Par SYLVAIN NAMOYA
Mme Kouamé Flore, Directrice de cabinet adjointe du Premier ministre.Mme Kouamé Flore, Directrice de cabinet adjointe du Premier ministre.Quel bilan dressez-vous de la réinsertion qui a commencé depuis quelque temps déjà ?
Le séminaire que nous venons d’organiser, a été l’occasion pour les participants de faire l’état des lieux et le bilan diagnostic de la situation en matière de Démobilisation, Désarmement, Réinsertion, Réhabilitation (Ddrr). Je peux vous assurer que ça été un état des lieux lucide et sans complaisance.
Nous reconnaissons que beaucoup d’actions positives ont été réalisées ; mais un certain nombre de facteurs n’ont pas permis à ce programme d’atteindre l’efficience et l’efficacité que le Gouvernement en attendait. Ce sont, entre autres, la multiplicité des intervenants. Cette multiplicité en elle-même n’est pas un problème. Mais, c’est le fait que chacun de ces intervenants avait son propre programme, son propre mode opératoire, ses propres stratégies et il n’en ressortait pas une stratégie d’ensemble, cohérente qui traduise la volonté du Gouvernement. Il n’y avait pas non plus de suivi-évaluation de ces programmes -là. Après les avoir mis en œuvre, on ne s’arrêtait pas, ne serait-ce qu’un moment, pour voir s’ils ont atteint ou non leurs objectifs. Et si les cibles en sont véritablement satisfaites. Il s’agissait maintenant, de faire en sorte que tous les intervenants s’inscrivent dans une stratégie globale avec un cadre unique de coordination. Nous pensons que c’est cela qui va renforcer l’efficacité de ces actions. Nous pouvons nous féliciter de ce qu’après d’âpres débats, le séminaire ait pu proposer ce cadre-là avec des missions précises. Il appartient maintenant au Gouvernement de prendre bonne note de ces conclusions et des décisions qui s’imposent.
La multiplicité des acteurs est-il le seul facteur ayant entraîné peu de résultats probants ?
C’est l’un des éléments. Pas le seul. Figurez-vous par exemple qu’on ne s’accordait pas véritablement sur les cibles du Ddrr. L’atelier a pu proposer, et c’est un résultat majeur, une définition et une catégorie de cette cible-là. Il a même proposé des critères d’éligibilité aux différents programmes. A partir de ce moment, nous avons un cadre cohérent d’intervention. Nous savons qui est ex-combattant, qui doit être démobilisé, qui peut être éligible à un programme de réinsertion. L’atelier est allé plus loin pour définir la notion de personnes vulnérables parce que nous parlons, il est vrai, d’ex-combattants, mais il y a d’autres catégories sociales qui sont nées du fait de la guerre. Des personnes qui sont déstructurées, qui ont été fragilisées du fait de la guerre et qui ont perdu leurs moyens de production. Elles ont été prises en compte dans l’analyse diagnostique de la situation. Autre problème : la multiplicité des chiffres. D’une structure à une autre, il y a des chiffres différents d’ex-combattants et nous ne nous accordons pas sur un chiffre unique. Parce que nous n’étions pas d’accord sur la définition des cibles, sur qui est ex-combattant. Maintenant que nous avons pu établir ce cadre-là, je pense que toutes les structures qui ont déjà fait des recensements vont se mettre ensemble et s’accorder pour que nous ayons des chiffres crédibles pour le Gouvernement. Vous ne pouvez pas mettre en place des politiques si vous ne connaissez même pas le nombre de personnes qui doivent profiter de ces programmes, ces politiques. Vous ne pouvez pas chiffrer si vous ne savez pas quelle est la cible exacte.
L’atelier a souhaité une attention particulière pour l’Ouest du pays. Qu’est-ce qui va se faire concrètement pour cette partie du pays, meurtrie par la guerre post-électorale ?
Les participants ont fait le diagnostic de la situation à l’Ouest. Ils ont estimé que quelque chose de spécifique devrait être mis en œuvre ; peut-être sous la forme d’un programme d’urgence ou d’un programme pilote ; pour prendre le problème tel qu’il se pose dans cette partie du pays. L’ouest est une région où beaucoup de personnes se sont familiarisées avec le maniement des armes, notamment les miliciens. Il a été le théâtre d’âpres combats, qui ont causé beaucoup de désolation aussi ; ce qui a entraîné plusieurs personnes déplacées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Par conséquent, nous estimons qu’un programme spécifique d’urgence doit y être mis en œuvre. L’ouest est une poudrière pour la Côte d’Ivoire et menace la stabilité du pays qui est sur la voie de la paix en ce moment. Ce programme d’urgence proposé par les participants doit être conçu et mis en œuvre au plus tard fin décembre à partir d’enquêtes de terrain afin qu’en début d’année prochaine, il puisse être opérationnel.
L’atelier a enregistré la présence de nombreux préfets des zones Centre, Nord et Ouest. Quel a été leur apport ?
Ils ont été très heureux d’être là pour la simple raison que c’est la 1ère fois, ont-ils avoué, qu’on les associe à une réflexion sur la question du Ddrr. Pourtant, ce sont eux qui sont sur le terrain, qui sont confrontés au quotidien à tous ces groupes. Ils sont donc les principaux interlocuteurs immédiats. Leur contribution a été inestimable dans l’analyse diagnostique de la situation. Nous, étant dans l’administration centrale et ayant peut-être une vision panoramique des situations, des choses peuvent nous échapper. Nous n’entrons pas souvent dans les détails qui sont pourtant importants pour l’efficacité de ces politiques. A travers leurs interventions, les Préfets nous ont permis de coller au plus près des réalités du terrain. Ils ont fait des propositions concrètes. C’est pour cela que le cadre de coordination s’étend à eux parce qu’en définitive, ce sont eux qui doivent faire le suivi sur le terrain. Ils constituent un niveau important de suivi et d’évaluation. Ce sont eux qui peuvent nous dire si les choses se déroulent bien ou pas et nous faire des propositions pour les réorienter. Nous avons donc apprécié la participation du corps préfectoral des ex-zones Cno.
Avez-vous l’assurance que cette fois les nombreuses résolutions seront appliquées ?
Je vous sens sceptique. Quelqu’un a même dit que c’est un séminaire de plus. Je ne le pense pas. C’est la 1ère fois tout de même qu’un séminaire décide de la mise en place d’un cadre de coordination unique. L’assurance que nous avons est que ce séminaire est voulu par le Chef de l’Etat, le Premier Ministre et le Gouvernement parce qu’ils veulent qu’on leur fasse des propositions concrètes pour ré-impulser la politique Ddrr. Si les plus hautes autorités du pays le demandent, c’est parce qu’elles ont besoin d’éléments pour prendre des décisions qui s’imposent. Les résolutions et recommandations, je peux vous l’assurer, ne resteront pas lettres mortes. Vous avez entendu le ministre Mathieu Darret, représentant le Premier Ministre, à la clôture du séminaire. Il a dit que les recommandations feront l’objet d’une communication en Conseil des Ministres. Le cadre institutionnel sera mis en place et les politiques vont suivre, les stratégies et les programmes également.
Je voudrais, pour terminer, féliciter, au nom du Premier Ministre Guillaume Soro, l’ensemble des participants. Ils ont pris une part active aux travaux et de manière efficace aux conclusions et résultats auxquels nous sommes parvenus. On a senti véritablement un engouement parce que tout le monde veut apporter sa contribution à la recherche de solutions à cette problématique. Nous n’avons eu qu’une journée et demie de travaux et vu les résultats auxquels nous sommes parvenus, je pense que les participants méritent véritablement les félicitations du Gouvernement et nous tenons à le dire.
Interview réalisée par
SYLVAIN NAMOYA
Fraternité Matin
Les commentaires sont fermés.