Par Olivier Dion | L’Intelligent d’Abidjan
Voici la pomme de discorde qui risque de paralyser le tribunal d’Abidjan
Le ministère d’Etat, ministère de la Justice et les agents recrutés en 2009 en qualité de greffiers ad hoc, conformément à la décision n°2009-19 du 14 décembre 2009 portant mesures spéciales relatives à la grève des greffiers et signée du président Laurent Gbagbo, n’embouchent pas la même trompette. Pendant que les greffiers recrutés réclament leur intégration à la Fonction Publique, le ministère de la Justice estime que l’affaire est close et que cette intégration n’est plus d’actualité. Retour sur une situation qui risque de paralyser la justice ivoirienne.
L’interprétation qui est faite de la décision prise par le président déchu le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo, pour lever tous les obstacles au bon déroulement de l’administration judiciaire du fait de la grève des greffiers et du processus électoral en Côte d’Ivoire, pourrait conduire à une paralysie du système judiciaire ivoirien. D’une part, des affections ont été faites, mais elles n’ont pas encore été entérinées par un décret signé du Président de la République, car tandis que les uns quittent leur poste, les autres ne viennent pas pour les remplacer et prendre service. D’autre part, les greffiers recrutés en décembre 2009 attendent toujours que leur soit attribué un numéro matricule et tous ces faits constituent une véritable menace pour le bon fonctionnement du tribunal d’Abidjan. En vertu de l’article 48 de la Constitution, Laurent Gbagbo avait signé le 14 décembre 2009, une décision autorisant le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, le ministre de la Fonction publique et de l’Emploi de l’époque, à procéder au recrutement en qualité de greffier ad hoc, pour la période allant du mardi 15 décembre 2009 jusqu’à la fin des élections, toute personne ayant les compétences nécessaires pour accomplir cette tâche. En application de cette décision présidentielle, deux concours de recrutement exceptionnel sont lancés le 23 décembre 2009 par le ministre de la Fonction publique et de l’Emploi, le Pr Hubert Oulaye, sous les numéros 285 et 288/ MFPR/ DFC, le premier destiné aux titulaires d’une licence en Droit, le second aux titulaires d’un baccalauréat de l’Enseignement secondaire général, à l’issue duquel 407 candidats sont retenus par les communiqués n° 311 et 312 du 19 janvier 2010 du ministre de la Fonction publique et de l’Emploi, selon la répartition suivante : 101 attachés de greffes et parquets et 306 secrétaires des greffes et parquets, soit 407 personnes. «Ils ont été formés pendant dix jours à l’Institut National de la formation judiciaire du ministère de la Justice et des Droits de l’Homme sur la gestion du contentieux électoral, uniquement», précise une source au ministère de la Justice. Cette information est confirmée par M. Kouakou Kouassi, le porte-parole de ces greffiers ad hoc. «Depuis lors, nous n’avons jamais été casés. Nos démarches envers les collaborateurs du ministre Hubert Oulaye, puis ceux du ministre Emile Guiriéoulou qui lui a succédé, ont été vaines. Nous avons été reçus par le ministre de la Fonction publique le 19 septembre dernier. Il nous a dit qu’il n’a pas de problème avec nous, seulement il nous demande de nous adresser au ministre de la Justice, notre ministre de tutelle. Si le Garde des Sceaux donne son accord, nous pouvons avoir un numéro matricule et être intégré à la Fonction publique. Nous nous sommes donc rendus au ministère de la Justice, où on nous a conduits vers la direction des services judiciaires et des ressources humaines, situé au 15ème étage de la tour D. Nous n’avons pas été convaincus. Nous avons donc adressé une demande d’audience au ministre Ahoussou Jeannot pour qu’on nous dise quelque chose. Nous sommes 407 personnes, on ne peut pas nous laisser-pour-compte, pendant qu’on recrute des bénévoles à la Fonction Publique. Si jusqu’à la semaine prochaine nous ne sommes pas reçus par le ministre Ahoussou Jeannot, nous allons manifester à son cabinet», prévient M. Kouassi Kouakou.
La pomme de discorde
Au ministère de la Justice, l’on estime que cette affaire est close, car entre-temps, les greffiers titulaires qui étaient en grève avaient saisi le ministre de la Fonction publique et de l’Emploi. Ils estiment qu’il y a des mentions contenues dans les communiqués n°311 et 312 du 19 janvier 2010 qui ne cadrent pas avec «l’esprit» de la décision n°2009-19 du 14 décembre 2009 portant mesures spéciales relatives à la grève des greffiers, puisque la mention «greffiers ad hoc» contenue dans cette décision a fait place à celle «d’attachés et secrétaires des greffes et parquets», dans les communiqués du 19 janvier 2010. Le ministre Oulaye leur fait droit et cela est vite corrigé. La mention de «greffiers ad hoc» a été intégrée dans le communiqué n° 72 signé le 25 mai 2010 par le ministre de la Fonction publique et le 28 mai 2010, les intéressés sont mis à la disposition du ministère de la Justice et des droits de l’Homme, dirigé alors par Koné Mamadou, aujourd’hui président de la Cour Suprême. Mais le constat qui est fait à la direction des services judiciaires et des ressources humaines, «c’est qu’ils n’ont pas de numéro matricule et n’ont jamais été, jusqu’à ce jour, convoqués par le ministère en charge de la Justice pour remplir les tâches pour lesquelles ils ont été recrutés», selon notre source, parce qu’il y a eu un rebondissement en octobre 2010. Laurent Gbagbo avait accordé son pardon aux greffiers grévistes et avait signé la décision n°2010-022/ 01/ PR, qui annule les effets des mesures spéciales relatives à la grève des greffiers. C’est dire que les greffiers titulaires sont réintégrés et rétablis dans leur droit, ce qui de facto, rend caducs les communiqués n°311 et 312 du 19 janvier 2010. Mais avec la fin de la crise postélectorale sanctionnée par la victoire du Dr Alassane Ouattara, les 407 greffiers ad hoc réclament à cor et à cri, leur recrutement comme fonctionnaires et leur intégration à la Fonction publique. «Nous ne sommes pas des greffiers ad hoc, nous sommes des attachés des greffes et parquets et nous sommes rattachés au ministère de la Justice», fait remarquer Kouassi Kouakou. Mais, au-delà des greffiers, révèle une source au ministère de la Justice, un vaste mouvement est déjà engagé au sein de la justice ivoirienne. Des nominations ont été faites, des magistrats et des greffiers sont concernés par ce mouvement.
Olivier Dion
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