Par Anassé Anassé Source: L’Inter
Pour sûr, ce nouveau rapport de Human Rights Watch (HRW) va provoquer un coup de tonnerre dans le microcosme politique ivoirien. Dans un document de 158 pages daté du 4 octobre et publié hier jeudi 6 octobre sur son site Internet, l’organisation internationale de défense des droits de l’Homme présente de manière détaillée les crimes de guerre et les probables crimes contre l’humanité commis tant par les forces de Gbagbo que celles de Ouattara durant la crise post-électorale. Ce rapport intitulé « Ils les ont tués comme si de rien n’était’: Le besoin de justice pour les crimes post-électoraux en Côte d’Ivoire » est le fruit de recherches et investigations menées par HRW de janvier à juillet 2011 à Abidjan et à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Il décrit les effroyables violations des droits humains commises du 28 novembre 2010 au 11 avril 2011, date de la chute du président Laurent Gbagbo, et de cette date à juin 2011, période marquant les premiers mois de gestion du pouvoir du nouveau chef de l’Etat, Alassane Ouattara. Ce rapport identifie nommément sur six pages (120 à 125), 13 dirigeants militaires et politiques qui auraient été impliqués dans de graves exactions, auraient encouragé des viols et massacres de populations civiles ou n’auraient rien fait pour les empêcher. Ceux qui ont fait la promotion de chefs militaires cités dans des graves violations des droits de l’Homme sont aussi indexés. Pour chaque personne incriminée, le rapport décrit les allégations de faits mis à sa charge. Nous vous proposons ci-dessous, une synthèse de la liste des mis en cause par Human Rights Watch.
Camp Gbagbo
Laurent Gbagbo: L’ex-Président était le commandant en chef des forces armées,
lesquelles ont commis des crimes de guerre et, probablement, des crimes contre
l’humanité. Bien qu’il soit clairement établi que ses forces armées et ses milices ont commis des crimes graves, Laurent Gbagbo n’a ni dénoncé ni pris de mesures pour prévenir de tels crimes ou ouvrir des enquêtes.
Charles Blé Goudé : Il a longtemps été secrétaire général des Jeunes patriotes, une milice impliquée dans des centaines de meurtres rien qu’à Abidjan. Ses miliciens ont souvent travaillé étroitement avec les forces d’élite de sécurité en prenant pour cible les partisans d’Alassane Ouattara. Selon Human Rights Watch, Charles Blé Goudé est vraisemblablement impliqué dans des crimes contre l’humanité.
Général Philippe Mangou : En tant que chef d’état-major des forces armées sous le régime de Laurent Gbagbo, Philippe Mangou était à la tête de troupes qui auraient commis des crimes de guerre et, probablement, des crimes contre l’humanité. Pourtant, Philippe Mangou n’a pris aucune mesure concrète pour les empêcher, ni ouvert d’enquête contre ceux qui ciblaient systématiquement les partisans d’Alassane Ouattara.
Général Guiai Bi Poin : Guiai Bi Poin a été le chef du CECOS (Centre de commandement des opérations de sécurité), responsable de disparitions forcées, de violences sexuelles, de tirs à l’arme lourde à l’aveuglette tuant des civils, et de la répression brutale des manifestations. Dans l’ensemble, compte tenu à la fois de leur ampleur et de leur caractère systématique, les crimes commis sous son commandement constituent, probablement, des crimes contre l’humanité. Les quartiers d’Abobo et de Koumassi où se trouvaient des bases des forces du CECOS, ont particulièrement souffert.
Général Bruno Dogbo Blé : Bruno Dogbo Blé a été le commandant de la Garde républicaine, impliquée dans des cas de disparitions forcées, la répression brutale des manifestations et la persécution d’immigrés ouest-africains. Pris globalement, les crimes commis sous son commandement constituent, probablement, des crimes contre l’humanité. Le quartier de Treichville à Abidjan, où se trouve le camp de la Garde républicaine, a particulièrement souffert.
« Bob Marley » : Ce chef mercenaire libérien qui a combattu pour Laurent Gbagbo dans l’ouest du pays est impliqué dans deux massacres et d’autres meurtres ayant fait au moins 120 morts, dont des hommes, des femmes et des enfants. Il a été arrêté au Libéria en mai 2011 et détenu à Monrovia.
Pierre Brou Amessan, directeur de la RTI : En tant que directeur de la chaîne de télévision RTI contrôlée par Laurent Gbagbo, il a régulièrement supervisé des émissions qui incitaient à la violence contre les partisans d’Alassane Ouattara et les étrangers, appelant les vrais Ivoiriens à les « dénoncer » et à « nettoyer » le pays. Des violences de grande ampleur contre des partisans de Laurent Gbagbo s’en sont souvent suivies. La chaîne a également encouragé l’attaque de personnels et de véhicules des Nations Unies, attaques qui se sont répétées durant toute la crise.
Denis Maho Glofiéhi : Il a longtemps été le chef des milices pro-Gbagbo présentes dans l’ouest du pays. En juillet 2010, il a indiqué à Human Rights Watch avoir commandé 25 000 combattants sous la bannière du Front de libération du Grand Ouest (FLGO). Les milices qui auraient été sous le commandement de Maho ont participé à des massacres dans l’ouest du pays et à Abidjan, où il a été aperçu lors des derniers mois de la crise, souvent en compagnie de Charles Blé Goudé.
Camp Ouattara
Capitaine Eddie Médi (ou Eddy Médy) : Eddie Médi était le commandant des Forces républicaines chargé de mener l’offensive de mars de Toulepleu à Guiglo. Les forces sous son commandement ont perpétré d’autres massacres après avoir pris le contrôle de la région, Eddie Médi menant depuis sa base à Bloléquin des opérations de « nettoyage ».
Commandant Fofana Losséni : Le 10 mars, Guillaume Soro l’a affublé du titre de chef de la « pacification de l’extrême ouest », l’identifiant comme le supérieur du capitaine Eddie Médi et le commandant en chef de l’offensive des Forces républicaines dans l’ouest du pays. Également connu sous le diminutif de « Loss », il a été le commandant de secteur des Forces nouvelles à Man. Des soldats sous son commandement ont pris le contrôle de Duékoué le 29 mars au matin et joué un rôle important dans le massacre de centaines de personnes dans le quartier Carrefour.
Commandant Chérif Ousmane : Durant l’assaut final sur Abidjan, il était le chef des opérations des Forces républicaines à Yopougon, où de nombreux partisans présumés de Laurent Gbagbo ont été sommairement exécutés. D’après un soldat de sa « compagnie Guépard », Chérif Ousmane aurait lui-même ordonné l’exécution de 29 prisonniers début mai. Longtemps commandant des Forces nouvelles à Bouaké, le 3 août 2011, le Président Ouattara a promu Chérif Ousmane au rang de commandant en second du Groupe de sécurité de la présidence de la République.
Commandant Ousmane Coulibaly : Longtemps commandant de secteur des Forces nouvelles à Odienné, Ousmane Coulibaly a dirigé des soldats des Forces républicaines impliqués dans des actes de torture et des exécutions sommaires dans le secteur Koweit de Yopougon. À l’époque, Ousmane Coulibaly avait comme nom de guerre « Ben Laden ». Il est toujours officier de commandement des Forces républicaines.
Forces non officiellement alignées
Amadé Ouérémi (couramment appelé « Amadé ») : Chef d’un groupe burkinabé puissamment armé dans la région du Mont Péko dans l’extrême ouest de la Côte d’Ivoire, Amadé Ouérémi et ses hommes ont été identifiés par de nombreux témoins comme figurant parmi les principaux auteurs du massacre survenu à Duékoué le 29 mars dans le quartier Carrefour. Des témoins et des habitants de ce quartier ont indiqué à Human Rights Watch et à Fraternité Matin, le quotidien contrôlé par l’État, qu’Amadé Ouérémi avait combattu aux côtés des Forces républicaines à Duékoué.
Dans un communiqué publié hier sur son site Internet, Human Rights Watch invite le gouvernement du Président Alassane Ouattara à traduire en actes son engagement affirmé en faveur d’une justice impartiale en prenant des mesures à l’encontre des membres de ses propres forces armées impliqués dans les crimes commis pendant et après la période post-électorale. « Le gouvernement Ouattara a pris des mesures louables pour poursuivre en justice certains dirigeants du précédent régime, dont Gbagbo lui-même, qui selon des éléments de preuve crédibles auraient commis des crimes graves », souligne Daniel Bekele, Directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Cependant, la justice doit être au service des victimes des deux bords qui ont vu leurs proches être tués ou dont les maisons ont été incendiées, et ne peut être un outil au seul service des vainqueurs », fait remarquer M. Békélé.
Anassé Anassé
(SOURCE : HUMAN RIGHTS WATCH)
Avec Connectionivoirienne.net
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