Comment la commission de réconciliation en Côte d’Ivoire peut-elle être crédible ?

Source: la-croix.com

Installée officiellement mercredi 28 septembre, la Commission dialogue, vérité, réconciliation est chargée de travailler à la réconciliation des Ivoiriens, après les affrontements armés entre le camp de l’ancien président Laurent Gbagbo et celui de son successeur, Alassane Ouattara.

Cette commission, présidée par Charles Konan Banny, devra aussi, si elle veut être crédible, aborder des questions qui gênent le pouvoir en place.

P. Serge Lorougnon Jésuite, membre du Centre de recherche et d’action pour la paix (Cerap)

« Les personnalités qui composent la commission ne sont pas contestées par les Ivoiriens. Elles sont reconnues par les deux camps qui se sont affrontés pendant la crise post-électorale. Cependant, son rôle et sa mission ont des contours encore flous.

La première incertitude qui n’est pas levée concerne la période sur laquelle elle va devoir enquêter. Est-ce la crise post-électorale de novembre 2010 à avril 2011 ? Doit-elle remonter jusqu’à la crise de septembre 2002 ? Jusqu’au coup d’État de 1999 ? Voire, comme certains le réclament, jusqu’en 1960 ?

Pour ma part, je commencerais par me limiter à la crise post-électorale. Ensuite, si cela est utile pour établir les responsabilités dans la crise, remonter en 2002 ou en 1999. Je redoute, cependant, que cette question génère d’interminables débats.

Par ailleurs, la commission va devoir prouver, si elle veut être crédible, qu’elle n’est pas à la solde des vainqueurs. Pour cela, je pense qu’elle gagnerait en efficacité si elle attendait, comme cela s’est fait au Kenya, les enquêtes conduites par la Cour pénale internationale pour commencer son travail de réconciliation.

« Devoir de gratitude »

De toute façon, cette commission sera ce que ses membres en feront : seront-ils capables de ne pas se laisser abuser par le “devoir de gratitude” qui touche, en général, les membres d’une institution ? On ne doute pas de sa capacité à s’attaquer aux responsables des violences, dès lors qu’ils sont du côté de Laurent Gbagbo !

En revanche, sera-t-elle capable de convoquer les proches d’Alassane Ouattara ?

Je pense en particulier à l’ancien président Konan Bédié, mais aussi au premier ministre et ministre de la défense, Guillaume Soro, ou encore à de hauts responsables de l’armée.

Le président actuel a-t-il les moyens de se fâcher avec des hommes qui lui ont permis d’arriver au pouvoir et de l’exercer aujourd’hui ?

Allons plus loin : comment la commission pourra-t-elle évaluer la part de responsabilité d’Alassane Ouattara dans les événements tragiques qui ont ensanglanté notre pays ? Alassane Ouattara n’a peut-être pas les moyens de gouverner la Côte d’Ivoire en s’affranchissant de ses principaux soutiens. »

Recueilli par Laurent Larcher

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