Gbagbo-Kadhafi, même combat et même sort ? Abidjan-Tripoli, même destinée ? La question se pose au vu des circonstances qui ont abouti à la déchéance manu militari de deux leaders africains au nationalisme exacerbé affiché pour l’un et affirmé pour l’autre. Il est sans doute facile et vite établi un lien entre la volonté des Occidentaux de perpétuer leur domination morbide en Afrique et les interventions presque unilatérales qu’elles ont conduites en Côte d’Ivoire et en Libye sous le couvert de résolutions des Nations unies qu’ils ne se sont pas privés de violer pour arriver à leurs fins.
Alors, oui c’est vrai, il existe bien des similitudes entre ce qui est en train de se nouer tant dans l’un que dans l’autre des deux pays.
A l’échelle de l’importance de chacun des pays certes, mais aussi à l’aulne de l’histoire, Laurent Koudou Gbagbo et Mouammar Kadhafi auront fait leurs preuves. De la « résistance » xénophobe de l’un se distinguait le panafricanisme très calculateur de l’autre, doublé d’une longue tradition de rejet des puissances occidentales. L’un et l’autre finissant par apparaître comme d’authentiques défenseurs du droit des peuples noirs à l’autodétermination. C’est à croire ou à en douter. Mais ce qui dans de larges mesures, vient corroborer cette thèse aux yeux des Africains si malades de leurs faiblesses, de leurs incapacités et de leurs inconnaissances, c’est bien l’arrogance avec laquelle cette fameuse communauté internationale prétend apporter des solutions aux maux de l’Afrique. Dans le mépris le plus royal des institutions et des dirigeants africains qui, il faut bien le reconnaître, n’ont rien fait pour mériter un traitement différencié. Bien au contraire.
Mais les similitudes Gbagbo-Kadhafi ne s’arrêtent pas à ces questions discutables du nationalisme et des interventions extérieures. Elles touchent avant tout leurs personnalités propres, leur approche de la lutte pour le maintien au pouvoir et aussi au sort qui leur est réservé maintenant que la chute définitive de leurs régimes respectifs est acquise. Peut-être faut-il commencer par croire que sur la fin, tous les régimes confrontés à une insurrection armée sont les mêmes. En effet, la résistance acharnée que livre le Guide par ses discours galvaniseurs alors même que le sort de son régime est scellé, a un écho de déjà entendu, notamment à Abidjan. Sauf que Laurent Gbagbo n’a pas eu les moyens de livrer aussi longuement bataille qu’ont pu le faire le Colonel et ses partisans.
D’un autre point de, il y a des chances (ou des risques, c’est selon) que les insurgés libyens finissent par mettre la main sur l’ex-Guide Mouammar Kadhafi. Dès lors, comme en terre ivoirienne, et selon les desiderata d’une communauté internationale en mal de crédibilité et soucieuse de donner une image de respectabilité, tout sera mis en œuvre pour que le leader libyen ne soit pas sommairement tué, mais puisse bénéficier d’un procès « équitable » dont il faudra encore s’assurer qu’il n’aura pas d’équitable que le nom. Car, à entendre les adversaires du colonel l’affubler de noms d’oiseaux tous plus diaboliques les uns que les autres (comme il a pu le faire à leur encontre lui-même), il y a de quoi frémir à l’idée de ce que son avenir proche ne soit semblable à celui d’un Saddam Hussein déchu, jugé, condamné à mort et exécuté sans que la communauté internationale ne lève le ton pour rappeler son attachement au respect du caractère sacré de la vie humaine. Caractère sacré de la vie qui a par ailleurs justifié les interventions en Côte d’Ivoire et en Libye sous le couvert de la « responsabilité de protéger », mais caractère d’apparence très sélective en fonction des intérêts du moment, des ressources de l’Etat ou de la position stratégique que tient ce dernier dans la lecture géopolitique de telle ou telle région du monde.
Les deux pays, au sortir de la guerre n’auront en tout cas pas le même destin. Il est évident que la question de la réconciliation des communautés ethniques risque de se poser avec autant d’acuité dans les deux pays, mais sur le sort définitif de l’un et de l’autre que demeurent des incertitudes pour le pays du Guide. Car comme c’est bien souvent le cas dans ce type de conflit, une fois l’ennemi commun vaincu, les divergences ne vont pas tarder à apparaître au sein de la coalition disparate des insurgés. Et alors, triste sort… que celui de ce pays qu’il aura bien contribué à bâtir, mais ont Mouammar Kadhafi aura autant provoqué la déliquescence par son acharnement à refuser à son peuple le droit à un peu de liberté.
James-William GBAGUIDI
Journal LA NOUVELLE TRIBUNE 31/08/11
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