Rumeurs de « fuite » du Commandant Abéhi – des interrogations et des doutes

Flou total sur la fuite du commandant Abéhi

DES INTERROGATIONS ET DES DOUTES

Jean Noël Abéhi a-t-il vraiment fui Abidjan ? Voici la question que nous a posée hier un lecteur. Une question qui a poussé l’Intelligent d’Abidjan à en savoir davantage. La nouvelle de la fuite et de la disparition d’Abéhi avait été donnée par la presse. Elle n’a pas été démentie par les officiels. Elle n’a pas non plus été confirmée. Le ministère de la Défense, l’Etat-major de l’armée, le commandement supérieur de la gendarmerie, et les autres sachants éventuels, dont le procureur de la République, et le procureur Ange Kessi, ont tous gardé le silence depuis lors. Malgré le flou et les réserves, presque tout le monde a retenu désormais qu’Abéhi est en fuite. Tantôt il est localisé à Accra, tantôt c’est Lomé ; d’autre fois c’est au Libéria, en Gambie. Quelques-uns ont même cru l’apercevoir à la frontière ivoiro-libérienne. Et si Abéhi n’était pas en fuite ? Et s’il avait été exfiltré par les autorités ivoiriennes pour être mis à l’abri ? Exfiltré ou plutôt mis en sécurité, quelque part dans le pays. La fuite supposée d’Abéhi n’a pas eu d’effet sur le retour des autres militaires exilés, notamment le colonel-major Konan. Au cas où Jean Noël Abéhi n’était pas en fuite, qu’est-ce qui pourrait expliquer que les autorités le protègent ? A-t-il donné et livré des informations importantes, justifiant qu’il soit mis à l’abri ?

RETOUR SUR LA VISITE DE JEAN NOËL ABÉHI À GUILLAUME SORO

Tout commence quelques semaines après la capture de Laurent Gbagbo. Le camp Agban a été le théâtre de bombardements des forces françaises et onusiennes. Des chars ont été détruits, mais au niveau terrestre, les FRCI n’ont pas pu pénétrer le camp. La reddition, ou plutôt l’allégeance du général Kassaraté permettra de mettre fin à la belligérance. Le patron de la gendarmerie ayant reconnu les nouvelles autorités, Abéhi et les autres estiment qu’ils n’ont pas de reconnaissance particulière à manifester, choisissant de s’en tenir à ce que Kassaraté a fait en leur nom, comme cela s’est passé pour l’Armée, comme cela s’est passé pour la police, et les autres corps para-militaires.
Ce sont les grands responsables, qui ont fait allégeance. Les allégeances isolées et individuelles n’ont pas été prises en compte. Mais ceux qui ont vu Jean Noel Abéhi à l’œuvre, ceux qui ont lu ses interviews passées, prétendent qu’il manifeste une vive et active aversion pour le RDR et pour le président Ouattara. Ils ne croient donc pas du tout qu’il a renoncé au combat, d’autant plus qu’ils apprennent qu’Abéhi estime qu’il n’a pas perdu la guerre, qu’il n’a pas perdu le combat contre ceux qu’il considère comme les rebelles. Abéhi pense, selon eux, que les Français n’ont pas osé le combat terrestre, qu’Agban n’a pas été pris. Donc il exige une discussion, et pose des préalables à la ‘’IB’’, avant toute reconnaissance personnelle et individuelle du nouveau régime.

COLÈRE DES GENDARMES PRO-OUATTARA

Devant cet état de fait, des gendarmes pro- Ouattara qui ont souffert d’exclusion et d’ostracisme dans la gendarmerie, pour leur origine et leur supposé militantisme au Rdr, veulent en découdre avec Jean Noël Abéhi. Celui-ci a encore quelques hommes et des armes dans la caserne. Il prie tous les jours, mais il ne veut pas se laisser prendre, et abattre sans réagir. L’affrontement est proche, lorsqu’Abéhi se confie à un proche de Charles Konan Banny, en sa qualité de président de la Commission dialogue, Vérité et Réconciliation. Abéhi demande de l’aide. Informé de ce qui se passe, le chef de l’Etat demande au même moment de régler le problème et d’obtenir qu’Abéhi ne soit pas en danger. D’où l’idée d’une rencontre chez le Premier ministre. Une rencontre au cours de laquelle, Abéhi ferait allégeance à la République. Guillaume Soro est sceptique. Mais les instructions du chef de l’Etat visant à tout faire pour éviter le grabuge et la mise en danger de la vie d’Abéhi sont impératives. Des séances de travail et échanges téléphoniques entre le Premier ministre et son oncle Charles Konan Banny,(comme Guillaume Soro appelle le président de la CDVR), permettent de préparer l’opération. Un grand coup de com, et une opération de charme réconciliation nationale, qui feront flop par la suite.

DÉCHAÎNEMENT TOTAL CONTRE BANNY ET ABÉHI

Les ultras du camp Ouattara n’apprécient pas. Tout le monde recule et laisse la patate chaude entre les mains de Charles Konan Banny. On le soupçonne d’un méchant ‘’one man show’’. Il lui est reproché de laisser Abéhi se faire passer pour un héros, un soldat ayant combattu pour une bonne cause. Les mots du commandant Abéhi à la sortie de la Primature-ministère de la Défense choquent dans le camp RHDP, qui parle d’une insulte pour les victimes. L’affaire se passe mal. La presse se déchaîne. La primature, ni le gouvernement, ne monte au créneau pour expliquer, justifier et apaiser. C’est la reculade et la débandade. Est-ce à dire que personne n’est prêt pour tenir les engagements pris au sujet de la sécurité d’Abéhi ? Pendant que tous les autres militaires sont en vie, et font l’objet de simple détention provisoire, pouvait-on envisager que le pire arrive à Abéhi Jean Noël ? Le pouvoir Ouattara n’avait-il pas en idée l’ampleur des réactions avant d’agir ? Pourquoi n’ont-ils pas voulu assumer et revendiquer ce qui s’est passé ?

ABÉHI N’A PAS FUI….

Le flou est total et réel sur la fuite d’Abéhi ; une fuite qui n’a pas fait l’objet de communiqué, ni de communication officielle. Seul Banny mis en cause, a dit n’avoir rien à y voir, si vraiment et effectivement le Commandant Abéhi a fui. Depuis lors, à intervalles réguliers, la presse s’en faitles choux gras. Question : Abéhi a-t-il vraiment fui, ou bien a-t-il été exfiltré avec l’accord des autorités ivoiriennes ? Peut-il être plutôt encore dans le pays, mais en lieu sûr ? Le cas Abéhi ne peut se comprendre si on ne prend pas en compte la jurisprudence et le principe général décrété par le chef de l’Etat : ne pas faire payer aux militaires les fautes des politiques, mais examiner en particulier et de façon, ce que les militaires ont pu faire comme zèle et exactions. C’est ainsi que des actions de représailles et de règlements de comptes, contre les forces ennemies ou adverses ont été proscrites et interdites par les autorités, en dehors des combats. Depuis la fin des combats, aucun assas-sinat, aucun meurtre hors champ de bataille n’a été accompli.

ABÉHI PAS PLUS DANGEREUX QUE DOGBO BLÉ

Tous les grands chefs et commandants du camp Gbagbo sont en vie. Le fameux Dogbo Blé, qui avait établi le blocus du Golf et menaçait de raser le bunker de Ouattara n’a pas été exécuté par les FRCI. De l’avis de tous, et notamment de ceux qui affirment qu’Abéhi n’a pas pu fuir, l’ancien patron du Groupe d’Escadron Blindé (GEB) n’était pas plus dangereux, ni plus redoutable que le général Dogbo Blé, qui disposait de l’essentiel des armes et forces du camp Gbagbo.
Ceux-là qui doutent donc de la fuite d’Abéhi, mettent donc au défi le gouvernement de produire un communiqué pour confirmer la fuite, ou la disparition du commandant Abéhi. «Le fait que cela puisse, explique éventuellement, un manque de vigilance et d’efficacité des services de sécurité, si tant est que les autorités sont dans l’ignorance du lieu où se trouve le commandant Abéhi, ne doit pas expliquer le silence et la confusion qui entourent cette affaire sérieuse. Les autorités ont un devoir d’explication pour éviter que la population soit perturbée et passionnée par des spéculations au sujet d’un militaire. Qu’on nous dise officiellement qu’il est porté disparu. Si tel n’est pas le cas, qu’on nous le dise, en toute transparence. Ne pas dire la vérité, est plus dangereux que laisser dire ce qui est, ou n’est pas par la rumeur, ou par les médias», conseille un diplomate soucieux lui-même d’en avoir le cœur net sur la question.

L’Intelligent d’Abidjan

Par Charles Kouassi

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