Confrontés au vide juridique qui rend impossible la comparution de Laurent Gbagbo devant la justice ivoirienne en raison de son statut, la France et Ouattara veulent coûte que coûte le traduire devant la Cour pénale internationale (Cpi). Mais la manœuvre est risquée pour eux.
Comment éloigner définitivement le président Laurent Gbagbo de la scène politique pour avoir le sommeil tranquille ? C’est l’épineuse question qui préoccupe de plus en plus la France et Ouattara pour qui la détention abusive de celui-ci et des ses proches constitue une source de gêne sans cesse croissante, au fur et à mesure que le temps passe. L’équation est d’autant plus ardue pour le colonisateur et ses représentants locaux qu’ils sont confrontés au vide juridictionnel qui rend impossible la comparution de Laurent Gbagbo devant la justice ivoirienne en raison de son statut d’ancien chef d’Etat. En effet, il a été démontré à maintes reprises que la victime du coup d’Etat par lequel la France a installé Ouattara au pouvoir le 11 avril 2011 ne peut être jugée en Côte d’Ivoire. Pour le simple fait que la Haute cour de justice, seule instance habilitée à juger les anciens chefs d’Etat, en vertu de la Constitution ivoirienne, n’existe pas encore. Certes, cela n’a pas empêché le pouvoir de le faire inculper pour ‘’pillage, vol aggravé et atteinte à l’économie nationale’’. Mais tout porte à croire que cette mise en scène par laquelle les nouveaux maîtres des lieux ont curieusement abandonné les accusations de crimes contre l’humanité, en particulier les crimes de sang qui sont reprochés au président Gbagbo, n’a été échafaudé que pour échapper aux critiques qui dénonçaient la détention prolongée de celui-ci de façon illégale car les raisons de son emprisonnement ne lui avait pas encore été signifiées.
Les crimes des «forces pro Ouattara», un os dans la gorge…
Pour le pouvoir, Laurent Gbagbo, même jugé et condamné à une peine de prison en Côte d’Ivoire, continuera d’être une source d’insomnie pour ses geôliers qui, à vrai dire, ne voient pas la Maca comme la solution au « cas » Gbagbo. Cependant, il fallait trouver des chefs d’accusation pour meubler le décor, en attendant une « solution durable ». Et la solution qui apparaît comme définitive est la condamnation à vie de Laurent Gbagbo par la Cour pénale internationale(Cpi). Mais, manque de pot pour les persécuteurs qui veulent livrer leur victime à l’inquisition, il se trouve, ironie du sort, que cette « solution » représente en fait un gros « problème » pour Ouattara et ses ex-rebelles. En effet, les « forces pro Ouattara » dites aujourd’hui Frci se sont rendus coupables de crime de guerre pendant la crise post-électorale, notamment à Duékoué où les hommes de Ouattara ont pait près d’un millier de morts. Ces atrocités ont été mentionnées dans le rapport de l’Onu qui indique à ce sujet que « des crimes ont été commis des deux côtés » et confirmées par les Ong des Droits de l’Homme. Lesquelles ont dénoncé l’ampleur des « crimes de guerre » perpétrés à l’Ouest par les chefs de guerre de Ouattara et leurs hordes de rebelles. Aussi, Luis Moreno Ocampo, procureur de la Cpi, bien que saisi du dossier ivoirien à la demande de Ouattara dans un courrier daté du 3 mais 2011, entend-il se pencher, sans exclusive, sur les cas de toutes « les victimes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient été commis en Côte d’Ivoire. ». Il va sans dire que l’équation est loin d’être simple pour l’actuel locataire du palais et ses alliés occidentaux, pour ne pas dire la France qui a renversé Laurent Gbagbo par un putsch.
Le génocide de Duékoué, un boulet au pied de Ouattara
Car, il est clair que si la Cpi devait juger les parties au conflit de façon équitable, Ouattara devrait précéder le président Gbagbo à la barre, pour s’expliquer sur les crimes et les génocides dont ses chefs de guerre sont les auteurs avérés. S’il est reproché aux « miliciens et mercenaires loyaux à Gbagbo » d’avoir tué « plusieurs Dioulas », le rapport de mai 2011 d’Amnesty international sur la crise postélectorale, pour ne retenir que les crimes qui ont été commis après novembre 2010, est sans appel pour les « Forces pro Ouattara » qui ont été baptisées Forces républicaine de Côte d’Ivoire (Frci), par une ordonnance signée de Ouattara le 17 mars 2011. Ledit rapport indique clairement que « Dès la matinée du 29 mars 2011, les Frci, accompagnés par les Dozo ont totalement pris le contrôle de Duékoué et, dans les heures et les jours qui ont suivi, des centaines de personnes appartenant à l’ethnie Guéré ont été assassinées délibérément et de manière systématique, à Duékoué et dans certains villages environnants, uniquement en raison de leur appartenance ethnique. » Interpelés sur ces crimes de guerre les porte-parole et autres responsables civile et militaires de l’ex-rébellion se sont mutuellement montrés du doigt. Accablé par la question, Ouattara a regardé en direction de Soro, Secrétaire général des ex-rebelles ou encore « Forces nouvelles ». Lequel a lorgné à son tour ses chefs de guerre qui se sont mis à gesticuler. Ces tentatives de se disculper à chaque niveau en s’accusant mutuellement ne font que confirmer les horreurs perpétrées par les hommes de Ouattara. Elles reconstituent simplement la chaîne des responsabilités du pouvoir actuel dans les crimes susmentionnés.
Que de crimes commis (depuis 2002) par les ex-rebelles de Ouattara
Des crimes qui ne sauraient rester impunis. Des crimes qui remontent à 2002, à partir du coup d’Etat du 19 septembre qui s’est mué en rébellion. Certes la Cpi veut passer sous silence les atrocités commis par les rebelles de Ouattara avant novembre 2010. Dans le but, certainement de ne pas prendre en compte les crimes antérieurs, dont le massacre d’innocents aux mains nues par l’armée française devant l’hôtel Ivoire en novembre 2004. Mais il n’est pas vain de rappeler ce qui fait désormais partie de l’histoire la Côte d’Ivoire. On ne peut pas oublier les gendarmes qui ont été égorgés et exterminés avec leurs familles par les rebelles à Bouaké, en octobre 2002. Et dont le sang encore chaud a été utilisé et « bu »pour des cérémonies rituelles censées « blinder mystiquement » les rebelles, si l’on en croit des vidéos que les rebelles-eux mêmes ont fièrement exhibées. Le souvenir du charnier constitué par les hommes de Guillaume Soro à Monoko Zohi, à 60 km au sud-ouest de Vavoua, ne s’effacera pas de pas de si tôt. Le chef rebelle Zacharia Koné, qui tenait en son temps cette zone, ne s’est pas encore expliqué sur cette découverte macabre faite le jeudi 6 décembre 2002 à Monoko Zohi. On se souviendra toujours que, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2005, une bande de rebelles armés a fait irruption dans les villages de Guitrozon et de Petit- Duékoué (à l’entrée de la ville de Duékoué) et ont tué plus d’une quarantaine de personnes qui dormaient paisiblement. Des femmes, des enfants et des vieillards atrocement mutilés, égorgés, découpés à la machette par les rebelles et gisant dans leur sang. Duékoué, ville martyre où la rébellion sème la désolation, depuis une décennie entière. Autant de crimes gênants pour la France et Ouattara qui craignent d’avoir à subir le revers de leur propre médaille. Car, des crimes ayant été commis par « les deux camps », comme le mentionnent la Division des Droits de l’Homme de l’Onu et les Ong des Droits de l’Homme, la Cpi ne peut pas délibérément opter de poursuivre Laurent Gbagbo seul. Ouattara, Soro et leurs collaborateurs, les chefs de guerre et les Dozos seront aussi appelés à la barre, le jour du procès, pour répondre de leurs crimes de sang.
K.Kouassi Maurice
Notre Voie
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