Fonds occultes: « Rien ne s’est arrêté avec Sarkozy » selon Probst

PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO FANUCCHI

Spécialiste reconnu de l’Afrique, Jean-François Probst a longtemps été collaborateur de Jacques Chirac au RPR et à la mairie de Paris avant de prendre ses distances et de devenir consultant international. Dans une interview au «Parisien» – «Aujourd’hui en France», il dresse un portrait peu flatteur de Robert Bourgi et des pratiques de la Françafrique.

J’ai connu Robert Bourgi avec Jérôme Monod à Grand Bassam en Côte d’Ivoire en 1982. C’était déjà un opportuniste et un affairiste », souligne Jean-François Probst, qui — en excellent connaisseur des nombreux réseaux de ce qu’on a appelé la Françafrique — a la dent dure à l’encontre de cet avocat d’affaires qui « a intrigué toute sa vie et a voulu se faire passer pour le successeur de Jacques Foccart, qui pourtant le détestait ». Toutes ces révélations supposées mélangent, selon lui, « des tas de choses vraies, des invraisemblances et des mensonges ». Elles « ne sont dictées, explique-t-il, que par la mythomanie et une soif de vengeance à l’encontre de Jacques Chirac, mais surtout de Dominique de Villepin, avec lequel il règle ses comptes à la veille du verdict dans l’affaire Clearstream ».

« La grande erreur de Villepin, tellement désireux de devenir le chef de la Françafrique, c’est de s’être appuyé sur Bourgi, dont il croyait se faire un ami. Puis Villepin a compris un jour que tout cela sentait le soufre et a dit à Bourgi : Il ne faut plus qu’on se voit. Vexé, Bourgi en a fait une maladie, a traversé la rue — pour passer de l’Elysée à la Place Beauvau — pour se jeter dans les bras de Nicolas Sarkozy qui était alors ministre de l’Intérieur et qui lui a dit : Viens chez moi. »

Toutefois, toutes ces pratiques de « valises de billets » entre l’Afrique et la France se sont-elles arrêtées avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée en 2007, comme le laisse entendre Bourgi? « Ce n’est pas crédible. C’est même le plus gros mensonge de sa vie. Rien ne s’est arrêté avec Sarkozy, qui avait pourtant prôné la rupture », réplique aussitôt Probst. Il rappelle que « Bourgi s’est dépensé sans compter pour Sarkozy auprès de nombreux chefs d’Etat africains lors de la présidentielle de 2007 » et que ce dernier « a filé à Libreville dès juillet 2007 et refait un deal avec Omar Bongo, qui lui aurait donné — dit-on — 1 milliard de francs CFA (NDLR : 1,5 M€) ». Le président gabonais, aujourd’hui décédé, « a utilisé Bourgi », assure Probst en rappelant une évidence : « Omar Bongo était un réaliste, pas un philanthrope. Certes, il arrosait tout le monde dans les campagnes électorales, mais il voulait surtout jouer le bon cheval. »

« Tout cela a existé. Le dernier interlocuteur de Bourgi à l’Elysée, c’était Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence », précise Probst, bien qu’il reconnaisse qu’« à l’Elysée comme au Quai d’Orsay, depuis le retour d’Alain Juppé, Bourgi est aujourd’hui persona non grata ». En effet, dit-il, « Bourgi a commencé à déplaire après le deuxième grand voyage de Sarkozy en Afrique — qui l’avait mené de Kinshasa à Brazzaville et Niamey en mars 2009 —, puis il a été écarté en douceur sous une montagne de fleurs et de couronnes. Sarkozy l’avait d’ailleurs décoré de la Légion d’honneur à l’Elysée dès septembre 2007. » Avant de conclure sans hésitation : « Après l’avoir pressé comme un citron, Sarkozy et Guéant vont le jeter… S’il a fait tout ce qu’il a fait et tout ce qu’il a dit, il mérite la prison! »

Le Parisien
http://www.leparisien.fr/politique/fonds-occultes-rien-ne-s-est-arrete-avec-sarkozy-selon-probst-12-09-2011-1603554.php

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