Korhogo – Le président de la république vient inaugurer la mine d’or de Tongon
Le Président de la République est attendu ce lundi 24 octobre à Korhogo pour l’inauguration de la mine d’or de Tongon exploitée par la société sud-africaine Rangold. La mine d’or située dans la sous-préfecture de M’Bengué, et plus précisément dans les environs du village de Tongon, à 65 Km de Korhogo, est considérée comme l’une des plus productrices d’Afrique de l’ouest avec une production officielle de 09 tonnes d’or par an. Après deux ans en phase de construction, la mine a commencé à produire depuis octobre 2010. Le nouveau pouvoir vient inaugurer cette mine d’or que le nord du pays considère depuis sa découverte comme une véritable source de développement qui va accompagner le coton. A coté de l’or blanc donc, de l’or pur dans la région, en lingots de 18 carats et surtout des emplois, un millier d’emplois selon les responsables de la mine et des investissements pour le mieux-être des populations. Quand le Président de la République vient inaugurer une telle entreprise, c’est toute la région qui se mobilise. De Korhogo à M’Bengué, en passant par la sous-préfecture de Karakoro où se trouve l’aérodrome de Korhogo, le préfet Daouda Ouattara en tête, toute la région des Savanes est à pied d’œuvre pour réserver un accueil digne de ce nom au Président Alassane Ouattara. La piteuse route qui relie Tongon à Korhogo a été damée pour permettre une circulation digne du bitume. L’administration préfectorale de la région, le conseil général de Korhogo et les différentes mairies ont fait de la mobilisation un challenge qu’ils veulent relever grâce à une organisation qui se peaufine au cours des différentes réunions présidées par le préfet de région. Prouver que le suffrage conquis par le candidat Ouattara lors du deuxième tour des élections présidentielles est loin d’être usurpé. Le président de la République est attendu autour de 09h à l’aéroport de Korhogo et aux environs de 10h à Tongon qu’il rejoindra par hélicoptère. Il aura avec lui le chef du gouvernement et une dizaine de ministre. Mais aussi des ministres étrangers chargés des mines, en provenance du Mali, du Sénégal, du Burkina etc. Le riche parterre de personnalités comprendra aussi de nombreux ambassadeurs parmi lesquels les ambassadeurs des USA, du Mali, du Sénégal, du Congo, du Burkina, pour ne citer que ceux-là. A l’occasion de cette visite qui durera une journée, il sera fait une présentation de la coulée d’un lingot d’or en présence du Président. Les responsables de la Rangold attendent beaucoup de la visite du président de la République. Les populations et les travailleurs aussi. Tous espèrent que cette visite viendra aplanir et mettre fin aux réguliers différends qui opposent la société Rangold aux travailleurs de la mine et même aux habitants de Tongon village.
Mack Dakota
Messieurs les chefs de village et de terre
et président des jeunes de Tongon
A Son Excellence, Monsieur le Président de la République de Côte d’Ivoire
Objet : Demande de visite
Son Excellence,
C’est avec un grand plaisir, sans cesse renouvelé, que nous avons appris la visite de votre honorable personnalité à Tongon, précisément sur la mine d’or. Nous sommes très enchantés et très flattés qu’après l’élection présidentielle, que vous avez gagnée brillamment, l’une de vos premières visites d’Etat dans un village soit le nôtre.
Excellence, nous, chef de village, chef de terre de Tongon et Président des jeunes, nous vous en sommes très reconnaissants.
Excellence, toutefois, ce qui nous chagrine et nous donne à réfléchir, c’est qu’il semblerait que votre visite se limiterait dans le camp de mine d’or appelé « Cité ». Ce que nous ne comprenons pas. Comment se peut-il que le président de la République vienne visiter la mine d’or sans faire une escale dans le village qui abrite la mine.
Excellence, est-il possible que le président du Burkina Faso vienne en Côte d’Ivoire voir ses compatriotes, sans passer saluer le premier des Ivoiriens que vous êtes.
Excellence, semble-t-il, la mine de Tongon, serait la plus grande mine d’Afrique de l’Ouest. Mais malgré son importance, elle a été découverte dans un village, si petit soit-il.
Pendant la campagne présidentielle, nous avons été frustrés d’une visite de votre part, d’une petite escale. Vous avez seulement traversé le village.
Excellence, aujourd’hui, le schéma n’est plus le même. Vous êtes le président de tous les ivoiriens. Vous venez à Tongon sur la mine d’Or. C’est une occasion pour nous, c’est même une chance pour nous de vous voir et de vous parler quelques minutes.
Excellence, votre programme prévoit la réhabilitation des chefs. Vous avez promis de donner aux chefs de village et de canton, la place qui leur revient de droit. C’est pourquoi, nous ne comprenons pas le programme qui a été communiqué par les organisateurs de votre visite.
Excellence, la mine d’or est très importante pour l’économie de notre pays, pour le programme ambitieux que vous avez commencé déjà à mettre en route, mais le village Tongon l’est mieux. Ce qui nous revient, c’est que les organisateurs demandent dix représentants par village tout en demandant aux populations de rester chez elles et fêter. Il semblerait que les organisateurs offriront un bœuf dans chaque village pour que les populations puissent fêter. Mais comment peut-on fêter sans avoir vu le président qu’on a élu ? L’important pour nous, ce ne sont pas les bœufs, mais de vous voir. Quand on n’a pas la chance de voir les Anges et que Dieu lui-même passe par là, on fait des pieds et des mains pour le voir et le toucher.
Excellence, au regard de ce programme de visite, de nombreuses questions défilent dans nos têtes et nous allons vous faire partager quelques unes.
Que cacheraient les organisateurs au Président de la République au point de l’empêcher de venir dans le village ?
Auraient-ils peur que le Président de la République découvre que le village ne profite d’aucun développement visible depuis l’installation de RAND GOLD dans notre village ?
Craindraient-ils que le Président de la République réalise, malheureusement, que l’attention des responsables de RAND GOLD est plus focalisée sur la matière que sur l’Homme ?
Redouteraient-ils que le Président de la République qui a promis apporter le développement à tous les villages par l’installation de centres de santé, par l’électrification, par l’adduction d’eau, se rende compte que les populations de Tongon sont des laissés pour compte ?
Excellence, vous qui avez sillonné tout le pays pour toucher du doigt les réalités du pays aux fins d’apporter les solutions idoines, n’allez pas tomber dans le piège tendu par les organisateurs de votre visite sur la mine d’or.
Excellence, il serait souhaitable de découvrir de vous-même les réalités du village pour que vous puissiez mieux comparer les deux vies : celle du village et celle de la mine.
Excellence, nous savons votre grande capacité d’écoute. Et nous sommes convaincus que vos chargés de communication et vos conseillers qui nous liront grâce à la compréhension des responsables de presse, vous transmettront notre message et que vous allez réagir favorablement.
Nous prions tous les jours pour que Dieu vous garde et que tout le long de votre magister, vous puissiez apporter le bonheur aux populations de la Côte d’Ivoire.
En dépit de votre programme très chargé, nous sommes convaincus que vous accorderez une attention bienveillante à la requête des populations de Tongon.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président, l’expression de notre profond respect.
Songon, le 19/10/11
Le chef du village : Coulibaly Borizana
Le chef de terre : Coulibaly Katié
Le président des jeunes : Sékongo Zana
Tongon peut-elle être une mine d’or pour tous ?
Plus de deux mille employés lors de la phase de construction et un peu plus d’un millier une fois la production commencée. Un recrutement qui fera la part belle aux jeunes de la région des Savanes. Neuf tonnes d’or par an, ce qui est une des productions les plus élevées de la sous région. Des financements pour les projets des jeunes, des ouvrages de portée communautaire, école, électricité, eau courante etc, telles sont les annonces et autres promesses qui ont précédé l’avènement de la mine d’or de Tongon, village de la sous-préfecture de M’Bengué, dans la région des Savanes. A l’horizon donc, un engouement énorme, tous attendaient l’installation de la société sud-africaine d’exploitation minière dans le perdu et subitement célèbre village de Tongon. A Korhogo, passage obligé pour rejoindre Tongon, le nombre et la taille des machines en mouvement pour la mine a fini de confirmer dans la pensée des uns et des autres l’espoir que tous plaçaient en cette mine. De 2008, quand a commencé la construction de la mine à ce jour, exactement un an après le début de la production, les populations ont vite fait de déchanter. A tort ou à raison, chacun y va de son argumentation. Le constat est que les populations de Tongon et l’ensemble de la jeunesse de la région n’en fissent pas de décrier le non respect de la parole donnée par Randgold. Les travailleurs de la mine, environs deux mille, lors de la construction et autour de sept cent aujourd’hui n’ont qu’une seule phrase pour parler de leur employeur : « ils nous exploitent et nous font travailler dans des conditions inacceptables». Résultat, les grèves pour la révision des salaires se suivent et se succèdent. La dernière en date était menée par les agents de la société de sous-traitance La Tongonaise des mines (TOMI) les 27 et 28 septembre derniers. Les mouvements d’humeur contre la mine d’or ont franchi la limite de la sous-préfecture de M’Bengué et ont gagné la jeunesse de Korhogo que le préfet Daouda Ouattara doit rencontrer régulièrement pour éteindre les différents feux en faisant le médiateur. Pour les travailleurs de la mine d’or, les conditions de travail sont désastreuses et exposent la vie des travailleurs dont l’un d’entre eux, Yéo Siriki a perdu la vie le 09 janvier 2011 dans un accident de travail. Les salaires, les préavis et autres indemnisations de fin de contrat ne sont pas respectés et ne permettent pas de faire face au cout de vie qui a triplé à Tongon depuis l’avènement de la mine. Quant aux villageois de Tongon qui ont perdu maisons, champs et terres arables, les indemnisations données par la Rangold n’ont pu remplacer ce qu’ils ont perdu. Cinquante à cent mille francs pour le commun d’entre eux. Sans oublier l’électricité et l’eau courante qui n’arrivent toujours pas. Plus loin, les jeunes de Korhogo se disent lésés dans le recrutement du personnel. En somme, les récriminations sont si nombreuses que le sentiment commun est que Tongon n’est pas une mine d’or pour tous. Si les responsables de la société se défendent avec des arguments chiffrés qui semblent les dédouaner, les plaignants insistent avec un refrain qui en dit long sur l’invite lancée à l’endroit des autorités. « Qu’on revoie tout de fond en comble. Depuis les contrats d’acquisition de la mine en passant par les obligations imposées à la Rangold jusqu’au quotidien qui prévaut à l’intérieur de la mine. On va y découvrir beaucoup de surprises. »
Mack Dakota, Correspondant
Le Patriote
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