Ce n’est pas pour rien que la France a la mainmise sur son pouvoir d’Abidjan. Elle ne saurait donc badiner avec ses intérêts. La semaine dernière, la compagnie ivoirienne d’électricité (Cie), livrée à un franc symbolique au groupe français Bouygues par Ouattara a fait parler d’elle au Port autonome d’Abidjan. Elle a carrément suspendu la fourniture d’électricité à la direction générale toute une journée entière. La direction générale de ce poumon de l’économie ivoirienne a fonctionné au groupe électrogène. En tous cas, une première dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, et du port d’Abidjan. Mais que s’est-il passé pour qu’on arrive à une telle humiliation de la communauté portuaire. La vérité qu’on veut par tous les moyens occulter dans les couloirs de cet empire financier, est que le port doit 290 millions de consommation d’électricité à la Cie. Mais bien que l’échéance soit arrivée à son terme, le port avait du mal à régler sa facture à la compagnie ivoirienne d’électricité. Pendant ce temps, tous les nouveaux responsables de départements se sont vus offrir de rutilantes « 4×4 ». Toute chose qui a certainement poussé les responsables de la Cie à frapper le cœur de l’économie ivoirienne qu’est le Port. Sans état d’âme. Les intérêts restent les intérêts. Du coup, tout le port d’Abidjan dont le fonctionnement dépend de la direction générale s’est retrouvé dans l’obligation de marcher au ralenti. « Le courant a été coupé à la direction générale. C’est regrettable. Mais on n’avait pas le choix. On était donc obligé de baisser notre rythme de travail. Ce qui est sûr, nous avons subi le contre coût. Le préjudice est lourd. Mais dans ce pays là, qui peut parler aujourd’hui d’Etat de droit. Nous subissons tous la loi du chef », lance dépité un responsable d’une entreprise portuaire, obligé de subir sans rien dire. C’est vrai que la fourniture du courant a été rétablie par la Cie le lendemain. Mais cela, après d’âpres discussions avec la direction générale du Port. Les responsables ont convenu d’éponger par échéance cette facture qui est finalement devenue une dette très lourde. C’est-à-dire en payant par tranche mensuellement. Cette coupure de courant au port d’Abidjan a été masquée par les autorités portuaires, parce qu’elle reste à tous points de vue, une grande humiliation pour la Côte d’Ivoire qui ne jure que par cette institution qu’elle a toujours classée au niveau de celui de Durban en Afrique du sud. Imaginez un seul instant, le temps que des bateaux étrangers ont dû passer au quai en attendant que le courant soit établi. Certains armateurs riraient de la Côte d’Ivoire. Car le port c’est comme un hôpital. Il ne doit jamais manquer d’électricité. Mais l’autre vérité est qu’il reflète l’état dans lequel la Côte d’Ivoire a été plongée par le pouvoir actuel. Le Port autonome d’Abidjan n’est plus que l’ombre de lui-même aujourd’hui. Sans verser dans une querelle politicienne, certains cadres ne cachent pas leur désolation et leur amertume de voir cette institution portuaire souffrir d’une gestion chaotique. « Le port n’est plus que l’ombre de lui-même. Le temps de Gossio est bien passé. Nous sommes confrontés à beaucoup de difficultés qu’on pouvait par exemples éviter. Parce que ce sont surtout des problèmes vraiment émotionnels » fait remarquer un jeune cadre de la structure. En tous cas, depuis que sa création, c’est bien la première fois que la Côte d’Ivoire apprend que le courant a été suspendu au Paa pour facture impayée. Une vraie incongruité. Car si le port d’Abidjan n’a pas les moyens de régler ses factures d’électricité, c’est toute la Côte d’Ivoire qui est à l’agonie. C’est toute l’économie ivoirienne qui est en souffrance, malgré les discours à relents purement publicitaires du pouvoir. La vérité vient ainsi de rattraper Ouattara qui avait pourtant annoncé des pluies de milliards sur la tête des Ivoiriens. Le port d’Abidjan n’a pas 290 millions pour payer ses factures d’électricité, au point de faire un règlement par échéance. Cette entité qui a porté à bout de bras l’économie ivoirienne durant plusieurs décennies, fait les frais du désordre qui a été installé à Abidjan. On peut dire que le port est aux mains des chefs de guerre. Ce sont eux qui y font la pluie et le beau temps. Pour faire sortir un colis de là-bas, plus question de passer par la douane. Il suffit d’aller voir l’un des nombreux chefs de guerre qui pullulent dans la ville d’Abidjan, et vous avez votre marchandise. Sans problème. L’Ivoirien comprend très rapidement que ce n’est ni le port, encore moins la douane qui en tire profit. Mais les Com’zones. Avec une telle gestion, le port ne pouvait qu’être essoufflé au bout de quelques mois. Aujourd’hui, c’est le courant qui est suspendu. On ne sera donc pas surpris de voir que le port n’ait plus les moyens de faire des investissements lourds qui devraient pourtant propulser son développement et sa modernisation. Peut-être que du côté du pouvoir, on cherche des prétextes pour le livrer à un prix symbolique, à un autre groupe d’amis français. Avec Ouattara, c’est cette méthode qui prospère. Quand ça ne va pas dans une entreprise publique ou parapublique, on la cède à des amis qui se trouvent surtout de l’autre côté… Il n’est pas Gbagbo pour tirer du gouffre, une société d’Etat totalement moribonde, pour faire d’elle au bout du compte une fierté nationale.
Guehi Brence
Le Temps
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