Au cours des échanges sur les items d’un partenariat fructueux entre les médias et la Banque mondiale, quatre contraintes majeures ont été définies pour une efficacité de la presse comme acteur du développement. Il s’agit de la défense permanente de la déontologie et de l’éthique journalistique ; du renforcement des capacités et d’une aide pour une meilleure gestion des entreprises de presse et audiovisuelle ; de l’adaptation efficiente aux technologies et de la facilitation de l’accès au capital. Le tout devant aboutir à une meilleure interprétation de la croissance économique par les médias au profit des citoyens, en synthétisant les données telles qu’édicté par le contenu de la Stratégie de la Banque mondiale pour l’Afrique. Lequel vise à booster la compétitivité et l’emploi, à vaincre la vulnérabilité et instaurer, durablement, la gouvernance par, notamment la diffusion des savoirs par les médias, en l’occurrence.
Aussi, l’indépendance des médias est-elle perçue comme le levier à une telle posture ; posture qui ne saurait être opératoire par une quelconque instrumentalisation, politique surtout.
Etablissant un check-up de l’état de la presse en Côte d’Ivoire, Emmanuel Noubissié de la Banque mondiale estime qu’elle a servi, à certains moments, «de lubrifiant à la crise sociopolitique». Comment s’en affranchir ? Pourquoi la presse ivoirienne est-elle une presse d’opinion ?
La grille de lecture est passée de 6 à 21 points
Zio Moussa, président de l’Observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et de la déontologie (Olped) y répond, tout en opposant un bémol. En effet, à l’en croire, les journalistes ivoiriens ont déjà fourni la preuve de leur responsabilité, en créant en 1995, leur propre «tribunal moral et d’honneur», leur instance d’autorégulation. Le 2e du genre dans l’aire francophone, après le Canada. Et qui a servi de modèle original à maints d’homologues de par le monde Aussi, souligne-t-il qu’ «en 16 ans, d’existence, ce sont plus de 4000 décisions qui ont été prises par l’Observatoire, épinglant les fautes et manquements des journaux». Mieux, Zio Moussa fait savoir qu’entre-temps, la grille de lecture est passée, pendant la même période, de 6 points à 21. Se félicitant de l’initiative d’un partenariat entre la Banque mondiale et l’Unjci, le président de l’Olped dénonce le manque de financement (et donc d’intérêt) de la part de l’Etat à l’instance d’autorégulation. «L’Etat n’a jamais donné d’argent à l’Olped». Or, fait-il remarquer, «l’Olped n’a pas le droit de recevoir d’argent des opérateurs privés, au risque de se voir confronté à des conflits d’intérêts dans la gestion du monitoring».
En tout état de cause, il serait faux, selon les panélistes, d’affirmer que «la société ivoirienne a la presse qu’elle mérite», dixit Abdoulaye Sangaré, conseiller spécial du ministre de la Communication. Zio Moussa en veut pour preuve que sous le parti unique, Fraternité Matin, en situation de quasi-monopole, en 1985, tirait jusqu’à 120 000 exemplaires/jour, alors qu’en 2011, avec plus de 30 titres dans une diversité d’opinions, les journaux ivoiriens n’arrivent pas à atteindre 250 000 exemplaires.
30 sur 178 journaux ont survécu à la tempête
Notant au passage qu’en 1996 le paysage médiatique de la presse imprimée en Côte d’Ivoire avait atteint le chiffre record de 178 titres.
Pour Emmanuel Noubissié, c’est le résultat d’un écrémage qualitatif qu’il nomme «darwinisme de la presse ivoirienne».
Si la Banque mondiale et les journalistes ivoiriens eux-mêmes, reconnaissent le bond qualitatif médiatique ivoirien, il revient que l’environnement économique des médias est quelque peu fébrile. Notamment au niveau du traitement financier des acteurs. Alors que tous les instruments légaux plaident pour le contraire. A l’instar de l’application non effective de la Convention collective au profit des agents alors que l’Etat a joué sa partition en instaurant un Fonds de soutien et de développement de la presse et des mesures de déréglementation fiscale, entre autres mesures.
Image ternie
Cette situation ne saurait justifier l’émergence d’une race de journalistes à la moralité douteuse et une autre d’exercice fictif que le jargon local a baptisé «Rats». Serait-ce un d’entre eux, qui, en plein atelier au sein de la Banque mondiale, hier, a eu le toupet de subtiliser l’ordinateur portable de la consoeur Fathym Camara, rédactrice en chef de la radio Jam Fm ? En tout cas, du président de l’Unjci, Mam Camara, à Agnès Kraidy, responsable de la formation à Fraternité Matin, en passant par Samba Koné, président du Réseau des instances africaines d’autorégulation des médias (Riaam), toute la presse ivoirienne avait le profil bas, au sortir de cette rencontre censée aider la presse ivoirienne dans sa quête permanente de professionnalisme et d’honorabilité. Ce qui a fait dire, sous cape, à un fonctionnaire international (ancien journaliste): «Je pensais que des journalistes ne se livraient seulement qu’à la mendicité, mais là, je constate qu’ils sont aussi des voleurs».
Rémi Coulibaly
fratmat.info
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