Laurent Gbagbo n’est plus Woody de Mama, mais le sera-t-il à La Haye ?

Inculpé et mis sous mandat de dépôt/ L’ex-chef de l’Etat transféré à la CPI hier

Laurent Gbagbo a quitté hier Mardi 29 Novembre Korhogo, aux environs de 18h30. Gbagbo devait atterrir à l’aéroport de Rotterdam, avant d’être transféré au centre de détention de la CPI à Scheveningen, quartier balnéaire de La Haye. Ses avocats, conseillers et porte-parole s’activent de partout. Avec le transfèrement à La Haye, la résistance de ses partisans se poursuivra à l’extérieur. Le régime Ouattara se frotte les mains de penser que le front intérieur ne sera plus un espace de mobilisation en faveur de Laurent Gbagbo. A tous ceux qui manifesteront pour réclamer le retour de l’ancien chef de l’Etat, il peut être rétorqué et conseillé d’aller voir du côté de la CPI, à La Haye. Toutefois, en dépit de la bonne volonté du président Ouattara concernant un procès exemplaire et équitable pour Laurent Gbagbo à La Haye, la pilule a du mal à passer dans quelques foyers. Hier, les pro-Gbagbo étaient en larmes et en pleurs. Le coup était difficile à supporter pour eux. De leur côté, des partisans du RHDP ont exprimé leur soulagement, de voir que le colis encombrant est parti, et que de ce fait le pays ne s’est pas embrasé, que le ciel n’est pas tombé sur la tête des Ivoiriens. Les forces républicaines de Côte d’Ivoire ont relevé leur niveau d’alerte et de vigilance. Qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, tous les Ivoiriens ont décidé de lever les mains vers le ciel et de s’en remettre à Dieu, de scruter l’horizon. Quelques observateurs ont été étonnés de voir que le procureur de la CPI est allé au bout de sa volonté. « Quand Ouattara dit, il fait », ont clamé des partisans du chef de l’Etat, totalement convaincus du bien- fondé de la décision. Le timing et l’agenda de la CPI coïncident avec la perspective des législatives prévues le 11 Décembre prochain. « Chacun son destin, Gbagbo accomplit le sien », a commenté un pro-Gbagbo. Après avoir promis hier de réagir à chaud, les avocats de Laurent Gbagbo présents à Korhogo, étaient par la suite aux abonnés absents, essayant de se réorganiser et revoir leur stratégie. Dans la journée, ils ont réussi un buzz et une opération de com’, en ébruitant la procédure que la CPI, et la justice ivoirienne voulaient secrète, confidentielle et discrète, jusqu’à l’arrivée de l’inculpé à la CPI. Depuis Samedi dernier, lors de la rencontre avec le procureur Luis Moreno-Ocampo, avec le chef de l’Etat ivoirien, le sort de Laurent Gbagbo semblait scellé, puisque tous les détails de l’opération avaient été réglés et balisés. Dès Vendredi dernier, quelques sachants étaient informés que le procureur de la République se rendrait à Korhogo. L’information avait été gardée secrète par ceux qui étaient concernés. A présent, tout le monde s’interroge : quelle couleur va prendre la réconciliation conduite par Charles Konan Banny ? Les largesses et la bienveillance que le gouvernement Ouattara pourrait manifester à l’égard des partisans de Laurent Gbagbo et du FPI, suffiront-elles à faire passer la douleur et à faire vraiment sortir l’ex-président du cœur des siens et de ses partisans ? A court terme, et dans l’immédiat, le grabuge n’aura sans doute pas lieu ! Il faut souhaiter qu’à moyen terme et long terme, les meilleures initiatives soient prises pour que toutes les chances de la réconciliation soient maintenues et préservées. Au sommet de l’Etat, l’option est clairement indiquée : rien ne peut être fait, ne sera fait avec le FPI, tant que le parti voudra associer la revendication sur le sort de Laurent Gbagbo à sa survie. Le message est clair et sans équivoque. Sera-t-il accepté ? Miaka Ouretto, de moins en moins visible et présent que Laurent Akoun, saura-t-il prendre acte de cela ? De quel moyen, le FPI dispose-t-il en interne, pour résister et protester contre la mise à mort politique de son mentor ? Combien de temps, faudra-t-il au FPI pour apporter la réplique, lui qui a mis quatre mois, à se relever après le 11 avril ? Tant de questions ! Tant de questions ! Une petite bonne nouvelle quand même hier dans l’inculpation et le transfèrement de Laurent Gbagbo. Les pro-Gbagbo semblent généralement bien informés et disposent d’un réseau : presqu’à l’instant « t » de son départ de Korhogo, les réseaux sociaux animés par les pro-Gbagbo ont donné la nouvelle. Par ailleurs, à 14 jours près, l’information livrée à l’époque par Alain Toussaint s’est avérée. L’ex-porte-parole de Laurent Gbagbo avait cité des sources diplomatiques, depuis Washington pour annoncer la période du 15 Novembre 2011, comme la date possible du transfèrement de Laurent Gbagbo-(implémenté) et exécuté hier. Avec un décalage de 2 semaines, difficile de dire qu’Alain Toussaint a eu tort. Est-ce trop prêter à l’homme que d’estimer que le souhait de ne pas trop le crédibiliser, et le souci de discréditer sa source, ont coïncidé avec le nouvel agenda. Le Woody n’est plus de Mama. Après avoir été Woody de Korhogo pendant quelques mois, le voici désormais Woody à La Haye. Un Woody qui débarque à la CPI. Un Woody débarqué (embarqué et conduit), à la CPI ! Cela donnera quoi ? Un homme debout, un garçon, un homme combatif ? Ou bien un ex-dirigeant déchu et capturé le 11 Avril dernier, un ex-président fatigué et usé, refusant d’endosser ce qui s’est passé, et renonçant à se battre ? Luis Moreno-Ocampo voulait client et dossier. A-t-il trouvé ? Aura-t-il chaud ? Que justice se fasse ! Que la vérité éclate ! Que les débats se fassent pour Laurent Gbagbo, en attendant que le destin de chacun s’accomplisse ! En attendant d’en savoir davantage sur le sort de Simone Gbagbo et de bien d’autres qui étaient dans le collimateur de la CPI. Que la justice des hommes se fasse, en attendant que la justice de Dieu se fasse sur terre, comme dans les Cieux. Que le sort de Laurent Gbagbo serve vraiment de leçon pour tous ceux qui exercent encore le pouvoir en Côte d’Ivoire et ailleurs dans le monde. Tout se paie, un jour tôt ou tard. Le temps de la justice n’est pas toujours rapide, comme pour Laurent Gbagbo, mais le temps de la justice arrive toujours. Au-delà de la douleur et de l’émotion des pro-Gbagbo, l’espérance de la fin de l’impunité à long terme pour tous et pour toute, devrait pouvoir les aider à mieux affronter la situation.
Charles Kouassi

Encadré
Comme UN vent de panique…

Cet après-midi du mercredi 29 novembre 2011 automnal a été très chaud pour les partisans de Laurent Gbagbo en France. L’annonce de l’inculpation du Woody de Mama par la CPI a quasiment créé l’effondrement. C’était la fin …du monde. Pendant que certaines nounou rappelaient leurs employeurs à regagner d’urgence leurs domiciles afin de garder eux-mêmes leurs petites têtes blondes, d’autres exécutaient le ‘’Laga-digbeu’’ (une danse funéraire en pays bété) en plein Paris sur le chemin du retour du ‘’djôssi’’ en ce milieu d’après-midi. Les téléphones n’ont pas cessé de sonner, les forfaits téléphoniques ont été explosés. La galaxie patriotique de Paris était dans la panique. Laurent Gbagbo inculpé et conduit à La Haye, pour tous, c’est la fin, c’est pire que la mort. Sentant la panique s’installer, le leader de la résistance, Abel Naki s’est vu obligé d’émettre un SMS afin de demander à ses partisans de ne pas se laisser aller à ce qui pourrait conduire à des actes inconsidérés.
J.P. Oro

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Justice / Inculpation de Laurent Gbagbo par la CPI :
Des réactions à chaud depuis Paris
L’annonce de l’inculpation de Laurent Gbagbo par la CPI à Korhogo et celle de son transfèrement ont retenti à Paris comme un séisme dans la galaxie patriotique ivoirienne de France. Entre effusion de larmes et accès de colère sur le pavé parisien, les partisans de Laurent Gbagbo crient leur indignation. Des leaders de la résistance anti-Ouattara aussi. Réactions
Christine Zékou (Leader des femmes patriotes de France) :
«La lutte continue !»
«L’inculpation du président Laurent Gbagbo par la cour pénale internationale ne sonne pour nous comme la fin du combat que nous avons commencé avec lui depuis 1990. Le combat de la liberté. Son arrestation du 11 avril dernier nous a tous ragaillardis, son inculpation décuplera nos forces. Nous nous battrons avec tous les moyens légaux pour que Laurent Gbagbo et la Côte d’Ivoire soient libérés du joug néocolonial français. Le combat ne s’arrête pas, bien au contraire, la lutte continue ! Rien ne nous arrêtera jusqu’à la libération totale de la Côte d’Ivoire. Les enfants de Laurent Gbagbo restent dignes et debout face à l’adversité. Le combat de la liberté n’est jamais complètement achevé, alors réarmons-nous de courage et éliminons la peur en nous parce que le serpent de l’oppression coloniale n’est pas encore mort».

Abel Naki (président du CRI-panafricain) :
«La CPI est un instrument politique »
« La décision de la CPI d’inculper le président Laurent Gbagbo ne me surprend pas. Nous avons toujours su que cette juridiction était un instrument au service des intérêts des puissants de ce monde. Sa décision donc d’inculper mon président n’est pas une décision de justice. Luis Moreno-Ocampo a-t-il oublié les gendarmes exécutés à Bouaké en septembre 2002 ? Ocampo a-t-il-oublié la centaine de personnes tuées par l’armée française devant l’hôtel Ivoire en novembre 2004 ? Ocampo peut-il nous donner des signes de vie des jeunes patriotes qui campaient devant la résisdence présidentielle durant les bombardements français de début avril 2011? Pour Ocampo, les morts de Duékoué ne comptent certainement pas ? Demandez à Ocampo de m’expliquer les exécutions des partisans de Laurent Gbagbo. Ocampo et Sarkozy veulent se venger de l’échec qu’ils ont essuyé en Libye. Alassane Ouattara aurait beaucoup gagné à ne pas livrer Laurent Gbagbo. Maintenant, c’est avec qui il va se réconcilier ? Nous ici en France et en Europe, nous userons de tous nos moyens pour apporter la preuve de la main coupable de Sarkozy dans la tragédie ivoirienne ».
Propos recueillis par Jean-Paul Oro à Paris

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