par Tim Cocks
ABIDJAN (Reuters) – Le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo boycottera les élections législatives de décembre pour protester contre le maintien en détention de l’ancien président et l’insécurité qui, estime Sylvain Miaka Ouretto dans une interview accordée mercredi à Reuters, menace l’équité du scrutin.
La décision du FPI augure mal du processus de réconciliation amorcée en Côte d’Ivoire après la guerre civile qui a suivi le scrutin présidentiel de novembre 2010 et fait 3.000 morts et plus d’un million de déplacés.
« Nous sommes complètement pour les élections, mais il ne faut pas y aller juste pour légitimer un pouvoir », a expliqué Ouretto, ancien député ivoirien.
« Ils veulent avoir une assemblée de monopole, avec tout le monde disant ‘Oui, oui, oui’, mais nous, nous n’entrons pas dans ce chemin », a-t-il ajouté.
Les législatives du 11 décembre doivent doter la Côte d’Ivoire de son premier parlement légitime depuis 2005 et sont censées poursuivre le retour à la normale dans un pays longtemps privé d’élections – le scrutin présidentiel de l’année dernière aurait normalement dû se tenir en 2005.
Laurent Gbagbo, qui refusait de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara, a été capturé en avril avec l’aide des soldats français de l’opération Licorne et des casques bleus de l’Onuci, la mission de l’Onu en Côte d’Ivoire.
Détenu dans le nord du pays, il doit être jugé pour « crimes économiques » en Côte d’Ivoire, a annoncé le mois dernier le président Ouattara.
Il pourrait aussi être poursuivi devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, qui a ouvert une enquête sur de possibles crimes de guerre commis lors de la guerre civile.
« HYPOCRISIE »
Ouretto y voit la preuve d’un double langage des nouveaux dirigeants ivoiriens.
« Leurs paroles, dit-il, sont encourageantes mais malheureusement leurs actes ne sont pas dans le même esprit. Ils pourchassent les partisans de Gbagbo hors du pays. Nous, nous voulons une réconciliation véritable, et pas cette réconciliation de façade. »
Le FPI réclame la libération de Gbagbo et dénonce une justice partiale, soulignant qu’aucun partisan du camp de Ouattara n’a à ce jour été arrêté ou inquiété par la justice en dépit de preuves établissant que des crimes ont été commis par les deux camps.
Ouretto veut aussi que toute enquête remonte aux origines de la crise, bien avant l’élection présidentielle de l’an dernier, jusqu’à la tentative de coup d’Etat de septembre 2002 contre Laurent Gbagbo, qui avait conduit à la partition de fait du pays.
La CPI a précisé elle que ses investigations ne porteraient que sur la période récente, ayant suivi le scrutin de novembre 2010, et s’appuie pour cela sur une série de lois d’amnistie approuvées lors du processus de paix qui a abouti à la présidentielle.
« C’est de l’hypocrisie, dénonce Ouretto, lors de la rébellion de 2002 et 2003, des atrocités et des crimes de sang ont été commis. Des officiers supérieurs ont été exécutés de sang-froid. »
Le FPI souhaite aussi être représenté au sein de la commission électorale et conteste les listes électorales.
En outre, les conditions de sécurité actuelles en Côte d’Ivoire ne permettraient pas la tenue d’un scrutin équitable.
« L’insécurité, c’est grave. Il faut aller sur le terrain pour voir comment l’insécurité règne encore (…) Des hommes en armes régentent la vie dans les villages. Comment peut-on aller aux élections dans ces conditions? »
Henri-Pierre André pour le service français
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