Contrairement aux apparences qu’il affiche, le nouveau chef l’Etat reste foncièrement allergique au jeu démocratique équitable. De fait les discussions engagées avec son opposition sous la pression s’inscrivent en réalité dans une stratégie de diversion.
Après plusieurs semaines, les discussions engagées entre le pouvoir et le Fpi autour des législatives sont l’impasse. Miaka Ouretto et ses camarades peinent à trouver une oreille attentive aux revendications posées comme conditions minimales pour la participation aux élections du 11 décembre prochain. Le blocage porte sur plusieurs points parmi lesquels la question cruciale de la sécurité qui constitue une condition essentielle pour la tenue d’élections libres et transparentes. Le Fpi, particulièrement préoccupé par l’insécurité ambiante qui mine le pays a demandé le désarmement des bandes armées pro-Ouattara (Dozos et autres ex-combattants de la rébellion) disséminées sur toute l’étendue du territoire national et l’encasernement des Frci. L’ex-parti au pouvoir a recommandé le redéploiement des policiers et gendarmes, habilités à assurer la sécurité intérieure. Face à cette préoccupation dont la pertinence n’échappe à aucun observateur averti de la vie nationale, le pouvoir, par la voix du ministre de l’intérieur, Hamed Bakayoko s’est contenté d’affirmer que les législatives seront surveillées par les forces impartiales. Pour qui connait la posture partisane et le rôle lugubre joué par ces forces dites impartiales, il est évident que la réponse du pouvoir ne peut être convaincante.
La vérité est que ces forces qualifiées abusivement impartiales n’inspirent plus confiance pour avoir combattu aux côtés des forces pro-Ouattara pendant la guerre post-électorale. Comment faire confiance à la Licorne et aux casques bleus de l’Onuci, qui, il y a seulement six mois tiraient sur les partisans du président Gbagbo dans le seul but d’installer Ouattara au pouvoir ? N’est-ce au nez et à la barbe de ces prétendus « forces impartiales » que la rébellion proche du candidat Ouattara a violenté et assassiné les électeurs et les responsables de campagne du candidat Laurent Gbagbo dans le nord pendant la présidentielle de 2010 en vue d’organiser une fraude gigantesque au profit de M. Ouattara? Que peuvent attendre le Fpi et le Cnrd de ces fameuses « forces impartiales » qui ont bombardé la résidence du président Gbagbo avant de le capturer pour le livrer à ses ennemis? Assurément, la présence de la licorne et de l’Onuci ne peut être un gage de confiance pour tous ceux qui ne sont pas dans le camp du pouvoir en place.
L’autre point sur lequel butent les discussions concerne la commission électorale indépendante (Cei) qui reste de par sa composition aux mains du Rhdp. Dans un souci d’équité et pour satisfaire aux exigences de la loi sur la Cei, le Fpi a réclamé le rééquilibrage de l’organe chargé de l’organisation des élections. L’ex-parti au pouvoir et ses alliés revendiquent 15 membres dans le bureau central qui en compte 31 contre 15 pour le Rhdp. Le 31ème membre devant être le représentant du chef de l’Etat. Ici également, le pouvoir n’a pas voulu entendre raison. Ouattara propose entre 8 et dix membres dont un vice-président au Fpi. Le déséquilibre est bien flagrant. Il est clair qu’en maintenant la Cei sous les ordres son groupement politique, le régime montre qu’il n’est pas disposé à ouvrir le jeu démocratique.
Mais le sujet qui creuse véritablement l’écart entre le pouvoir et le Fpi reste incontestablement la libération du président Laurent Gbagbo. Selon des sources proches du dossier, Ouattara serait disposé à libérer tous les détenus à l’exception du président Gbagbo et d’environ 10 autres personnes que le pouvoir accuse d’avoir commis “des gaffes financiers”. Le régime Ouattara affirme que l’ancien président de la république est “un prisonnier international” dont le cas lui échappe. Une réponse qui pue l’irresponsabilité et la fuite en avant (voir encadré). Enfin, s’agissant du retour des exilés, le négociateur en chef du pouvoir s’est contenté de se demander ce que font encore des ivoiriens en terre étrangère. “Je ne sais pas ce que font encore les gens en exil. Des gens sur qui ne pèse aucun mandat d’arrêt devraient rentrer au pays”, aurait affirmé Hamed Bakayoko face à ses interlocuteurs. Mais ce que le ministre feint d’ignorer, c’est que les Ivoiriens ne sont pas en exil par plaisir. Ils y sont après avoir fui les exactions des bandes armées pro-Ouattara. Ces Ivoiriens ont quitté leur pays pour échapper à l’insécurité, aux viols et aux assassinats commis par les Frci et leurs supplétifs dozos qui règnent par la Kalachnikovs en Côte d’Ivoire.
Autant le dire très clairement, le régime Ouattara , suffisamment conscient de son illégitimité, n’est pas prêt à affronter le Fpi et ses alliés dans une compétition électorale démocratique et équitable. Toutes les acrobaties auxquelles s’adonnent le chef de l’Etat et son ministre de l’intérieur confirment bien cette volonté de se soustraire au jeu démocratique tout en faisant croire à l’opinion qu’ils font des efforts pour obtenir la participation du Fpi aux législatives.
Jean Khalil Sella
Notre Voie
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