Dossier – Etat des lieux des infrastructures sportives en Côte d’Ivoire Abandon négligence et gabégie Ruines despoir délabrement avancé depuis 1984…

Par L’Intelligent d’Abidjan

Etat des lieux des infrastructures sportives en Côte d’Ivoire / Abandon, négligence et gabégie

La Côte d’Ivoire compte 19 infrastructures sportives publiques sur l’ensemble du territoire national. Des édifices qui portent la griffe du père-fondateur Félix-Houphouët Boigny et à un degré moindre, de l’administration coloniale. Le sport, au vu des infrastructures sportives existantes, est relégué aux oubliettes par les différents gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays.

Le premier stade de la Côte d’Ivoire a été livré en 1952. Il s’agit du stade Robert Champroux de Marcory, d’une capacité d’accueil de 15.000 places. Il est l’aîné des infrastructures sportives, au même titre que le Parc des Sports de Treichville, livré aussi en 1952, avec 5.216 places comme capacité d’accueil. C’est l’œuvre de l’administration coloniale française qui dirigeait le pays à cette époque. En 1954, elle inaugure le stade municipal de Bouaké (15.000 places). Ces trois édifices représentaient le patrimoine de la Côte d’Ivoire au plan des infrastructures sportives jusqu’aux Indépendances (1960). Le père de la nation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny, en véritable stratège, va opter plus tard pour la fête tournante de l’Indépendance du pays. Cette mouvance sera à la base de la naissance de divers édifices partout en Côte d’Ivoire. L’Ouest, le Nord, le Centre, bref toutes les régions ou chef-lieu de régions auront un stade d’au moins 2000 places pour vivre la passion du football, sport-roi par excellence en Eburnie.

La griffe Félix Houphouët-Boigny ou la date de création des édifices

Le Premier président de la République de Côte d’Ivoire, s’est évertué à doter le pays d’infrastructures sportives à partir de 1961. Le stade qui portera son nom au Plateau, est sorti de terre en 1961, sur les cendres du stade Géo André. « Le stade Félix Houphouët- Boigny devrait être plus grand et beau mais les personnes que le président a mandatées ont utilisé les fonds à des fins personnelles », avoue D. Gilbert, âgé de 79 ans. Néanmoins, l’édifice, fort de 35.000 places jusqu’en 2005, reste le plus grand stade de Côte d’Ivoire devant le nouveau stade de la Paix de Bouaké, construit en 1983 à la faveur de la CAN 84 (football) en Côte d’Ivoire. Le stade de la Paix de Bouaké (25.000 places), a été le théâtre d’un match des Eléphants en juin 2007, contre le Madagascar, dans le cadre des éliminatoires de la CAN 2008. C’est la toute dernière rencontre qui a eu lieu dans ce bel édifice dont la pelouse a pris un véritable coup depuis la crise politico-militaire qui a frappé le pays en septembre 2002. Mais avant le stade de la Paix de Bouaké, le président F.H.B a, à la faveur de la commémoration de l’Indépendance du pays, construit des stades à Man, Korhogo, Séguéla etc. A Abidjan, Treichville bénéficiera de deux infrastructures. D’abord la piscine d’Etat en 1963 (500 places) et du Palais des Sports en 1984 (4000 places) pour répondre aux difficultés rencontrées par les sports de mains, notamment le handball, la natation, le basket-ball, le volleyball et la boxe. En somme, la capitale économique enregistrera cinq édifices (1 au Plateau, 1 à Marcory et 3 à Treichville). Le Palais des Sports de Treichville restera donc la dernière infrastructure sportive publique sortie de terre à Abidjan et par ricochet sur toute l’étendue du territoire national. En clair, depuis 1984, les différents gouvernants n’ont plus construit d’infrastructures sportives. Une mort qui s’explique par l’arrêt de la fête tournante de l’Indépendance de la Côte d’Ivoire. Bingerville ancienne capitale de la Côte d’Ivoire aura la chance de bénéficier d’un édifice sportif, une piscine d’Etat pour la pratique de la natation, en 1964 (300 places). Suivra dans la même période, le stade Léon Robert de Man (2000 places). Le stade régional de Korhogo (1966) fort de 5000 places, bien clôturé, fera la fierté de la cité du Poro après la fête de l’Indépendance. Le Club Omnisport de Korhogo rendra la vie dure aux clubs comme l’Asec Mimosas, l’Africa Sport d’Abidjan, le Stade d’Abidjan, durant belle lurette. Le bon vieux temps ! Mais le stade mythique du COK ressemble à un dépotoir depuis 2002, bon pour des courses de mob-cross. En 1967, le stade régional de Daloa (5000 places) prendra le relais à la faveur de la fête de l’Indépendance. Le Réveil Club de Daloa a pour antre cet édifice de l’Etat. L’Indenié sera à l’honneur en 1968 avec le stade rebaptisé Henri Konan Bédié (2000 places). L’ASI d’Abengourou règnera en maître sur ce stade. En 1969, il n’y aura pas d’inauguration de stade à la faveur de l’Indépendance, fêtée à Abidjan. Néanmoins en 1970, le stade Biaka Boda de Gagnoa de 5000 places, plongera le centre ouest dans une hystérie incommensurable. Ali Timité ! Ce nom évocateur fait chemin avec le stade de Bondoukou, livré en 1971. Le stade Ali Timité et le Sacraboutou National ! Un mariage de raison. Le Zanzan a vécu des moments forts de football et aussi a connu sa fête de l’Indépendance. Dommage que le stade soit dans un état cauchemardesque et le Sacraboutou en D3. En 1975, c’est autour de Dimbokro de recevoir le cadeau du Président de la république : le stade Koné Samba Ambroise (5000 places). Ce stade voit évoluer le N’zi de Dimbokro. Odienné et Séguéla en 1977 recevront à leur tour un stade. Le stade régional Mamadou Soumahoro de 2000 places à Odienné et le stade Losséni Soumahoro de 5000 places à Séguéla. Katiola ne sera pas oubliée grâce aux relations de son fils Ouattara Thomas D’Acquin avec le Président Houphouët. Le stade de 5000 places portera d’ailleurs le nom du Général Thomas D’Acquin. Le dernier stade à sortir de terre à l’intérieur du pays, a été inauguré en 1979. C’est le stade Auguste Denise de San Pedro. D’une capacité d’accueil de 2000 places, il est l’antre du Sewé Sport de San Pedro, du COSAP et du FC San Pedro. C’est au total 19 infrastructures sportives dont 16 sous la houlette du président Félix Houphouët-Boigny qui constituent le patrimoine de la Côte d’Ivoire, en matières d’acquis sportifs. C’est déjà un grand pas mais le hic, c’est que les différentes infrastructures sont dans un état de délabrement avancé, faute d’entretien et de maintenance.

Des édifices sous perfusion ou l’échec de l’ONS

Le dernier édifice sportif sorti de terre en 1984 n’est pas opérationnel depuis plus de cinq ans. Il s’agit du Palais des Sports de Treichville. Il est en voie de réhabilitation depuis l’avènement du président Alassane Ouattara au pouvoir. Il n’est pas le seul à souffrir. La majorité des stades du pays, surtout ceux à l’Intérieur du pays, sont dans un état cauchemardesque. La piscine d’Etat de Bingerville est devenue la demeure des grenouilles et des crapauds à la tombée de la nuit. Idem pour le stade régional de Korhogo, véritable repère des bœufs et autres personnes qui aiment déféquer dans des lieux publics. Les stades de Man, Korhogo, Séguéla, Odienné, Katiola, ne reçoivent plus de rencontres sportives. Mais plutôt des manifestations politiques. L’AS Denguélé d’Odienné et le CO Korhogo ne voudront plus retourner au bercail parce que rien ne les y oblige. Pas de pelouse ! Qu’a fait l’Office national des sports (ONS) en charge de l’entretien et de la gestion des différentes infrastructures sportives ? « L’ONS a le dos large. Cet office n’a jamais eu les moyens nécessaires pour faire sa mission. Avec 300 millions de budget de fonctionnement, il ne peut pas gérer la maintenance et l’entretien des infrastructures. Aussi, en Côte d’Ivoire, il y a une absence totale de politique de maintenance et d’entretien. C’est çà la vérité », a expliqué un cadre de la Planification au ministère des Sports et Loisirs. Et pourtant, l’Office loue parfois ces édifices à des particuliers pour la tenue de leurs manifestations extra-sportives, à des dizaines de millions FCFA. « C’est vrai que l’ONS peut et doit pouvoir élaborer un plan pour l’entretien de certaines infrastructures, mais avouons que la volonté n’y est pas. Les différents directeurs préfèrent se contenter de l’argent généré sans au moins prendre soin de ce qui leur donne à manger », conclura notre interlocuteur. N’empêche, le ministre Philippe Légré, a décidé de réhabiliter les différents édifices que compte le pays. Et aussi, a en projet la construction d’un Complexe sportif à Abidjan-Cocody (quartier Washington). Un projet qui a vu le jour sous le président Laurent Gbagbo mais qui est resté en veilleuse. Là où le bât blesse, c’est que les seules infrastructures version Houphouët, sont dans un état piteux. Les différentes intentions de réhabilitation manifestées par les différents ministres de sports ne semblent pas avoir produit d’effets. Les stades de Daloa, de Gagnoa et même le « Félicia », maintes fois rénovés ne présentent pas un visage rayonnant. « Le stade Félix Houphouët-Boigny a été réhabilité plusieurs fois à des centaines de millions. Cet argent pouvait servir à construire un nouveau stade digne de ce nom et à la dimension des Eléphants », croit dur comme fer un cadre de la FIF. Ce dernier ne comprend pas pourquoi le ministre Légré et le gouvernement ivoirien optent pour la réhabilitation du stade municipal de Grand-Bassam qui n’appartient pas à l’Etat, alors que les stades publics sont dans un état de délabrement avancé. Le sport ne se pratique plus à l’Intérieur du pays et même à Abidjan comme auparavant, faute d’infrastructures sportives adéquates. Les responsables des disciplines comme le handball, le volleyball, le basket-ball, la boxe, l’escrime, sont obligés de faire jouer leur championnats nationaux dans des espaces de fortunes, à la merci de toutes les intempéries. Résultat, les lauriers au plan africain ont pris un sérieux coup. Les Ivoiriens ne jouent plus les premiers rôles. «A Ouaga, nous avons été émerveillés de jouer nos matches dans un complexe sportif climatisé. Nous avons joué avec plaisir parce que nous n’avons pas eu peur de glisser. Ici au pays, nous jouons sur du goudron et les risques de blessures sont énormes », a témoigné Danon Diane, volleyeuse du Stella Club d’Adjamé. Comme cette athlète, de nombreux responsables de fédérations des disciplines dites mineures, ont perdu leur latin depuis cinq ans, du fait de la fermeture de leur antre, le Palais des Sports de Treichville. « Nous avions organisé un tournoi international de karaté au Palais de la Culture, parce que nous ne savions pas où tenir ce tournoi grandeur nature à Abidjan en 2009. C’est étonnant, mais c’est la réalité. Nous avons été séduits à Niamey au Niger à la vue d’une superbe salle pour les arts martiaux. La Côte d’Ivoire a d’excellents athlètes dans tous les domaines, mais le problème d’infrastructures reste notre plaie », ajoutera Vincent Yaï, ex-président de la Fédération ivoirienne de karaté et disciplines associées (FIKDA). Le stade Félix-Houphouët Boigny n’est utile que pour le football. Et pourtant, c’est le cadre par excellence de l’athlétisme. « Il n’y a même plus de tartan au Félicia pour courir. La piste d’athlétisme n’existe plus et c’est sur du goudron que les jeunes s’entraînent et se produisent », note amer Kouamelan Hyacinthe, technicien à la Fédération ivoirienne d’athlétisme. Tout est délabré. Et les différentes compétitions nationales se tiennent dans des conditions d’extrême bricolage. Que dire du stade Robert Champroux et du Parc des Sports de Treichville ? Ces deux édifices ont bénéficié d’une pelouse synthétique qui n’est plus à l’ordre du jour. « C’est du vrai gazon qu’il fallait sur ces stades. C’est dommage qu’on fasse le contraire de tout en Côte d’Ivoire. L’époque des pelouses synthétiques est révolue. Les joueurs vous diront qu’il n’est pas aisé de jouer sur une telle aire de jeu », remarque un entraîneur de football. Qu’à cela ne tienne ! Le Complexe Alassane Ouattara à Grand-Bassam dans 24 mois, aura une pelouse synthétique. Le ministre Philippe Légré veut amorcer la réhabilitation et la construction des stades en Côte d’Ivoire, mais a-t-il fait l’état des lieux ? Pas vraiment ! Parce que les entrepreneurs et la tutelle n’ont qu’une seule idée en tête : se sucrer ou tirer des dividendes.

Des réhabilitations qui pèsent des milliards

La réhabilitation du stade municipal de Bassam coûtera six milliards FCFA à l’Etat ivoirien. « Quand vous entendez six milliards, vous croyez que c’est faramineux mais je tiens à vous dire que les matériaux seront importés. Le synthétique viendra de l’Europe et le coût est très important. Ce n’est pas un ‘’deal’’ entre l’entrepreneur et le ministère des sports et loisirs. Le BNETD est aussi associé dans l’affaire, c’est pour vous dire que ce n’est pas un business que compte faire la tutelle. Il est bon de le savoir, parce que les gens ont commencé à critiquer le ministre Légré qui tient aux réhabilitations des stades », a martelé un proche de Philippe Légré. Une mise au point qui ne saurait calmer les ardeurs d’observateurs avertis qui affirment mordicus que les rénovations et réhabilitations d’édifices sportifs engloutissent des milliards en Côte d’Ivoire. Alors que dans la sous-région, un stade flambant neuf ne coûte qu’entre 600 millions et un milliard FCFA. « Nos détracteurs font référence aux entrepreneurs chinois qui savent casser les prix le plus souvent mais nous pouvons dire que les mêmes Chinois procéderont aux réhabilitations de stades au Cameroun, à des milliards », insistera ce proche du ministre Légré. Le stade régional de Daloa réhabilité en 2009 à des centaines de millions, a replongé en moins d’un an dans le délabrement. « L’entrepreneur a induit le ministre Banzio en erreur en son temps, en avouant qu’il pouvait faire la réhabilitation. Alors que l’argent offert par l’Ambassade de France ne prenait pas en compte tout le processus de réhabilitation. C’est pourquoi, vous constaterez que les tribunes n’ont pas été réhabilitées comme promis. Pour une vraie réhabilitation, il faut mener une étude avant le début des travaux. Mais, il est bon de noter que certains entrepreneurs comptent sur l’argent de l’Etat pour commencer les travaux. Il faut que les entreprises soient fiables et solvables », précisera un agent en poste à l’ONS. Poursuivant, il relève que depuis des années, les marchés ont été passés dans le flou. « Même pour la réhabilitation du Félicia à la faveur du CHAN 2009, l’entrepreneur n’était pas à la hauteur, mais comme il venait de la FIF, on a laissé faire. Si le sérieux guide le ministre Légré, il pourra réussir », terminera-t-il. Aux dernières nouvelles, la Primature aurait créé un comité de suivi pour le contrôle de toutes les réhabilitations de stades sur l’étendue du territoire national. Comme quoi, Soro Guillaume veut mettre fin à la gabégie qui avait prévalu.
Annoncia Sehoué

Encadré
Vivement un vrai stade en Côte d’Ivoire !

Le 29 mars 2009, des Ivoiriens, férus du ballon rond et fans des Eléphants footballeurs, ont péri suite à une bousculade au stade Félix Houphouët-Boigny. 20 morts et plus de 100 blessés. Le Félicia réduit à 34.000 places en 2005, ne peut plus contenir les supporters ivoiriens, à chaque match de Didier Drogba, Yaya Touré et les autres Eléphants à Abidjan. Il faut construire un stade digne de leur rang de double mondialiste et meilleure équipe africaine actuellement. Où est passé le fameux stade olympique promis par Henri Konan Bédié ? « L’Eléphant d’Afrique a accouché d’une souris à cause du coup d’Etat de 1999 », a confié un supporter lambda. Le Général Robert Guéi durant sa transition avait autre chose à faire que de songer à la construction d’un stade. Idem pour Laurent Gbagbo qui a plutôt géré une sortie de crise qui a fini par l’emporter. En somme, les successeurs de Félix Houphouët-Boigny n’ont rien fait. Rien. Ils ont toujours trouvé des arguments pour justifier leur négligence. Tous les regards sont désormais tournés vers Alassane Ouattara. Qui doit suivre les traces de son ‘’père’’, Félix Houphouët-Boigny. Les sportifs ivoiriens comptent sur lui. Il a déjà pris connaissance de l’ordonnance médicale du patient. Ses prescriptions sont attendues. Inutile d’en dire plus. Le manque de volonté politique a fait trop de torts au sport ivoirien dans son ensemble et il faudrait que la donne change dès à présent. Sport facteur de cohésion sociale, de paix, de réconciliation, bien beau, mais ce sport là, a besoin d’infrastructures pour conjuguer ses vocables souvent galvaudés.
AS

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