Vivre ensemble
Destinés à vivre ensemble. Tel est le thème de la «Rencontre internationale pour la Paix » organisée par la communauté Sant’Egidio et l’archidiocèse de Munich dans la ville du même nom, en Allemagne, du 11 au 13 septembre, à l’occasion du dixième anniversaire des attentats terroristes contre les États-Unis, et à laquelle l’auteur de ces lignes a été convié. Toutes les grandes religions du monde entier, ainsi que de nombreuses personnalités politiques telles que le Président de la République fédérale d’Allemagne,
la chancelière allemande Angela Merkel, le Président guinéen Alpha Condé et de nombreux ministres de plusieurs pays ont pris la parole à cette occasion pour parler de la nécessité de vivre ensemble. La guerre, a dit un des intervenants, provient du rejet, de l’exclusion, de la non acceptation de l’autre. Et c’est bien ce que nous vivons dans le monde, avec les attentats meurtriers qui frappent aveuglément, un peu partout dans le monde. Des extrémistes religieux ou politiques, convaincus de leurs vérités, estiment que ceux qui n’y adhèrent pas n’ont tout simplement pas le droit de vivre. Aune échelle moindre, certains pensent que ceux qui ne partagent pas leurs vérités doivent être privés d’un certain nombre de droits, dont celui à la liberté. Dans le monde d’aujourd’hui, de nombreuses vérités, qu’elles soient religieuses ou politiques, se côtoient. Rares sont, de nos jours, les pays où plusieurs confessions religieuses ou courants politiques ne cohabitent pas. Lorsqu’on accepte l’autre dans son altérité, c’est-à-dire lorsqu’on reconnaît l’autre dans sa différence, lorsqu’on se tolère et se respecte les uns les autres, lorsqu’on reconnaît que la vérité de l’autre vaut bien celle en laquelle l’on croit, cette cohabitation se passe dans l’harmonie et la paix. C’est le déni de l’autre qui entraîne les conflits et les guerres. Les grands massacres et génocides que le monde a connus sont nés du refus de certains de reconnaître en l’autre, un semblable, un autre soi-même. Nous sommes destinés à vivre ensemble. C’est une réalité incontournable en ce 21e siècle. En Côte d’Ivoire, nous sommes bien placés aujourd’hui pour comprendre cela. Le Rdr du Président Ouattara en a fait son slogan. Notre pays a vécu dans la paix et la concorde tant que nous nous acceptions avec nos différences ; lesquelles s’exprimaient à travers nos tribus, nos religions. Notre pays était véritablement celui de la tolérance par excellence. Je me souviens, petit à Ouellé, de ces messes, à l’occasion des grandes fêtes chrétiennes, auxquelles participaient des dignitaires musulmans et de ces fêtes musulmanes auxquelles se joignaient les prêtres de la mission catholique. Je me souviens de mes camarades de classe musulmans à l’école primaire catholique de Ouellé que le Père Michaux priait de sortir de la classe, lors des cours d’éducation religieuse, pour ne pas leur imposer son enseignement chrétien. À cette époque, les fêtes, chrétiennes ou musulmanes, étaient les fêtes de tout le monde. Puis vint le temps du rejet de l’autre. Rejet en raison de son appartenance ethnique ou religieuse. Au début des années 2 000, des tracts et des sermons demandaient aux chrétiens de refuser de partager le mouton des musulmans, lors de la fête de la Tabaski. On parlait de versets sataniques dits dans certaines mosquées, pendant que certains rêvaient de reconstituer l’ancien empire mandingue, quand ce n’était pas ; tout simplement ; une république carrément islamique. Et nous avons commencé à nous fréquenter en fonction de nos ethnies et de nos religions, nous excluant mutuellement. Nous avons fini par en payer le prix. D’abord la division du pays, en deux, puis la guerre. Une guerre à laquelle certains tentèrent de donner un caractère religieux et / ou ethnique. Et nous fûmes à deux doigts de basculer dans les massacres à grande échelle. Nous y avons échappé. Sans doute parce que ce qui nous unissait était plus fort que ce qui nous séparait. Nous devons aujourd’hui nous approprier le thème de la rencontre de Munich : destinés à vivre ensemble. À Munich, des dignitaires chrétiens catholiques, orthodoxes, coptes, maronites, protestants de toutes les chapelles, musulmans, juifs, shintoïstes, bouddhistes, hindouistes, et des mécréants comme moi ont échangé pendant trois jours pour trouver comment vivre ensemble avec nos différentes croyances. En Côte d’Ivoire, il est temps pour nous de tourner définitivement la page. À l’heure de la réconciliation, nous devons tous comprendre que nous sommes destinés à vivre ensemble, avec nos différentes ethnies, nos différentes religions, nos différents partis politiques. Nous avons perdu trop de temps dans les idées rétrogrades – celles qui excluaient – et gâché l’avenir de trop de générations. La Côte d’Ivoire dans laquelle nous devons élever nos enfants d’aujourd’hui doit être celle du vivre ensemble. Parce que telle est notre destinée.
PAR VENANCE KONAN
In Fraternité Matin
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