Cinq mois après leur collaboration avec le président de la République, Alassane Ouattara, des ministres déchantent déjà, surtout ceux qui pensaient pouvoir se bâtir une fortune à partir de cette fonction. Avec le nouveau locataire du palais présidentiel, les choses ne sont plus comme avant. Fini les passe-droits, les dessous de table, l`octroi de marchés publics dans des conditions floues. Alassane Ouattara, en bon banquier, gère la loupe à la main et les yeux partout, surtout là où circule de l`argent. Selon des confidences qui nous ont été faites, des ministres ne sont plus chauds pour continuer l`aventure avec le président Ouattara. Des ministres auraient confié à leurs collaborateurs que s`ils savaient que travailler avec Ouattara était aussi stressant, ils déclineraient son appel. Le collaborateur d`un ministre dont nous taisons le nom, nous a confié, récemment, que son patron a décliné la sollicitation d`une organisation religieuse qui souhaitait faire de lui le parrain de sa cérémonie. « Le ministre a dit à ces religieux qu`il n`avait pas le temps. En réalité, il n`avait rien à leur donner. Avec Ouattara, c`est trop dur. Il n`y a même pas de possibilité d`avoir de l`argent autre que son salaire », nous a soufflé notre confident, bien introduit auprès de plusieurs ministres. Ce n`est pas tout. Un jeune ministre aurait même envisagé son départ du gouvernement, préférant son ancien poste de directeur général d`une entreprise, qui lui procurait beaucoup d`avantages que le poste de ministre. « Ce ministre m`a dit que s`il savait que c`était comme ça, il refuserait de s`engager », poursuit notre informateur. Pour comprendre l`état d`esprit de ces ministres, il faut faire un bond en arrière. Être ministre en Côte d`Ivoire, dans le passé, signifiait la richesse. On pouvait dealer, s`acheter de grosses cylindrées, se bâtir des immeubles en un temps record, de sorte qu`à chaque remaniement, les curriculum vitae s`accumulaient sur les bureaux des parrains, c`est-à-dire des personnes qui entretiennent de très bonnes relations avec le chef de l`État. Quand un ministre était remplacé, c`était le deuil dans sa famille, dans son village, et même dans sa région. Le président est boudé, traité de tous les noms d`oiseau. Le nouveau ministre, lui, était fêté par ses parents qui voyaient en lui un demi-dieu. Aujourd`hui, sous Ouattara, la situation a radicalement changé. Le budget de fonctionnement de l`État est géré parcimonieusement. De plus, selon des sources, le chef de l`État a fait supprimer la convention du Bureau national d`études techniques et de développement (BNETD) qui autorisait les ministres à recourir à des agents non fonctionnaires de l`État pour des tâches précises. Au nom de cette convention, des ministres, selon un proche de Ouattara que nous avons joint hier, faisaient émarger des travailleurs fictifs et récupéraient l`argent pour leurs propres besoins.
Pas de possibilité d`avoir un peu de sou
Désormais, ce n`est plus possible. La Présidence a également supprimé l`attribution des marchés de gré à gré par les ministères à des privés, pour éviter le favoritisme et la corruption. Ici encore, tous les marchés publics doivent être soumis à des procédures d`appel d`offre, avec possibilité pour ceux qui pensent être lésés, d`appeler un numéro vert pour dénoncer un abus. Les budgets affectés aux Directions des affaires administratives et financières (DAAF) sont dépensés selon le programme de fonctionnement du ministère. Tous les mouvements sur les comptes des ministères sont passés au crible. Le chef de l`État a mis en amont et en aval un système de contrôle qui réduit les pertes d`argent. Une brigade anti-corruption est en train d`être mise sur pied pour traquer les faussaires. Par ailleurs, un contrôle systématique est effectué sur les nominations dans les ministères pour éviter des effectifs pléthoriques et fictifs. Des numéros verts sont disponibles pour dénoncer le racket et la corruption. Dans sa volonté de réduire davantage le train de vie de l`État, Alassane Ouattara est également en train d`entrevoir la possibilité de réduire la consommation en carburant des ministères. Autrefois estimés en numéraire, les bons d`essence sont transformés en des cartes magnétiques, où cette fois, au lieu de voir « bon de 5000 ou 10.000F) on lit sur la carte, par exemple, « bon de 50 ou 100 litres ». Ce sont des bons personnalisés dont l`objectif est de contrôler la consommation en carburant des structures de l`administration. C`est une grosse boîte française d`exploitation de pétrole qui a proposé le projet. « Il y a des ministres qui fuient leurs parents parce qu`à part leur salaire, ils n`ont rien! », nous a même confié notre informateur. Le chef du gouvernement, Guillaume Soro serait lui, agacé par cette gestion à la loupe de son patron, selon la Lettre du continent (LC), dans sa dernière parution. A en croire ce bimensuel, il ressort que le Premier ministre avait voulu démissionner le dimanche 7 août dernier « à cause de l`emprise d`un Français nommé à la Présidence et chargé de gérer les domaines aussi stratégiques que le budget et les projets d`infrastructures ». Toujours selon la LC, aucun dossier n`échapperait à ce Français, Philippe Serey-Eiffel, autrefois directeur des grands travaux sous Houphouët-Boigny, dont « les prérogatives font de lui un vice-président chargé des Finances ». D`autres experts faisant le même travail dans d`autres domaines sont également à la tâche. Ce qui ne plairait pas à des ministres qui auraient souhaité un relâchement de la pression et pourquoi pas… de la bourse.
Y.DOUMBIA
L’Inter
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