ado et Soro, jusqu’à ce qu’ils nous fassent la démonstration du contraire, donnent toute l’impression, dans cette affaire du transfèrement de Gbagbo, d’avoir joué aux apprentis-sorciers qui jouent avec le feu.
Car, enfin, on ne voit pas vraiment ce qui pressait dans cette affaire, pour qu’on l’agite juste à l’orée des législatives du 11 décembre. A présent que les amis de Gbagbo se sont retirés non seulement de ce scrutin dont Ado et ses partisans souhaitaient qu’il fût le premier pas de la société ivoirienne réconciliée, mais aussi de « tout processus de réconciliation », on ne voit pas vraiment à quel saint les nouvelles autorités ivoiriennes devront se vouer.
Les législatives à venir mettront face à face les Rdr de Ouattara et les PDCI de Bédié. Elles devraient aboutir à un arrangement entre amis, sans doute profitable auxdits alliés du jour, mais qui n’apporte strictement rien au but ultime de la fameuse réconciliation ivoirienne.
Et voilà de nouveau la nation ivoirienne divisée en deux, un peu à l’instar de ce qu’on a vécu juste avant la présidentielle de 2010 : les uns, farouches supporters d’un Gbagbo désormais embastillé à la Haye et dont les partisans clament qu’il est la victime d’une justice des vainqueurs, les autres, jurant, la main sur le cœur, que l’ex-maître d’Abidjan ne récolte que ce qu’il a semé.
Mais la question reste entière quant à l’avenir de la Côte d’Ivoire. Qui saura poser les vraies questions dans ce pays et leur trouver les vraies réponses ? A un moment où l’on pensait que l’on était si près de raccommoder les déchirures du tissu social, ne voilà-t-il pas qu’un transfèrement malheureux et inopportun surgit comme un diable de sa boîte et renvoie toute une nation à la case départ de ses espoirs ?
Et pourtant, que de chemin parcouru, que d’efforts consentis, que de sueur et de sang versé ! Car de réconciliation, il n’existe à présent qu’un leurre ; et il est aussi évanescent qu’un fantôme. Et on en est d’autant déçus qu’on en était si proches. Dommage, un malencontreux coup de tête a fait préférer l’ombre à la proie ; une erreur à rectifier absolument… même si l’on ne sait pas encore comment.
Par Jean Claude Kongo — L’Observateur Paalga
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