Avant 1972, toute personne née sur le territoire de Cote d’ivoire était automatiquement ivoirienne, en vertu du droit du sol. Cette disposition du code de la nationalité n’ayant pas été appliquée rigoureusement, un nombre impressionnant d’ayants droits à la nationalité ivoirienne ne jouissent pas aujourd’hui de ce droit. C’est pour réparer cette injustice qu’à la table ronde de Linas Marcoussis, en janvier 2003, il a été proposé que des dispositions soient prises pour régulariser la situation de toutes les personnes injustement privées de leurs papiers. Dans l’annexe du document signé par toutes les parties ivoiriennes, il a été convenu que le gouvernement prenne des dispositions exceptionnelles dans un délai de 6 mois pour permettre à tous les bénéficiaires du droit du sol (selon la loi 61-415 du 14 décembre 1961 ), qui par ignorance ou pour une autre raison n’ont pas mené les démarches qu’il fallait, de bénéficier de la nationalité ivoirienne( Lire l’annexe de Marcoussis).
Avec les blocages artificiels, c’est seulement en 2006, soit deux ans plus tard, que Laurent Gbagbo a signé le décret 2006/76 du 31 mai portant modalité d’application de la loi 2004/66 portant disposition spéciales en matières de naturalisation. Après quoi, de nombreux bénéficiaires de cette loi ont déposé leurs dossiers de naturalisation au tribunal d’Abidjan en payant 10.000 Fcfa auprès du procureur de la république. Pour des raisons qui lui sont propres, le gouvernement de Gbagbo n’a lancé aucune campagne d’information à ce sujet. Les personnes concernées ont eu en tout et pour tout deux mois pour déposer les dossiers. « C’est de bouche à oreille que l’information est passée, je me suis rendu dans une radio de proximité pour porter l’information à mes compatriotes. Mais tout le monde ne vit pas à Abidjan », nous a confié Moussa Douamba, président du Conseil des burkinabé de l’extérieur.
Malgré les difficultés liées à la communication, quelques personnes chanceuses ont pu déposer leurs papiers. C’est le cas de Adama Sow, né le février 1960 à Bouaké. Il fait partie des sacrés veinards qui ont pu déposer leur demande en temps réel. Il est détenteur de la carte d’identité consulaire du Burkina Faso numéro 1321703. Avec beaucoup de camarades pétitionnaires, il a fait une demande de naturalisation le 3 avril 2007 auprès du tribunal d’Abidjan. Le récépissé porte la signature du procureur adjoint, Adou Richard Christophe. Par la suite, son dossier a été déposé auprès du ministre de la Justice et des droits de l’homme le 13 août 2007. Il porte le numéro 390/MJDH/DACP. Une semaine plus tard, soit le 20 août 2007, le document a été déposé au bureau du secrétaire général du gouvernement, Tyeoulou Félix, afin que Laurent Gbagbo y appose sa signature. Hélas, c’était là le terminus de la procédure. La même situation a été suivie par Cissoko Aly, un jeune malien, né à Sassandra, qui est également dans l’attente des résultats de sa demande de naturalisation selon la procédure exceptionnelle recommandée par Marcoussis.
Dossiers bloqués au palais
De 2007 à ce jour, aucun document n’est ressorti signé de ce bureau. Malgré tous les discours lénifiant selon lesquels il signait systématiquement tous les dossiers de naturalisation qui lui étaient soumis, Gbagbo n’a jamais fait droit à la requête les personnes bénéficiaires du droit du sol selon l’accord de Marcoussis. Me Traoré Bakary, chargé des naturalisations au ministère de la Justice, a confirmé avoir transmis, depuis 2007, en bonne et due forme tous les dossiers au chef de l’Etat de l’époque pour signature. « Nous attendons en vain depuis des années que les papiers que nous avons déposés soient signés. Les pétitionnaires défilent au ministère de la justice pour la suite de leur demande, mais nous ne pouvons pas les satisfaire parce que tout est bloqué au Palais. Notre souhait est que le nouveau pouvoir répare cette injustice. » Notre interlocuteur a fait ensuite cette révélation qui est la marque de fabrique de l’ancien régime. « Pendant que les dossiers qui ont suivi la procédure normale ne sont pas signés, nous constatons que les personnes qui nous ont contournés sont naturalisés. Ce n’est pas normal », avoue-t-il, amer.
On le voit, il y a un vrai problème à régler. La balle est donc dans le camp du président Alassane Ouattara qui est très soucieux de la parole donnée et du respect de sa signature. Gbagbo n’est plus là, il est grand temps d’appliquer intégralement l’accord de Marcoussis.
Traoré M. Ahmed
Nord-Sud
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