« Environ 8 % du patrimoine financier des ménages, soit 6 000 milliards de dollars, est détenu dans des paradis fiscaux à l’échelle mondiale », telle est l’une des conclusions des travaux de Gabriel Zucman, chercheur à l’Ecole d’économie de Paris.
Le jeune chercheur a enquêté sur « la richesse manquante des nations », c’est-à-dire les capitaux cachés dans les paradis fiscaux, et livre ses résultats au site La vie des idées.
Ainsi, il rappelle que l’argent évadé n’est pas dormant mais alimente le système financier et notamment les fonds d’investissement. « Cela n’a rien d’étonnant, déclare-t-il, investir dans un fonds, qui lui-même investit ensuite dans des obligations américaines, des actions brésiliennes, etc., rapporte bien plus qu’accumuler des liquidités sur un compte courant » en Suisse, par exemple, où est géré un tiers des fortunes offshores.
L’argent planqué dans le pays du secret bancaire provient essentiellement d’Europe et des pays du Golfe. Mais les Européens (et notamment les pays riches) restent les spécialistes mondiaux de l’évasion fiscale « puisqu’ils possèdent la majorité des fortunes gérées par le plus gros paradis fiscal, la Suisse », rappelle l’économiste.
Selon Gabriel Zucman, l’évasion fiscale est de plus en plus simple et se fait par un banal virement électronique, loin de l’imaginaire des valises pleines de billets transportées dans le coffre de la berline. Si la création d’une société écran pour échapper au fisc est une étape nécessaire voire indispensable, d’autres se contentent d’attendre le versement de leur salaire. « Beaucoup d’employés du secteur financier londonien reçoivent aujourd’hui leur salaire directement sur un compte à Jersey. Il est fréquent, également, que des employés de multinationales reçoivent leur salaire sur un compte à Chypre, par exemple », estime le chercheur. Pourquoi ? « Parce que [ces entreprises] réalisent une grande partie de leur bénéfice dans des paradis fiscaux ». Il suffisait d’y penser.
Ironie du sort, Gabriel Zucman a travaillé à partir de données totalement publiques, glanées au FMI. Pourtant, malgré les velléités du G 20, les paradis fiscaux se portent bien. Tout simplement parce que Etats-Unis et Union européenne ne se coordonnent pas. Et, concède le chercheur, parce que jusqu’à présent, les économistes n’étaient pas très intéressés par la question.
Lemonde.fr
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