De l’indépendance dans l’interdépendance
Par Macaire DAGRY
Les relations franco-africaines ont radicalement changé depuis 50 ans. La France n’est plus dans une logique d’empire et tente de s’adapter aux nouvelles contraintes économiques de notre époque et l’Afrique non plus n’est plus la même. Elle aussi a subi des bouleversements structurels d’ampleur qui font qu’elle a atteint une forme de maturité qui lui permet enfin, aujourd’hui, de réaliser qu’elle peut se développer par ses propres moyens, à l’image du Ghana, de l’Afrique du Sud ou du Maroc. Économiquement, les pays d’Afrique noire s’étaient écroulés en ne devenant que des fournisseurs de matières premières, à la merci des cours mondiaux. Aujourd’hui, à l’image des pays dits «émergents» certains de ces Etats tentent de faire de même.
C’est le cas, par exemple, de la Côte d’Ivoire, où son nouveau Président veut faire de sa nation, un pays émergent à l’horizon 2020. Politiquement, rares sont ceux qui peuvent se targuer d’être de véritables États-nations. La bonne gouvernance n’est qu’une vaine formule les guerres civiles, un leitmotiv ; les dictatures, une habitude et les véritables alternances démocratiques ne se comptent que par dizaines. Certains observateurs n’hésitent plus à promettre des crises politiques graves dans bon nombres de pays africains. C’est le cas, par exemple, du Sénégal ou de la Rdc ou encore du Cameroun, du Gabon ou du Burkina-Faso où couvent depuis plusieurs années, des crises politiques majeures. Les prochaines élections présidentielles au Sénégal et en République démocratique du Congo sont considérées comme étant à hauts risques. La police, la justice, l’éducation sont dans un état lamentable. Quant à la classe politique, on peut se poser la question de son engagement idéologique et du sens qu’elle donne au mot politique. D’un point de vue sanitaire, la situation est catastrophique avec notamment la fixation de pandémies, la résurgence régulière de maladies que l’on croyait contrôlées et des statistiques sanitaires alarmantes au 21e siècle. Socialement et humainement, la majeure partie des pauvres de la planète se concentre en Afrique. La protection sociale organisée ne reste qu’un vœu pieu.
Les famines ou les problèmes alimentaires sont récurrents et les guerres civiles, d’une atrocité sans nom, ravagent cette partie du monde. L’urbanisation galopante a fait exploser les centres urbains, si bien que les pays africains connaissent de graves problèmes de « centralisation urbaine » très marqués. L’ensemble devenant de plus en plus ingérable. La démographie a subi aussi un formidable bouleversement. La population africaine a été multipliée par 6 depuis les années 30 et s’est fortement urbanisée. Cette même population a considérablement rajeuni et a, dans sa très grande majorité, moins de 30 ans et va en rajeunissant. Cette jeunesse n’a donc connu ni la colonisation, ni les espoirs qui ont pu naître au moment des indépendances. Cette génération, c’est celle des espoirs déçus et sans perspectives. Mais à la différence de leurs aînés, cette nouvelle génération est très critique et très remuante. Elle est surtout informée. Informée par les journaux locaux et internationaux, la télévision satellitaire, les radios internationales, la diaspora toujours plus importante et surtout par l’Internet. C’est : « la génération 3W ». Cette jeunesse sans grandes perspectives, touchée de plein fouet par les difficultés économiques et sociales en tout genre, est finalement extrêmement politisée. Elle est nourrie par les théories tiers-mondistes des années 80 et 90 et un mélange de fantasmes, de besoin de reconnaissance, voire de revanche, et un puissant « paradigme de la victimisation ». Cette génération est aussi parfaitement informée sur les méfaits prouvés ou supposés de la France en Afrique. Si bien qu’aujourd’hui, elle demande des comptes. La France est alors en première ligne, c’est elle qui est montrée du doigt et c’est encore elle qui est considérée comme la principale responsable des problèmes de l’Afrique, notamment de son sous-développement. Le pouvoir est alors exercé dans les rues. Dans ces rues grouillantes, anarchiques, explosives qui caractérisent à merveille l’organisation politique de nombres de pays africains. La Côte d’Ivoire en est le symbole emblématique. Ce pays en crise profonde depuis plus de quinze années, où la France est impliquée diplomatiquement, militairement, et économiquement est certainement un véritable laboratoire de l’état de ce que sont et seront les relations franco-africaines dans un futur plus ou moins proche.
Macaire DAGRY
Chroniqueur Politique à Fraternité Matin
macairedagry@yahoo.fr
Titre: J-ci.net
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