Élections législatives – Les dangers du boycott projeté par le Front Populaire Ivoirien (FPI)

Élections législatives – Les dangers du boycott projeté par Front Populaire Ivoirien (FPI)

Le Front populaire ivoirien (FPI) a décidé de mettre sa menace à exécution. Après ses revendications non satisfaites, notamment en ce qui concerne la recomposition équilibrée de la Commission électorale indépendante (CEI), l’ex-parti au pouvoir vient de claquer la porte de l’institution en charge de l’organisation des élections en Côte d’Ivoire. Dans un communiqué signé de son secrétaire général par intérim, Laurent Akoun et publié dans la presse hier jeudi, le FPI s’est mis en congé de toutes les activités de la CEI. «Le Front populaire ivoirien (FPI) suspend sa participation à toutes les activités de la Commission électorale indépendante (CEI) sur toute l’étendue du territoire national », indique le texte. En filigrane, se profile à l’horizon le boycott par le Front populaire ivoirien, des futures élections législatives prévues pour se tenir en principe avant la fin de l’année 2011.
Même si la porte des discussions et tractations pouvant déboucher sur un hypothétique modus vivendi n’est pas encore totalement fermée, avec en prime un retour possible voire souhaitable du FPI dans le jeu électoral, on peut d’emblée s’interroger sur les conséquences d’une telle décision sur l’avenir de ce parti retombé dans l’opposition après une décennie de gestion du pouvoir d’État. En effet, le Front populaire ivoirien court d’énormes risques en se mettant en marge de la suite du processus électoral. La politique de la « chaise vide » pour laquelle il veut opter, en refusant de participer aux futures législatives, pourrait s’avérer suicidaire pour le parti créé par l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo. En décembre 2000, le Rassemblement des Républicains (Rdr) l’a expérimenté à ses dépens… N’eût été sa victoire aux municipales (en mars 2001) et son très bon score au scrutin des conseils généraux de département (en juillet 2001), ce parti se serait certainement mis hors jeu sur la scène politique ivoirienne. Ainsi au niveau national, à défaut de disparaître de l’échiquier politique, le FPI pourrait perdre considérablement son influence. Durant toute une législature et la mandature du président Alassane Ouattara, c’est-à-dire pendant cinq (5) ans au moins, le parti à la rose sera totalement absent des grands débats qui engagent la vie de la nation. C’est peu dire, en effet, que c’est dans l’Hémicycle que se discutent les sujets importants et d’intérêt national. Les lois organiques et ordinaires qui fixeront les grandes lignes de la politique gouvernementale et du projet de société de la coalition politique au pouvoir seront débattues à l’Assemblée nationale, sans que le FPI ne fasse entendre sa voix ni valoir ses opinions ou ses objections. Par son absence au Parlement, l’ex-parti au pouvoir se priverait de sa « minorité de blocage » qui constitue un levier essentiel en démocratie (au cas où il participait aux législatives mais ne disposait pas d’assez de députés à l’Assemblé nationale). Par exemple, les lois organiques ont besoin de recueillir une majorité qualifiée, généralement les ¾ des députés siégeant, pour être adoptées. Autant dire que le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) pourra gouverner en roue libre, sans véritable contre-pouvoir ni opposition significative. Dans la foulée, le FPI s’infligerait un véritable black-out dans les médias publics (radio, télévision et presse), puisque les reportages et comptes rendus qui seront dorénavant faits des activités parlementaires ne mentionneront pas son nom ni ses points de vue.

La perte de l’influence

L’autre danger qui guette le Front populaire ivoirien par un éventuel boycott des joutes électorales à venir, c’est la perte ou la baisse de l’influence des cadres du parti dans leurs régions. Ce qui pourrait occasionner le recul de l’implantation du parti dans ces localités. Généralement, les populations sollicitent les élus (députés, maires, présidents de conseils généraux) en diverses occasions (mariages, baptêmes, décès, soins de santé, etc.). Mais comme les élus du FPI ne seront plus là pour faire face aux nombreuses sollicitations des populations, celles-ci seront enclines à demander la mansuétude des élus des autres partis politiques. Et en signe de reconnaissance, elles pourraient changer de formations politiques et/ou voter pour ces partis ou leurs candidats au cours des futures échéances électorales. En outre, les élus prennent souvent la parole lors des grandes réunions des collectivités locales (mairies, conseils généraux, régionaux) ou de manifestations diverses (cérémonies de réjouissances, réunions de chefferies traditionnelles, dons de partenaires au développement, etc.). Parfois, ces tribunes servent à faire l’éloge des partis politiques et des actions menées par leurs représentants et à gagner de nouveaux militants ou élargir leurs bases électorales. Le FPI pourrait manquer ces occasions de promotion s’il se met en retrait de la vie politique nationale.
Un autre risque – et non des moindres – encouru est l’assèchement des caisses du parti. Déjà que les comptes de plusieurs dignitaires et haut cadres du FPI son gelés, on mesure à quel point les ressources financières pourraient se faire de plus en plus rares si les élus, notamment les députés, ne participent plus aux charges de fonctionnement du parti. Et même si actuellement la loi sur le financement des partis politiques sur fonds publics est mise en veilleuse, rien ne dit qu’elle ne sera pas remise au goût du jour après la mise en place intégrale des nouvelles institutions du pays. Le Front populaire ivoirien pourrait donc, s’il n’y prend garde, se priver de cette importante manne financière publique (sous Laurent Gbagbo, les trois principaux partis politiques du pays, à savoir le PDCI-RDA, le FPI et le RDR empochaient chacun près d’un milliard de FCFA par an). Et partant, se faire hara-kiri s’il ne participe pas aux prochaines élections législatives.

Anassé Anassé
Publié dans L’Inter du 23.09.2011

……………………………..

Départ de la CEI Boycott des élections, Le FPI met Ouattara en difficulté

« Constatant une divergence profonde dans l’approche de résolutions des problèmes posés par les acteurs du processus électoral, plombant ainsi la crédibilité des élections à venir ; refusant de contribuer à l’aggravation de la crise post-électorale, déjà assez douloureuse, dont les traumatismes et les séquelles multiples ont du mal à se dissiper ; le Front populaire ivoirien (Fpi) suspend, dès ce jour sa participation à toutes les activités de la Commission électorale indépendante (Cei) ». Ainsi finit le courrier signé du secrétaire général par intérim du Fpi, Laurent Akoun, adressé au président de la Cei, Youssouf Bakayoko, et qui suspend leur collaboration avec l’institution chargée d’organiser les élections en Côte d’Ivoire. A moins de trois mois des législatives, ce coup politique du Fpi au pouvoir en place relance le débat de la démocratie, de la crédibilité et de la transparence des élections en Côte d’Ivoire. Miaka Oureto, président par intérim du parti à la rose, et ses camarades, mettent surtout le président Alassane Ouattara dans l’embarras. Va-t-il accepter que les élections législatives soient organisées avec le Fpi dehors ? Ou alors, va-t-il enfin accorder cette audience que lui reclame le parti de la Refondation depuis trois mois, pour engager des discussions ? On le saura. Mais à l’analyse, le président ivoirien n’a aucun intérêt à favoriser la mise en place d’un parlement avec ses seuls partisans à bord. A savoir un parlement qui ne serait pas représentatif des peuples de Côte d’Ivoire, dans la mesure où une bonne partie des Ivoiriens, se reconnaissant en l’ancien régime, n’y seront pas représentés. Cela pourrait être perçu comme un étranglement du processus démocratique auquel le président se montre pourtant attaché. L’une des raisons évoquées d’ailleurs par Alassane Ouattara pour ne pas reconnaître l’Assemblée nationale, version Laurent Gbagbo, c’est que celle-ci était forclose et pas assez représentative. « Pour concrétiser notre volonté de doter notre pays d’institutions fortes et démocratiques, nous organiserons, avant la fin de cette année (2011), des élections législatives », avait promis le N°1 ivoirien au cours de son discours d’investiture le 21 mai dernier à Yamoussoukro. Hier jeudi 22 septembre 2011, à la tribune des Nations unies cette fois, et à la face du monde entier, Alassane Ouattara a réitéré cette volonté, soulignant que l’organisation de ces législatives permettrait de renforcer la démocratie et la cohésion sociale. Cela induit nécessairement que toutes les composantes politiques significatives de la Côte d’Ivoire prennent part à ces élections. Le boycott du camp de Laurent Gbagbo, qui a perdu les élections avec plus de 45 % des suffrages exprimés, pourrait compromettre le souhait du président Ouattara de doter la Côte d’Ivoire d’un parlement fort et représentatif.

Le regard de la communauté internationale

Plus encore ! Au-delà des frontières ivoiriennes, des critiques pourraient pleuvoir à l’encontre du régime Ouattara. Les regards sont en effet tournés vers le président ivoirien, qui est appellé à oeuvrer au retour à la normalité en Côte d’Ivoire. A sa prise effective du pouvoir le 11 avril 2011 après la chute de l’ancien régime, Alassane Ouattara avait entre autres défis à relever, la construction d’un Etat de droit fondé sur les principes de démocratie et de respect des droits de l’Homme. La communauté internationale qui l’a fortement soutenu dans son combat contre Laurent Gbagbo, attache du prix à la restauration de cette démocratie et de l’Etat de droit, dont l’un des baromètres reste justement l’Assemblée nationale. Cette communauté a suivi, avec intérêt, et la chicotte à la main, l’organisation des élections présidentielles en Côte d’Ivoire. Nul doute qu’elle sera également très regardante sur les conditions dans lesquelles le nouveau parlement ivoirien sera mis en place. En la matière, il faut dire que l’administration Ouattara a encore des obstacles à surmonter pour assurer l’organisation de législatives crédibles et transparentes. A savoir la mise en place de conditions sécuritaires adéquates, l’indépendance de la Commission électorale indépendante, le retour des exilés qui sont, soit candidats, soit électeurs. Des conditions posées par le Fpi, et qui, en plus des aspects techniques et logistiques, devraient permettre la bonne organisation des élections législatives et la mise en place d’un parlement fort. La communauté internationale y veille. Le lundi 12 septembre dernier, la facture du scrutin de décembre, d’un montant de 13 milliards fcfa, a été présentée aux bailleurs de fonds, au cours d’une réunion à la Primature. Ces partenaires internationaux se sont engagés à aider la Cei à réussir l’organisation de cette élection. Laquelle élection devra en retour respecter les normes de transparence, d’équité et de crédibilité. Le boycott du Fpi apparaît cependant comme une entorse à ces principes, si ce parti décidait de ne pas présenter de candidat aux prochaines législatives.

Hamadou ZIAO
Source: L’Inter

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.