A Cannes, le festival des nouvelles puissances

Edito du Monde | LEMONDE

Drôle de monde que celui-là, où les représentants des plus grandes économies de la planète sont figés devant un écran de télévision pour suivre un débat parlementaire en Grèce – comme si le sort de la croissance mondiale dépendait d’un pays méditerranéen de moins de 22 millions d’habitants !

La scène a eu lieu jeudi soir à Cannes, alors que le premier ministre grec, Georges Papandréou, s’expliquait devant son Parlement. Le sommet du G20, dont les membres représentent près de 90 % de la richesse mondiale, était suspendu à l’un des énièmes épisodes du pathétique feuilleton grec…

Pour être surréaliste, la scène n’en recelait pas moins les deux enseignements principaux de ce sommet du G20. Première leçon : jamais l’Europe n’a semblé aussi affaiblie parmi les autres puissances; jamais elle n’a paru être à ce point installée dans le rôle du grand malade de l’heure.

La zone euro a été incapable, depuis bientôt deux ans, de régler la question de la dette souveraine grecque. Elle n’a pas su éviter les effets de contagion – qui touchent aujourd’hui l’Italie. Elle a été impuissante à empêcher la diffusion d’un climat de défiance qui pèse sur la conjoncture. Tout cela a illustré de graves dysfonctionnements de l’union monétaire.

La gestion de cette interminable crise revient au seul tandem franco-allemand. Le couple Nicolas Sarkozy – Angela Merkel est au centre de tout. Comme si plus aucune instance communautaire n’existait. C’était peut-être inévitable, et les qualités de l' »équipe Merkozy » ne sont pas ici sous-estimées. Mais c’est malsain, profondément: une union monétaire à dix-sept ne peut pas fonctionner comme cela.

C’est ce que les représentants des autres pôles de puissance économique de la planète ont dit aux Européens à Cannes – quelquefois non sans condescendance. En gros, chers Européens, mettez de l’ordre dans vos affaires.

Mais la critique n’avait pas le même poids selon qu’elle venait du Nord ou du Sud. C’est le deuxième enseignement de ce sommet. Il a consacré comme jamais la nouvelle carte de la géo-économie mondiale.

Barack Obama représentait à Cannes un pays qui n’est pas en meilleur état que l’Europe. Il était là les poches vides, endetté lui aussi, et bien en mal d’apporter une aide à ses alliés européens. Pas même capable, à Washington, de faire voter son plan de relance de l’emploi… Les vedettes de la Croisette étaient les grandes économies émergées, à commencer par la Chine. Nouveau paysage financier mondial: la dette est au Nord, les ressources au Sud. Le banquier du G20, c’est le président Hu Jintao, celui que les Européens sollicitent pour le sauvetage de l’euro.

Cela pourrait se faire en février, par l’intermédiaire du Fonds monétaire international. La Chine en est actuellement le troisième actionnaire; elle pourrait en devenir le deuxième derrière Washington. Et consacrer ainsi sa place dans la nouvelle économie mondiale.

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