31 août 2011 (Nouvelle Solidarité) – Lors d’une prise de parole devant des étudiants au Soudan où il est envoyé comme médiateur pour l’Organisation de l’unité africaine (OUA), l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki n’a pas hésité à affirmer que l’OTAN trompe son monde quand il prétend que l’intervention militaire en Libye était exclusivement motivée par une volonté de protéger « les populations civiles ».
Les pays qui participent à l’opération de l’OTAN « étaient et sont engagés à provoquer un changement de régime » . D’ailleurs, a rappelé Mbeki, une semaine avant le vote au Conseil de sécurité des Nations unies en faveur de la création d’une zone d’exclusion aérienne en Libye, la résolution du Conseil de sécurité et de paix de l’OUA sur la Libye, après son adoption par cette dernière, fut transmise à l’ONU. « Ils [les pays membres de l’OTAN] ont décidé de l’ignorer et ont avancé leurs propres solutions, et c’est pour cela que nous sommes dans le chaos actuel. »
Mbeki a souligné que la résolution de l’OUA fut également transmise au gouvernement libyen qui en avait accepté les conditions. Cependant, quand le moment arriva où les médiateurs de la paix, issus de cinq pays, devaient se rendre sur place, ils ne le pouvaient plus : « la zone d’exclusion aérienne était déjà en application et les médiateurs de la paix ne pouvaient plus se rendre en Libye. »
Mbeki a également déclaré que la situation en Côte d’Ivoire était très semblable. Dans ce cas, le Président Gbagbo avait accepté les décisions de l’OUA et était prêt à se retirer. Cependant, lorsque l’OUA a informé l’ONU qu’une équipe de médiateurs allait se rendre sur place pour mettre les résolutions en application, ils furent également empêchés.
Mbeki a souligné que le Groupe international de crise (ICG), qu’on aurait bien du mal à accuser « d’une quelconque sympathie pour Kadhafi », avait constaté que les rebelles libyens faisaient dès le début preuve « d’un aspect violent », et que l’idée que Kadhafi allait froidement massacrer des milliers de manifestants pacifiques n’était que le résultat d’une vision occidentale biaisée.
La « victoire » des rebelles libyens aujourd’hui n’est pas tellement le fruit de leurs propres agissements. On observe surtout une vaste mise en scène destinée à camoufler la guerre totale menée par des forces spéciales françaises, britanniques et américaines sur le sol libyen.
Obama risque la destitution pour avoir menti en affirmant qu’il n’aurait aucun engagement terrestre en Libye. Envoyer des « instructeurs », déguiser des militaires en civils ou déployer des sociétés militaires privées (mercenaires) pour faire le sale boulot, doit nous faire croire qu’il n’y pas eu d’engagement terrestre des forces de l’OTAN. Pourtant, tout le monde sait que des hommes sur place ont permis de désigner les cibles des attaques. Les satellites ont fourni les renseignements aux rebelles et des milliers de bombes ont été larguées sur le pays. Les Etats-Unis ont fourni un appui aérien considérable et des officiers pour diriger les opérations de l’OTAN.
Un article du Washington Post reconnaît que « des forces spéciales britanniques, françaises et qataries opèrent sur le sol libyen depuis longtemps et ont aidé les rebelles a développer et coordonner une stratégie de la tenaille ». Des forces jordaniennes ont également été de la partie, nous disent d’autres sources.
Pour certains, la résolution 1970 de l’ONU, permettant la protection des populations civiles, a été violée. D’autres soulignent que cette résolution, écrite par Alain Juppé et les Britanniques, en incluant la phrase « par tous les moyens » , permettait en réalité de lancer une guerre totale.
En effet, la résolution 1970 du 26 février 2011 « autorise les États Membres qui ont adressé au Secrétaire général une notification à cet effet et agissent à titre national ou dans le cadre d’organismes ou d’arrangements régionaux et en coopération avec le Secrétaire général, à prendre toutes mesures nécessaires, nonobstant le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011), pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen (…) ».
C’est évidemment l’élasticité du terme « toutes mesures nécessaires » qui fait de cette résolution un chef-d’œuvre de la littérature orwellienne.
On peut néanmoins clairement établir que les résolutions 1970 et 1973 n’autorisent aucunement de soutenir des factions rebelles pour renverser le gouvernement, ni d’armer une faction ou de bombarder le pays à cet effet.
De son coté, le vice président sud-africain Kgalema Motlanthe a demandé le 24 août à la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête sur de possibles violations des droits de l’homme perpétuées par l’OTAN en Libye. Répondant à une question au Parlement de son pays, Motlanthe a souligné le rôle proéminent de l’OTAN dans la direction de la guerre : « Nous constatons que l’OTAN essaye de créer l’impression que les rebelles agissent par eux-mêmes dans les attaques contre Tripoli alors qu’il existe des liens clairs et une coordination à ce niveau. »
Le 23 août, le démocrate progressiste de l’Ohio Dennis Kucinich a dénoncé lui aussi avec véhémence le caractère illégal de cette guerre :
« Les rebelles libyens sont entrés dans Tripoli. Alors que des tirs éclatent dans la ville, le moment est venu de discuter sur comment les rebelles sont arrivés sur place. Le moment est venu d’examiner le rôle curieux de l’OTAN et le futur de l’interventionnisme américain. »
« Un règlement négocié du conflit libyen a été délibérément empêché depuis des mois, alors que l’OTAN, en violation des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, s’est engagé illégalement dans une politique de changement de régime. L’OTAN a pris parti et est intervenue dans une guerre civile et elle a mobilisé son aviation pour des rebelles qui, sans les attaques de l’OTAN, n’auraient pas pu réussir.
« L’OTAN a agi dans l’impunité. Le commandement de l’OTAN, pour « sauver des populations civiles », les a froidement bombardé. Usurpant le rôle traditionnel de l’ONU, l’OTAN a regarde de l’autre coté quand l’embargo sur les armes a été violé par des pays membres de l’ONU.
« Le haut commandement de l’OTAN a agi au nom du droit international. Pourtant, ils ne peuvent pas s’y soustraire. Si les membres du régime Kadhafi auront des comptes à rendre, le haut commandement de l’OTAN devra également rendre des comptes pour les morts provoqués par les bombardements. Sinon, nous aurons assisté au triomphe d’un nouveau gangstérisme international. »
Pour conclure, disons haut et fort que toutes ces actions ont été faites en violation totale de l’article I, section 8 de la Constitution américaine, qui stipule que seul le Congrès peut décider les engagements de guerre. Alors que Sarkozy s’est présenté devant le Parlement pour faire avaliser son crime, Obama, qui continue à prétendre qu’il s’agit d’une simple opération humanitaire, persiste à vouloir se soustraire à tout vote au Congrès, alors que la loi exige l’approbation du Congrès pour toute opération de cette nature au-delà des 60 premiers jours.
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