Au-delà des rumeurs distillées, ça et là, pour faire croire que la taxe sur les appels entrants réduirait le volume d’appels ordinaire de nos compatriotes séjournant à l’Etranger, il est établi que le nouveau seuil est une base tarifaire minimum. Autrement dit, tout opérateur le désirant, peut vendre ses terminaisons à plus de 0,215 euros ou beaucoup moins comme on a pu l’observer, parfois.
En effet, pour attirer plus de trafic sur leurs lignes, certains opérateurs tombaient dans des pratiques anticoncurrentielles et proposaient des prix inférieurs à leurs coûts. Cela a pour corollaire de déstabiliser le marché et de réduire les capacités financières des opérateurs. Le nouveau seuil viendra, à terme, stabiliser le marché et protéger les tarifs des terminaisons vers le Sénégal.
Il s’agit d’un réajustement pour redistribuer les revenus au profit de l’Etat. Cette redistribution n’est même pas équitable car, les opérateurs internationaux détiennent toujours la part la plus importante des profits.
Désormais, grâce à ce décret, chaque fois qu’un Sénégalais appelle son pays (au même tarif), il contribue à son développement socio-économique, en pourvoyant un revenu supplémentaire à l’Etat et aux opérateurs locaux. Ainsi, il aide son Etat à construire des écoles maternelles, des routes, des écoles et à relever les défis concernant l’électricité, l’eau, les télécommunications et tous les secteurs stratégiques.
L’Etat du Sénégal prévoit, en retour, de financer, avec les fonds collectés, des projets d’habitat ou de réinsertion initiés par ses émigrés, avec un comité de surveillance qui intéressera tous les segments de la société.
Pas de réciprocité
Il s’y ajoute que le tarif minimal institué par le décret est un tarif de gros, appliqué aux « carriers internationaux », ce qui se traduit par une diminution de leurs marges. En conséquence, il n’y a pas de corrélation directe entre l’augmentation du tarif de terminaison sur la destination Sénégal (tarif de gros) et une augmentation du tarif public (tarif de détail que paie le consommateur) des opérateurs étrangers, notamment, des pays développés. Et cette absence de corrélation s’explique par, au moins, deux facteurs :
la concurrence que se livrent les opérateurs sur les tarifs de détail,
l’interdiction par les législations nationales et régionales de se livrer à des ententes, en vue de procéder à des hausses concertées.
En tout état de cause, dans la période d’application du décret (août/mi-novembre 2010), l’ARTP n’a observé aucune augmentation des tarifs publics des opérateurs dans les pays étrangers.
De même, il n’a été noté aucune augmentation des tarifs des publics des appels téléphoniques sortant du Sénégal appliqués par les opérateurs sénégalais.
L’Afrique se met au contrôle du trafic !
La liste des pays africains qui ont introduit une taxe sur les appels internationaux entrants s’allonge, de jour en jour. Cette liste, non exhaustive, comprend le Congo-Brazzaville, la Guinée, le Niger, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Mauritanie, le Ghana, Madagascar, le Sénégal, le Libéria et les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie).
Comme le font remarquer Tim Kelly et Mark Woodhall de l’UIT, dans leur analyse sur les indicateurs du trafic téléphonique, le trafic est strictement la plus importante des valeurs du secteur des télécoms et la direction du flux du trafic en dit long sur la nature et le type d’interactions sociales et commerciales qui existent entre les pays.
Ce continent, étant aussi l’un des plus gros pourvoyeurs d’immigrés, en Europe et aux USA, nous pouvons aisément en déduire un flux, de plus en plus, important du trafic en direction de ce continent, impactant sur la balance téléphonique les liant au reste du monde. En effet, le flux du trafic téléphonique vers l’Afrique est positivement corrélé à celui du transfert d’argent qui, selon la Banque Mondiale, a triplé entre 1995 et 2003, avec une tendance soutenue à la hausse. Le flux téléphonique a augmenté dans des proportions plus grandes car, chaque transfert d’argent effectué est accompagné d’un coup de fil ou d’un SMS, alors que l’inverse n’est pas vrai.
Cette nouvelle approche est d’autant plus salutaire qu’elle est conforme à l’esprit et à la lettre de la Convention de Melbourne, un document de mémoire donnant la liberté à toute nation, souveraine d’adopter le cadre réglementaire qui lui sied et qui est conforme à sa vision, ainsi qu’il est stipulé en son préambule : Convention de Melbourne, Règlements de Télécommunications Internationales (RTI) PREAMBULE. « Le droit souverain de réglementer ses télécommunications étant pleinement reconnu à chaque pays, les dispositions contenues dans le présent Règlement complètent la Convention internationale des télécommunications, dans le but d’atteindre les objectifs de l’Union internationale des télécommunications, en favorisant le développement des services de télécommunication et l’amélioration de leur exploitation, tout en permettant le développement harmonieux des moyens utilisés pour les télécommunications à l’échelle mondiale ».
Ainsi, pendant que le trafic téléphonique croît de façon substantielle vers l’Afrique, la visibilité décroît, de façon significative et inquiétante ! Il est, donc, plus que jamais urgent pour les Etats africains de se doter de moyens techniques et institutionnels pour améliorer la visibilité et la gestion du trafic.
Cheikh Ba
(Source : Rewmi, 12 octobre 2011)
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