Libye: l’opération qui a changé l’ONU
Par Karim Lebhour
L’Otan a décidé vendredi de mettre fin à compter du 31 octobre à son opération « historique » en Libye. La veille, le Conseil de sécurité de l’ONU avait mis fin au mandat autorisant le recours à la force dans ce pays, sept mois après le début de l’intervention contre le régime de Mouammar Kadhafi. « Nous avons entièrement rempli le mandat historique des Nations unies de protéger le peuple de Libye », a déclaré le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen. Mais le Conseil de sécurité était divisé jusqu’à la fin car l’intervention en Libye à brouillé les pistes entre « la protection des civils » et le renversement de régime.
De notre correspondant à New York,
La décision du Conseil de sécurité de mettre fin aux opérations militaires en Libye clôt un chapitre de dissensions profondes au sein de l’ONU. Le mandat donné par le Conseil de sécurité était de protéger les civils. L’Otan est allée plus loin en prenant part au conflit aux côtés des rebelles libyens.
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Au cours des sept mois de campagne militaire, les avions de l’Otan ont effectué 26 000 sorties et se sont livrées à 10 000 frappes aériennes en Libye. Il s’agissait d’une aide déterminante sans laquelle les forces liées au CNT libyen n’auraient sans doute jamais pu renverser le régime du Colonel Kadhafi.
« C’est un chapitre dont l’histoire du Conseil de sécurité se souviendra avec fierté. Le Conseil a agi rapidement et efficacement pour prévenir un massacre à Bengazi et protéger les civils », s’est enorgueilli la représentante américaine à l’ONU, Susan Rice. Les pays souverainistes, emmenés par la Russie, ont au contraire le sentiment de s’être fait berner en autorisant des frappes en Libye qui ont abouti au renversement du régime libyen.
L’ONU divisée
Certes, la résolution 1973 du 17 mars 2011 fera date dans l’histoire des Nations unies. L’ONU, d’ordinaire si réticente à utiliser la force, a déclaré une zone d’exclusion aérienne et autorisé la mise en œuvre de «tous les moyens nécessaires » pour « la protection des civils », un concept développé après les atrocités du génocide rwandais. La résolution fait grincer quelques dents, mais Mouammar Kadhafi n’avait pas beaucoup d’amis et guère de soutiens. Cinq pays se sont abstenu (Russie, Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Allemagne), sans toutefois s’opposer.
Couplée aux frappes de l’ONU en Côte d’Ivoire, l’intervention en Libye semble annoncer les prémices d’un « maintien de la paix robuste ». En fait, le malaise des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s’est transformé rapidement en ressentiment vis-à-vis des Occidentaux, accusés d’outrepasser le mandat onusien et de se servir de la « responsabilité de protéger » pour intervenir dans les affaires intérieures de pays qu’ils souhaitent contrôler. « La Libye a donné une mauvaise réputation au concept de protection des civils », confiait l’ambassadeur indien à l’ONU, Hardeep Singh Puri, dans une récente intervention.
« Nous avons constaté de nombreuses violations de la résolution 1973. De sérieuses leçons devront être tirées », a réagi l’ambassadeur russe Vitaly Churkin. Les récriminations ont culminé quand, en juin dernier, la France larguait des armes aux rebelles libyens, dans la région du Djebel Nafusa. La mort du colonel Kadhafi dans des conditions encore mal éclaircies, après un bombardement français sur son convoi, suscite toujours des échanges houleux au Conseil de sécurité.
Les conséquences sur le dossier syrien
Les conséquences de l’intervention en Libye se font lourdement sentir, par exemple, sur le dossier syrien. Les diplomates russes, chinois et indiens n’en font pas mystère : pas question de voir le scénario libyen se reproduire en Syrie. La Russie et la Chine ont déjà bloqué par un double veto une résolution des pays européens condamnant la répression en Syrie. « Il sera désormais beaucoup plus difficile aux Occidentaux d’obtenir l’accord des Nations unies pour intervenir dans un conflit, estime un diplomate onusien. S’ils y parviennent, les Russes et les Chinois se chargeront d’encadrer beaucoup plus sévèrement le mandat. »
Source: RFI
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