André Silver Konan, à Abidjan
L’évocation de son seul nom faisait trembler de crainte les militants de l’ex-opposition. Le commandant Anselme Séka Yapo, plus connu sous le sobriquet de Séka Séka, n’était pas seulement l’aide de camp de Simone Gbagbo, ex-première dame de Côte d’Ivoire, il était également son bras armé. En fuite depuis la chute de Laurent Gbagbo, il a été arrêté samedi à Abidjan.
C’est en Côte d’Ivoire à l’aéroport d’Abidjan, qu’Anselme Séka Yapo s’est fait cueillir samedi dernier comme un débutant par l’armée de l’air. En provenance de Lomé, il était en transit pour Conakry, voyageant sous une fausse identité. Son visage, dissimulé par une barbe abondante, était méconnaissable. Depuis, l’ex- bras armé de Simone Gbagbo, visé depuis 2010 par les sanctions de l’Union européenne, est détenu à la Direction de la surveillance du territoire (DST) où son interrogatoire a commencé.
Escadrons de la mort
Cet officier supérieur formé à l’Ecole des forces armées (EFA) de Bouaké, a effectué plusieurs stages de perfectionnement à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) de Melun (France). Son nom est revenu dans plusieurs affaires criminelles pendant les onze années de règne de Laurent Gbagbo. C’est après le coup d’État du 19 septembre 2002, mué en rébellion des Forces nouvelles (FN), que les Ivoiriens se familiarisent avec son nom, sans toutefois découvrir son visage. Il reste un homme de l’ombre. Et, d’aucuns le croient, des basses oeuvres de l’ex-Première dame.
Contrairement aux autres barons du régime Gbagbo, Séka Séka, natif de la région Akyé, où Laurent Gbagbo a réalisé ses plus importants scores électoraux, est un homme discret. Son nom est associé aux escadrons de la mort qui ont semé la terreur et la désolation au sein de l’opposition d’alors.
En 2003, l’Organisation des Nations-unies rend public une enquête sur les violations des droits de l’homme suite aux évènements de septembre 2002 et a cité dans un annexe à son rapport, le nom de Séka Séka, alors capitaine, comme l’un des responsables militaires des escadrons de la mort.
« Principal exécuteur de Rose Guéi »
Rien qu’entre septembre et novembre 2002, le Mouvement ivoirien des droits de l’homme (MIDH) a dénombré cinquante personnes tuées par ces escadrons. Parmi les dizaines de victimes présumées, les plus emblématiques sont le comédien et opposant Camara Yêrêfê dit H, le Dr Benoit Dakoury-Tabley, frère cadet de Louis André Dakoury-Tabley, cadre des FN, et Emile Téhé, président d’un petit parti d’opposition, allié au Rassemblement des républicains ( le RDR d’Alassane Ouattara).
Le colonel Jules Yao Yao, porte-parole de l’armée loyaliste de 2002 à 2004, entré en dissidence en 2005, a ouvertement accusé l’ex-aide de camp de Simone Gbagbo d’être personnellement responsable de la mort de certaines personnalités de l’opposition. « Il est impliqué dans l’assassinat des aides de camp et des membres de la famille de Robert Guéi (tués le 19 septembre 2002, NDLR) et le principal exécuteur de Rose Guéi (épouse du général Robert Guéi, NDLR), par une balle dans la tête », révèle l’ex-porte-parole de l’armée.
Autre affaire criminelle dans laquelle Séka Séka est cité : la disparition en avril 2004, de Guy-André Kieffer, journaliste franco-canadien, spécialiste de la filière café-cacao ivoirienne. Reporters sans frontière (RSF) a nommément cité Séka Séka, sur la base des aveux de Michel Legré, beau-frère de Simone Gbagbo et principal suspect dans l’affaire. Les juges d’instruction parisiens chargés de cette affaire devraient d’ailleurs se rendre prochainement à Abidjan pour entendre enfin le mis en cause.
« C’est lui que je recherchais le plus »
La dernière accusation provient d’un ancien porte-parole d’Alassane Ouattara. Joël N’Guessan accuse le commandant Séka Séka d’être le commanditaire de l’assassinat, le 8 avril dernier, soit trois jours avant la capture de Gbagbo, de quatre de ses collaborateurs à Angré (commune de Cocody). Selon certaines indiscrétions, le bras armé de Simone Gbagbo, aurait commencé à se mettre à table.
En attendant que les enquêtes établissent son rôle exact dans toutes ces affaires, le procureur du Plateau chargé d’enquêter sur les évènements liés à la crise postélectorale ne boude pas son plaisir. « C’est lui que je recherchais le plus, indique Simplice Kouadio Koffi, parce qu’on lui attribue beaucoup de faits graves. Il est impliqué dans la plupart des procédures que nous avons ouvertes jusque là. Une chose est certaine, c’est que de nombreux témoins l’accusent de meurtres et d’assassinats et nous allons vérifier tout cela ». Les armes se sont tues. À la justice de s’exprimer.
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