Côte d’Ivoire: Gbagbo « prisonnier de la France

« La CPI, auxiliaire de la dictature »

Fondateur et éditorialiste du Nouveau Courrier, proche de Laurent Gbagbo, Théophile Kouamouo dénonce l’inculpation et le transfert de l’ancien président devant la Cour Pénale Internationalealors que le camp du président actuel, Alassane Ouattara, n’est pas inquiété.

Théophile Kouamouo | Le Nouveau Courrier

La Cour pénale internationale (CPI) voudrait- elle nous faire croire que Gbagbo, Gbagbo seul, est responsable du déclenchement de la rébellion armée qui a fait 300 morts seulement le 19 septembre 2002, de la tuerie des gendarmes et de leurs familles à Bouaké, des massacres innommables de Guitrozon et de Petit-Duékoué en 2005, des incendies de dizaines de villages à l’Ouest, du pire massacre de l’histoire de la Côte d’Ivoire – celui du quartier « Carrefour » à Duékoué [le 29 mars 2011] ? Voudrait-elle le faire admettre à travers un habile storytelling médiatique pour réussir à convaincre le monde entier peut-être, mais pas la majorité des Ivoiriens. Il ne faut pas s’y tromper. En exfiltrant Laurent Gbagbo pour le profit politique direct d’Alassane Ouattara, la justice internationale est fidèle à ses pratiques. Les tribunaux spéciaux pour le Rwanda, pour la Yougoslavie ou pour la Sierra Leone ont été et sont des tribunaux de vaincus.

Depuis que la CPI a été créée visiblement pour  »gérer » l’indocilité africaine, il n’y a que sur le cas kenyan qu’elle a poursuivi des acteurs des deux camps en présence – tous des seconds couteaux de toute façon. Et sur ce dossier, elle patauge ! Partout ailleurs, ses poursuites ont été unilatérales, et répondaient toujours aux jeux d’alliance et à la stratégie des puissances occidentales. L’on remarquera l’hallali provoqué par la rébellion d’un certain nombre de chefs d’Etat africains, qui refusent de  »livrer » le président soudanais Omar El Béchir, et l’indécente  »compréhension » à l’égard du Conseil national de transition (CNT) libyen qui se soustrait, sur le même mode, à  »l’obligation » d’obtempérer au mandat d’arrêt contre Saif Al Islam Kadhafi.

Un fait est intéressant à noter : la justice internationale, depuis qu’elle s’est déployée en Afrique, a été impuissante à juguler l’impunité et à imposer un respect de la vie humaine et des libertés démocratiques. Elle a aidé le président rwandais Paul Kagamé à traquer les génocidaires réels ou supposés, mais également à asseoir une  »dictature développementaliste » qui n’a rien à envier à celle de Ben Ali. Sans vouloir comparer les itinéraires des hommes politiques en présence, absolument différents, il est piquant de remarquer que la CPI – donc le conglomérat des grandes puissances occidentales – a débarrassé Joseph Kabila, élu [en 2006] dans des conditions plus que troubles, de son rival Jean-Pierre Bemba. La crise de légitimité qui traverse la République démocratique du Congo n’en reste pas moins aiguë. Les violences qui émaillent la présidentielle dans ce pays en témoignent.

Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, la CPI se comporte très clairement comme un auxiliaire d’une dictature naissante sûre d’une impunité garantie par le fait qu’elle soit sponsorisée par les grandes puissances. Les réunions secrètes entre le procureur de la CPI Louis Moreno-Ocampo et Alassane Ouattara décrédibilisent à la fois le procureur et l’institution. Les forces de Ouattara sont citées nommément par de nombreux témoignages parvenus à la CPI. Le président actuel devrait être traité avec la même circonspection que Laurent Gbagbo. La coïncidence entre le départ de Laurent Gbagbo à La Haye et le transfert de trois journalistes de Notre Voie à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) est très troublante, et montre bien qu’à l’acharnement unilatéral de la communauté internationale, répond une radicalisation en interne d’un pouvoir qui se sait protégé. Si les milliers de morts et les centaines de milliers de déplacés dont il est coupable n’émeuvent guère les Occidentaux, pourquoi l’embastillement absurde de journalistes aurait-il des conséquences ? Bailleurs de fonds, médias internationaux et diplomaties cornaquées par la France ont décidé de fermer les yeux sur la descente aux enfers de la Côte d’Ivoire. Passez votre chemin, il n’y a rien à voir !

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Côte d’Ivoire: Gbagbo « prisonnier de la France »

PARIS (Reuters) – Laurent Gbagbo, qui aura à répondre devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye d’accusations de crimes contre l’humanité, est le « prisonnier de la France », a déclaré mercredi un conseiller de l’ancien président ivoirien.

Le conseiller, Toussaint Alain, a accusé la France d’avoir joué un rôle actif dans le transfert vers La Haye de Laurent Gbagbo et d’avoir instrumentalisé la CPI pour des raisons politiques.

« C’est une parodie de justice », a dit Toussaint Alain à Reuters. « Il (Laurent Gbagbo) a tenu tête au gouvernement français, il a fini par être un os dans la gorge de M. Chirac et de M. Sarkozy, il fallait l’expulser de Côte d’Ivoire, c’est tout. ».

De sa résidence de Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo a été conduit vers Abidjan – à bord d’un appareil militaire français, selon Toussaint Alain – avant de s’envoler pour les Pays-Bas, où il a été transféré mercredi au centre de détention de la CPI à la Haye.

Le conseiller de Laurent Gbagbo a dénoncé une « parodie de justice » orchestrée, selon lui, par la France, ancienne puissance coloniale de la Côte d’Ivoire.

« Le président Gbagbo est le prisonnier de la France », a dit Toussaint Alain. « C’est le gouvernement français, ce sont les autorités françaises qui ont été à la manoeuvre depuis des années pour empêcher que le président Gbagbo gouverne. Nous savons aujourd’hui que la rébellion était en réalité soutenue par les autorités françaises.

« Comme pour faire la leçon au président Gbagbo, qui a refusé de se coucher devant le président Sarkozy, qui lui avait demandé de quitter le pouvoir, on l’amène à la CPI pour lui faire la leçon et envoyer également un signal aux autres dirigeants africains qui seraient également tentés par quelque velléité d’autonomie. »

« INSTRUMENTALISÉE »

La CPI a été créée en 2002 « pour contribuer à mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale », comme le dit son site internet.

Elle enquête depuis octobre sur les violences qui ont suivi la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle de novembre 2010 en Côte d’Ivoire, résultat entériné par la communauté internationale mais que Laurent Gbagbo a refusé de reconnaître.

Selon le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, le conflit de l’hiver et du printemps dernier a fait au moins 3.000 morts auxquels s’ajoutent 520 arrestations arbitraires. La guerre a pris fin avec la capture de Laurent Gbabgo le 11 avril et son placement en résidence surveillée à Korhogo.

Le conseiller de Laurent Gbagbo a remis en cause l’indépendance de la CPI en affirmant que la France avait joué un rôle majeur dans les événements des derniers jours.

« C’est un moment important de l’histoire entre la France et la Côte d’Ivoire », a dit Toussaint Alain. « Personne n’est dupe, M. Ouattara n’est pas puissant au point d’envoyer le président Gbagbo à la Cour pénale internationale.

« La CPI est instrumentalisée par la France puisque le ministre français de la Justice était il y a encore quelques jours à la Cour pénale internationale où il a rencontré des juges de la CPI », a-t-il ajouté.

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