Les Ivoiriens réfugiés au Togo vivent la peur au ventre, depuis quelques jours, suite à des rumeurs qui leur attribuent l’assassinat supposé d’un ressortissant togolais. Mais de plus en plus, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés est en train de les lâcher.
Les réfugiés ivoiriens au Togo craignent pour leur vie. Ils sont animés par ce sentiment depuis la diffusion d’informations par les médias locaux, au lendemain des évènements des 13 et 14 août derniers qui les ont opposés aux Togolais sur le site Tropicana d’Avépozo où le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) leur a construit un camp d’hébergement de fortune. Des informations faisant notamment état de ce que les réfugiés ivoiriens auraient battu à mort l’émissaire d’un chef de quartier qui leur demandait de réduire le volume de la musique qu’ils écoutaient afin de tenir une réunion avec sa communauté. Aujourd’hui, au dire des Ivoiriens qui ont trouvé un asile au Togo, certaines personnes ont volontairement entretenu de telles rumeurs malveillantes afin que les populations togolaises qui ont accueilli les réfugiés ivoiriens les tiennent en aversion. Parce qu’à la vérité, le meurtre supposé du Togolais par les Ivoiriens n’est que pure rumeur.
Plusieurs Ivoiriens agressés à Lomé
“Nous avons malheureusement vécu, les 13 et 14 août, des évènements dont le récit nous écœure tous aujourd’hui. Tout ce qui est raconté est faux. Aucun Togolais n’est mort dans les affrontements entre Ivoiriens et Togolais. Et nous déplorons surtout le fait que les autorités de ce pays ne font toujours rien pour rétablir la vérité. Ce qui nous met dans une situation de danger permanent sur le sol togolais. On ne peut plus circuler librement de peur d’être agressé”, soutient un réfugié ivoirien rencontré sur le site Tropicana d’Avépozo quelques jours après les incidents entre les Togolais et leurs frères ivoiriens. Il explique que toute la communauté ivoirienne est scandalisée par la tournure que prennent les choses parce que les victimes de ces affrontements ne sont autres que des Ivoiriens dont le plus gravement atteint est connu sous le pseudonyme de Makenzi. “Le dimanche 13 août, nous étions tranquillement assis dans un bistrot en train de prendre un pot avec des amis togolais, non loin de nos dortoirs sur le site, lorsqu’un Togolais est venu nous demander de diminuer le volume de notre musique. Ce à quoi un autre Togolais s’est opposé en nous demandant de l’ignorer puisque son compatriote n’était pas, comme nous, un client du bistrot. Mais l’homme qui ne semblait pas apprécier la réponse de son compatriote le lui a fait savoir vivement. Et une dispute a éclaté entre les deux hommes. Makenzi s’est levé pour les séparer. C’est là qu’il a reçu un coup de machette à la tête. Le Togolais qu’on prétend mort est bien vivant. C’est ensemble avec ses frères qu’il vient ici nous menacer. C’est cela, la vérité”, raconte un autre Ivoirien rencontré sur le site. Notre interlocuteur affirme que les autres Ivoiriens qui ont vu la méchanceté avec laquelle leur compatriote a été traité, ont clamé les Togolais qui s’affrontaient et ont désarmé l’agresseur. Cela ne s’est pas fait sans difficulté puisque le forcené a blessé beaucoup d’autres Ivoiriens avant d’être maîtrisé. “Je pense que c’est ce que les Togolais qui étaient présents ont vu et ils ont raconté partout que leur compatriote qui est resté un moment à terre, était mort. Or entretemps, il s’est relevé. Ses compatriotes sont allés dire dans le village avoisinant le site et à tous les Togolais que nous avons tué un des leurs”, ajoute un autre réfugié ivoirien. Avant d’ajouter que pendant que cette rumeur s’amplifiait, les riverains du site Tropicana d’Avépozo ont décidé de se venger. Ils étaient armés de machettes et de gourdins pour s’en prendre aux Ivoiriens, toute la nuit. Le site d’Avépozo, par endroits, n’est pas éclairé. La route qui va de l’entrée du camp aux dortoirs n’est plongée dans l’obscurité. Les Togolais ont donc profité de cela pour agresser impunément tous ceux qui sortaient des dortoirs ou qui rentraient sur le site. Cette nuit-là, la communauté des réfugiés ivoiriens a enregistré une dizaine de blessés.
Le lendemain des faits, après que dans la nuit ceux des Ivoiriens qui gèrent les réfugiés du site ont entrepris des démarches auprès des autorités administratives et coutumières de la région du Golfe, les réfugiés ivoiriens vont encore être l’objet d’autres attaques de plusieurs groupes de jeunes togolais. Cette fois-ci, racontent les réfugiés, au vu et au su des forces de l’ordre en faction sur le site. “C’est pour cela que nos responsables du comité de gestion du site, face aux dangers qui nous guettent, nous ont interdit de sortir de nos dortoirs, une fois la nuit tombée. Et à ceux d’entre nous qui seraient entretemps en ville, d’y rester”, rappelle un habitant du camp d’Avépozo situé sur la route du Bénin.
Avépozo, la face cachée de l’iceberg
Depuis ces évènements, les réfugiés ivoiriens vivent dans la psychose. “Nous disons que puisque notre sécurité ne peut pas être garantie par les policiers et gendarmes togolais, le mieux pour nous, c’est que nous puissions quitter le Togo pour aller dans un pays où on pourrait nous garantir notre sécurité”, dit un réfugié ivoirien. Comme lui, de nombreux autres réfugiés estiment que les évènements d’Avépozo sont la face cachée de l’iceberg de leurs difficultés au Togo. En effet, depuis quelques jours, l’UNHCR, le partenaire humanitaire, a décidé, pour la seconde fois, de l’arrêt subit de son assistance à l’endroit des 7.000 réfugiés ivoiriens. C’est ainsi que le 18 août dernier, il a été mis fin à l’aide au logement dont ne bénéficiaient que ceux qui en connaissaient l’existence. L’UNHCR n’ayant jamais communiqué sur cet appui financier aux réfugiés qui n’ont pas eu la chance d’être logés dans le camp faute de places. Selon un responsable de l’organisme spécialisé des Nations unies au Togo rencontré à l’UNHCR à Super Taco (Lomé), l’assistance aux réfugiés ivoiriens n’était utile que pendant la période d’urgence. “Cette période d’urgence a pris fin”, a-t-il indiqué. Il a surtout expliqué que les réfugiés ivoiriens, notamment les plus jeunes et certains adultes, revendiquent quelque peu trop leur droit à la mendicité. A l’en croire, ces Ivoiriens demandent à être assistés au lieu de se retrousser les manches pour aller travailler. Pour ce responsable de l’UNHCR au Togo, les réfugiés ivoiriens pourraient plutôt chercher du travail au lieu de lutter l’assistance avec les femmes enceintes, les femmes allaitantes et les vieilles personnes. “C’est pour orienter les jeunes vers le travail que nous avons interrompu toute notre assistance de sorte que uniquement les vieilles personnes, les femmes enceintes et les femmes qui vivent seules avec des enfants que l’UNHCR soient désormais assistées”, nous confiait, il y a quelques jours, un responsable de l’UNHCR chargé des Programmes. Peu importent donc les conséquences qu’une telle mesure sur des populations aussi vulnérables que celles des réfugiés ivoiriens au Togo. Essentiellement composées de jeunes filles et de jeunes gens qui se sont retrouvés au Togo du fait de l’instabilité en Côte d’Ivoire.
Koukougnon Zabril
Envoyé spécial à Lomé
Notre Voie
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