L’Inter par Anassé ANASSE
Le camp des réfugiés ivoiriens d’Ampain, au Ghana, s’est considérablement vidé de ses pensionnaires ces derniers mois. Situé à 57 kilomètres sur l’axe Elubo-Takoradi,
ce premier centre d’accueil de milliers d’Ivoiriens qui fuyaient la guerre dans leur pays, a officiellement ouvert ses portes le 20 mars 2011. Au plus fort de la crise
post-électorale et surtout de ce qui a été appelé «la bataille d’Abidjan», le camp d’Ampain hébergeait jusqu’à plus de 10 mille âmes. Entre le 11 avril 2011, date de la
chute de Laurent Gbagbo jusqu’à fin juin 2011, les populations qui franchissaient la frontière ghanéenne via Noé en provenance de la Côte d’Ivoire, étaient régulièrement
convoyées dans ce camp par le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (UNHCR) et le Ghana Refugee Board, l’organisme étatique ghanéen en charge des
réfugiés. Après une escale de quelques jours dans le camp de transit situé à Elubo, aussi appelé «Petit camp», ces réfugiés venaient grossir chaque jour les rangs des nombreux pensionnaires du camp d’Ampain. Ces arrivées par vagues successives et à un rythme ininterrompu avaient poussé à l’époque les responsables, notamment M. Kelly Forson, le directeur du camp plus connu sous le nom de «Manager»
(prononcer «Manadja» en Français) et Mlle Stéphanie du HCR (remplacée depuis fin mai 2011), à agrandir le camp en ouvrant d’autres sites. Ainsi, ont été créés à la suite du bloc de tentes portant la lettre «B», les quartiers «A» et «C». C’est d’ailleurs face à la surpopulation et au manque d’espace viabilisé et d’infrastructure pour continuer d’accueillir le flot d’arrivants, que les autorités ghanéennes ont construit entre juin et juillet 2011, un nouveau camp de réfugiés pour les Ivoiriens à Elmina, à une dizaine de kilomètres de la ville balnéaire de Cape Coast.
Les raisons d’un exode massif
Du retour de notre récent séjour à Accra, nous avons marqué une halte de moins
d’une heure au Camp d’Ampain. Comme lors de notre passage en ce lieu au mois
de septembre dernier, le constat a été le même : le plus grand centre d’accueil et
d’hébergement des réfugiés ivoiriens au Ghana s’est fortement dépeuplé. Selon un
officiel du HCR rencontré sur place et qui a souhaité garder l’anonymat, moins de
4.000 personnes vivent aujourd’hui au Camp d’Ampain. Quelques connaissances
rencontrées sur les lieux ont fait savoir que la pénurie de nourriture et les conditions
de vie devenues drastiques, constituent la principale cause de cet exode massif. «Le
HCR peut mettre parfois un mois et demi à deux mois sans distribuer de vivre. Donc
ceux qui n’ont pas de parents qui leur font des western (transfert d’argent, ndlr)
ne peuvent pas tenir le coup ici. Beaucoup sont partis dans des camps de réfugiés
à Lomé et à Cotonou, où les conditions de vie sont jugées meilleures qu’ici», a
relevé H.K., avec visage famélique sur lequel il a laissé pousser une barbe hirsute.
Effectivement le lundi 24 octobre dernier, les réfugiés du camp d’Ampain ont
organisé des manifestations devant les bureaux du HCR et du Ghana Refugee Board.
«C’était pour protester contre la volonté manifeste de nous affamer ou de nous
priver de nourriture afin de nous obliger à retourner chez nous contre notre gré»,
s’est offusqué notre interlocuteur. H.K. a ajouté que l’environnement et le cadre de
vie sont devenus malsains dans le camp. «Toutes les tentes sont affaissées, et vous
voyez que ceux qui ont un peu de moyens les ont tout simplement déterrées pour
se construire de «nouvelles maisons » en bambous. Et puis toutes les latrines sont
remplies ou malpropres; il n’y a pas de boulot dans la zone et ceux qui ne font pas
de petit commerce pour se débrouiller et tuer le temps se retrouvent dans l’oisiveté et
l’ennui. La vie est devenue trop compliquée ici à Ampain», s’est-il plaint.
Les nouvelles destinations des réfugiés du camp d’Ampain
Pour sa part, Monique pense plutôt que c’est la quête de documents d’identification
et de voyage qui est à la base de cet exode. «Beaucoup de gens sont partis d’ici
notamment pour le Togo et le Bénin, parce que le HCR et les autorités ghanéennes
ont mis du temps avant de délivrer les papiers aux réfugiés. A Lomé et à Cotonou,
ceux de nos camarades qui sont allés là-bas nous ont dit qu’en moins de deux
semaines, les autorités de ces pays ont établi leurs attestations de réfugiés. Et
deux mois plus tard, certains ont reçu leurs cartes de réfugiés. Mais ici à Ampain,
c’est maintenant que les premières attestations ont commencé à être distribuées»,
a commenté cette jeune ivoirienne résidente dans ce camp depuis son ouverture.
«Et puis, quelques uns de ceux qui vivaient avant ici nous ont appelés pour nous
dire qu’il y a des réfugiés qui ont bénéficié de titres de voyage pour d’autres pays,
notamment l’Afrique du Sud et l’Australie. Chez nous ici, on a eu vent qu’on devait
voyager mais les Ghanéens ont fait partir leurs frères à notre place moyennant
de l’argent », a-t-elle poursuivi. A Accra même, nous avons rencontré une dizaine
d’anciens pensionnaires du camp d’Ampain qui vivent maintenant dans la capitale
ghanéenne. Étudiants pour la plupart d’entre eux, ils nous ont fait savoir qu’ils sont
venus explorer les possibilités d’y poursuivre leurs études. «Nous avons beaucoup
de camarades étudiants qui ont quitté le camp d’Ampain pour les grandes villes du
Ghana. Notamment Takoradi, Cape Coast et Accra où il y a des universités publiques
et des grandes écoles, contrairement à Ampain», a expliqué Guizot. Mais selon Alex,
avec le retour de la normalisation en Côte d’Ivoire, un grand nombre de réfugiés a
préféré rentrer au pays.
Anassé ANASSE (Envoyé spécial à Accra, Ghana)
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