DOSSIER – Tariq Ramadan aux Ivoiriens « Vous n’avez pas de dette à l’ancien colonisateur ni aux nouveaux collaborateurs »

Côte d’Ivoire – DOSSIER par l’Intelligent d’Abidjan

Vous ne devez rien à la France

S’il y a un pays qui a une dette à rendre à ce que vous avez fait en Afrique, à la force de travail que vous avez été, aux richesses que vous avez données, aux richesses minières que vous avez, tous les pays européens, la France au premier chef, peut vous remercier. Vous avez contribué à sa richesse et que vous n’êtes pas en dette. Il faut que le Président des Ivoiriens dise l’autonomie de la nation ivoirienne. Il faut qu’Alassane Ouattara entende du fond de ma fraternité, de frère en humanité et devant Dieu que ce qu’il faut faire entendre au monde est que vous n’êtes en dette de rien, vous êtes autonomes, libres, une nation d’hommes et de femmes debout, unis devant leur destin et décidés aujourd’hui à se réconcilier, à aller vers la paix. Pas de dette à l’ancien colonisateur ni aux nouveaux collaborateurs, juste des relations d’égalité, de fraternité sur un plan d’égalité dans l’autonomie et la dignité. J’aimerais terminer par ce qu’il faut entendre que vous soyez libres de toute dépendance et que vous vous présentiez aujourd’hui et pour demain comme une nation debout, une nation d’hommes et de femmes qui ont entendu ce message de l’intérieur. Ce n’est pas de l’intérieur que vous devez être dignes et fiers de ce que vous êtes, d’être décidés d’être réformes personnellement pour réformer la société. Que votre cœur reste ouvert parce que j’aime ce pays et les Ivoiriens. Invité des Imams de

Tariq Ramadan pose les conditions d’une réconciliation complète

‘’Ne fermez pas vos cœurs, Ouattara ne doit rien à la France, Gbagbo aura la rédemption dans la justice, dire non à la guerre, et à la mort de tout être humain…’’
Le Professeur Tariq Ramadan est engagé dans le débat concernant l’Islam en Occident et dans le monde. Il se signale aujourd’hui comme l’un des artisans du renouveau et du rayonnement de la pensée islamique en Occident. Après sa brillante intervention sur « L’Islam et les défis actuels » animée lors du Mega Quadr qui s’est déroulé au Palais de la culture le 05 septembre 2010, Tariq Ramadan est revenu cette année à l’invitation du COSIM (Conseil supérieur des imams). Au cours de sa conférence dans la nuit du vendredi au samedi 27 août 2011sur le thème Nuit d’Al Quadr (nuit de la détermination), nuit de paix et de réconciliation, Tariq Ramadan a résumé ses propositions pour une réconciliation vraie en Côte d’Ivoire autour de cinq axes essentiels. Il a lancé des messages forts sur la justice, l’indépendance de la Côte d’Ivoire et la responsabilité du Président Ouattara dans le processus de reconstruction. Voici l’intégralité de sa conférence.
« Après la participation au Méga Quadr 2010, nous voici réunis en 2011 (…) J’aime rappeler parce que je fais souvent la critique des médias qui ne nous aident pas toujours quand le monde va mal. Il faut savoir saluer les médias quand ils donnent du temps à une parole qui veut que le monde aille mieux. Il faut saluer la conscience des journalistes et les autorités de tout ce qui concerne la couverture médiatique et les moyens de communication quand ils prennent le temps, offrent le temps à leurs populations de leur faire entendre une parole qui est une parole d’édification et non pas simplement la couverture des catastrophes à travers le monde. C’est pour cela que j’aimerais les saluer. Je ne suis pas grand-chose contrairement à tout ce qui vous a été dit. Devant Dieu, finalement tous ces titres, tous ces livres, tous ces écrits ne sont rien. Un jour ou l’autre, je me retrouverai comme chacun d’entre nous seul devant Dieu pour rendre des comptes. Réfléchissons au thème de cette soirée. Celui de la Paix et de la réconciliation. J’aimerais inverser les termes du sujet pour le rendre plus profond et plus clair. Et ce, dans le sens exactement de ce qu’a dit le Cheick Fofana dans son introduction. Ce qu’il faut donc comprendre, c’est que cette nuit est une nuit de paix et que la réconciliation est une condition de la paix. En d’autres termes, ce n’est pas « paix et réconciliation » mais en termes de conditions de la paix, se poser la question de savoir ce qu’il faut faire pour la réconciliation perçue comme la condition ultime de la paix. Et quand il a été récité le chapitre de “Layla-tul-Quadr“ (Nuit de la détermination) qui vaut plus que mille mois, est-ce que nous comprenons sa valeur particulière ? C’est une nuit qui va jusqu’avant l’aube mais elle a spirituellement une densité qui vaut plus que mille mois. Elle est courte en heure mais profonde en spiritualité, en densité du sens de la vie. Ce qui la qualifie, c’est le dernier verset en vertu duquel Allah nous dit : « Paix jusqu’à l’aube ». Quand on comprend ce verset, on constate que la paix est l’objectif essentiel de notre religion et de toutes les autres religions du monde. Que ce soit les religions monothéistes : le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam ; que ce soit l’Hindouisme qui a précédé le Bouddhisme ; que ce soit toutes les traditions orientales, toutes les traditions du monde nous demandent de chercher la paix. Nous n’avons pas la paix facilement car, elle est exigeante et demande un engagement. Nous sommes naturellement en conflit, et la paix il faut la chercher, la construire et s’y engager. La vie du Prophète Mohammed est totalement basée sur cette quête de paix. Chaque fois qu’il l’a pu, il a choisi la paix et couvert les gens. Il a toujours cherché la protection dans la paix ; il n’a dû faire face à la guerre que dans d’extrêmes conditions qu’il ne voulait pas ; il n’a pas voulu être réprimé par les Koraich (la tribu du Prophète à la Mecque) ; il n’a pas voulu qu’on le sorte de la Mecque et qu’on l’empêche de parler mais on lui a imposé la résistance. Alors qu’il voulait la paix de la révélation. Allah nous dit dans le Coran : «Entrez dans la paix de tout votre être». C’est-à-dire que nous devons entrer dans la paix de toute la dimension de notre être. Le cœur, le corps, l’esprit tous doivent entrer dans leur paix. Tout ce que vous êtes, tout ce à quoi vous pensez, donnez un chemin de votre être vers la paix. C’est le message de l’Islam qui est la paix. Dans le don de soi et dans la reconnaissance d’Allah, il y a la quête de paix. Etre en paix avec Dieu pour être en paix avec soi même ; être avec soi même pour être avec la création ; être en paix avec la création pour être en paix avec les êtres humains et la nature. Le message de paix est ce qui est à l’intérieur de notre cœur et que nous devons comprendre. Alors quelles sont les conditions de cette paix ? Et comment devons-nous le faire ?

Première condition : La réconciliation spirituelle intime : faire la paix avec soi-même

Faire la paix avec soi-même, se réconcilier avec soi-même est une condition sine qua non. Ces millions de téléspectateurs, ces milliers de spectateurs qui nous regardent en ce moment ainsi que moi-même qui parle, devons savoir que tout commence par la réconciliation personnelle. Il y a des choses que nous avons dans notre intérieur qui nous troublent et qu’on n’aimerait pas que le voisin sache. C’est dire que nous ne sommes pas toujours beaux à l’intérieur. Voici pourquoi la réconciliation doit être d’abord personnelle, spirituelle. Il est donc impérieux de se réconcilier avec soi-même pour parvenir à la paix intérieure. Par ailleurs, cette réconciliation se signale comme un voyage spirituel à l’intérieur de notre cœur. Nous trouvons dans le Coran, une formule qui est très simple et qui s’adresse au monde entier et au-delà de cette nuit, dans le destin de chaque femme et chaque homme. « Et l’âme comme Il l’a créée. Il lui a inspiré le bien comme Il lui a inspiré le mal. Heureux celui ou celle qui l’a purifiée ; perdu, égaré est celui ou celle qui la corrompt ». Chacun d’entre nous a en lui, cette dimension du bien et du pire. Le poète Charles Baudelaire parlait toujours des deux postulations. En effet, il disait que l’homme a une inspiration vers l’idéal et une régression vers l’animal. Il a dit ceci à la fin de l’un de ses poèmes : « C’est vraiment Seigneur, le meilleur témoignage que nous puissions donner de votre dignité que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge vient mourir au bord de votre éternité ». Ce poème est celui d’un homme déchiré qui souffre entre le bien auquel il aspire et le mal qui l’attire. Dans notre constitution, Dieu a fait que nous aimons la foi. Egalement, il a fait que les désirs de cette vie, l’argent, le pouvoir et tout ce qui peut être dégradant pour nous dans l’excès, nous attirent. Il est nécessaire de les reconnaître, ces deux combats du mal et du bien qui se livrent dans notre intérieur et les réconcilier. Et cela se fait avec le sens de la vie et les vraies valeurs. Cette réconciliation de notre intériorité doit être notre épreuve à tous. Quiconque veut se réconcilier avec lui-même doit se prendre en charge et ne pas toujours pleurer comme une victime. Car l’Islam est une religion de la responsabilité. Et les gens qui ont la persévérance, l’endurance et la patience, sont ceux qui se lèvent pour se prendre en charge. Si et seulement si les musulmans avaient compris le vrai sens d’un mot qui est partout dans le Coran, mais dénaturé par certains d’entre eux, mal compris par certaines personnes qui ne sont pas de confession musulmane, il leur permettrait de se lever, et de se prendre en charge, de s’occuper de leur cœur, de leur conscience et de leur être. Ce mot est le Djihad. Contrairement à ce que pensent les gens, le Djihad n’est pas la Guerre Sainte mais la résistance à tout ce qui est le mal en nous et la promotion du bien. Ce n’est pas parce que certains de nos coreligionnaires trahissent les principes de l’Islam et que ceux qui ne sont pas musulmans comprennent mal les termes qu’il faut cesser de les utiliser. La responsabilité des musulmans est de comprendre les terminologies musulmanes et de les expliquer. Le Djihad est la voie, la réconciliation avec soi-même pour aller vers la paix. C’est le travail que chacun de nous fait pour résister aux oppresseurs pour la justice et la paix. Ce qui nous est demandé véritablement, c’est le Djihad du cœur, de la liberté, de l’amour et du respect, de la résistance à tous les irrespectueux et à tous les marchands de haine, d’injustice et des amoureux du pouvoir. Notre résistance et notre dignité ça s’appelle Djihad, le souci de la paix dans la réconciliation. Pénétré de cet enseignement, si nous le voulons nous le pourrons avec la permission de Dieu. Ce qui veut dire que cette permission doit venir de notre engagement dans la compréhension de la nécessité de cette réconciliation. Très souvent quand on parle du cœur, on confond ses exigences avec l’émotivité et la clarté. Alors que cette dernière permet l’adhésion qui à son tour permet le changement, la réforme de soi et de sa société. Pour parvenir à la réconciliation avec soi-même, il faut d’abord avoir une attitude positive. Commencer la réconciliation en se faisant confiance par la confiance que nous avons en Dieu. Savoir s’aimer par Dieu, c’est se faire confiance. On ne peut pas se réconcilier avec soi-même si on n’apprend pas à se faire confiance, à aimer ce que Dieu a mis en nous. De ce point de vue, il faut travailler et s’engager dans la voie de la confiance. Dans la Sourate Les Rangs, Dieu nous dit : « Ô vous qui portez la foi, voulez-vous que Je vous montre un commerce qui vous mettra à l’abri d’un châtiment douloureux ? Croyez en Dieu et à Son messager et résistez avec biens et vos propres personnes. Ceci est meilleur si seulement vous saviez ». De ce verset, il ressort trois dimensions de la confiance. La première est la foi. Laquelle traduit notre entrée dans la sécurité de Dieu. Car lorsqu’on est en sécurité avec Dieu, on est en confiance. Dans leur fuite vers Médine avec à leur trousse leurs ennemis, le Prophète Mohammed dit à Abou Bakr dans la grotte : «Aie confiance en Dieu, Il est avec nous». Au regard du verset sus mentionné, il s’agit d’une confiance active. Il faut savoir dans cette première dimension de la confiance que, si Dieu est avec nous, tout est possible. Dieu est Celui pour qui tous les impossibles humains deviennent possibles. Il faut une réconciliation qui soit basée sur la confiance. Nous tous ici présents avons des valises plaines de péchés même le Cheick Aïma. Et pourtant, nous faisons confiance en Dieu, en ce qu’Il peut faire disparaître tous ces péchés.

Deuxième condition : Etre autocritique et se regarder en face

La nuit de la détermination n’est pas une nuit où on s’oublie. Il faut se faire des invocations. Nous prenons conscience de ce que nous savons qu’il y a plein de choses qui ne vont pas dans notre vie et nous ne sommes pas les meilleurs des hommes lorsque nous nous levons pour implorer le pardon de Dieu. Les invocations que nous faisons pendant cette nuit demandent que nous soyons autocritiques. Il n’y a pas de réconciliation possible avec notre être si nous ne commençons pas à regarder qui nous sommes. Ce n’est pas un message uniquement islamique. Même Jean Paul Sartre qui disait que Dieu n’existe pas, a fini par dire comme Dostoïevski, que tout n’est pas permis, il faut faire un bilan de conscience. Il disait ceci : « Ce que tu fais si tout le monde le faisait, est-ce que la terre sera viable ?» En tant que musulmans pendant ce mois de Ramadan, nous ne jeûnons que pour réveiller notre conscience. Nous retenons tout ce qui est humain pendant la journée pour revenir au bilan divin. Je dis le bilan mais le tribunal de nos erreurs car le bilan, c’est aussi tout ce qu’il y a de biens en moi. L’esprit critique n’est pas un esprit négatif mais lucide. Ce que disent les mystiques dans la tradition Soufi c’est « maîtrise-toi, observe qui tu es ». A partir de cela, faisons le compte. L’esprit critique est donc l’esprit de la connaissance de soi. Ce que disait Socrate et qu’ont dit toutes les religions ainsi que le Prophète Mohammed c’est : « Connais-toi, toi-même » dans tes qualités comme tes défauts. Levons-nous pour notre cœur, pour notre conscience et pour notre destin. Que celui qui veut croie, que celui nie au bout du compte nous avons une décision à prendre.

Troisième condition : Savoir utiliser ses qualités pour réformer ses défauts

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C’est une dimension qui est importante dans notre cheminement spirituel. Ça veut dire que si on veut vraiment aller vers la paix, il faut être positif. Il faut utiliser toutes ses qualités pour pouvoir changer ou réformer ses défauts. Quand on a un ego surdimensionné, il faut travailler à servir le plus pauvre. Comme l’a fait le Prophète Mohammed qui a demandé constamment à Dieu, l’amour des pauvres. Lui qui est venu pour changer le monde entier. Il utilisait ses qualités de générosité envers les pauvres pour maîtriser tout ce qui pouvait être arrogance. Chacun et chacune ici, femme ou homme, dans ce travail de réconciliation vous devez faire le compte de vos qualités pour réformer vos défauts. Ce n’est pas admissible de ne pas respecter le pauvre, le marginal ou le marginalisé dans la société ou de faire des discriminations racistes. Pour parvenir à changer ses défauts, il faut avoir la force de la douceur. En d’autres termes, être doux avec vous-mêmes pour changer les choses avec douceur. Le Pharaon parlait avec beaucoup d’arrogance. C’est ainsi que Dieu va envoyer vers lui Moussa qui était le messager des Juifs et du Judaïsme ainsi que son frère Haroun. Malgré l’arrogance de Pharaon qui avait proclamé sa divinité, Dieu ordonna aux deux frères Moussa et Haroun de s’adresser à Pharaon de la manière la plus douce afin qu’il se souvienne et ait peur. Il faut que chacun de vous se parle lui-même et à son cœur comme Moussa parlait à Pharaon. Soyez doux car la force de la douceur déplace les montagnes. Quant à l’agressivité, elle ne déplace que le vent de votre voix. La douceur appliquée par Moussa et Haroun a ébranlé Pharaon. Et puis, il y a dans la douceur, la force de la patience. Il faut être patient car quand on veut se reformer la réconciliation prend du temps. Après cette conférence, beaucoup diront que j’ai dit des vérités qui les pousseront à prendre la volonté ce soir de changer. Malheureusement, demain ils oublieront. Raison pour laquelle il faut s’armer de patience, de persévérance et d’endurance. L’exemple du Prophète Yacoub est en la matière édifiant. En effet, il avait un fils appelé Youssouf qu’il aimait particulièrement parce qu’il savait qu’il était élu. Il a attendu dans la patience pendant plusieurs années après la disparition de Youssouf. Dix-huit, selon certains et quarante ans, selon d’autres. Le Prophète avait foi au fait que Dieu lui rendra son fils car il était sûr et certain qu’il n’était pas mort. Il a dit ceci à ses fils qui lui avaient annoncé que le loup avait dévoré Youssouf : « Belle patience, Dieu est Celui qui va m’aider par rapport à vos mensonges ». Il faut être patient mais être persévérant dans l’action. Vous pouvez mentir à vous-même certes, mais malgré tout il faut avoir la force la patience et la persévérance de Yacoub. C’est dans ce sens que Dieu dit dans le Coran : « Ô vous qui avez fait du tort à vous-même ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu. Dieu pardonne tous les péchés ». Quels que soient vos péchés, soyez patients jusqu’à ce que la vérité s’installe dans votre cœur. La persévérance de chacun de nous doit avoir la force de la douceur et la beauté de la longévité.

Quatrième condition : Se souvenir de ce que quand on est sincère Dieu effacera les péchés

Parmi les conditions du pardon, il y a le fait que quand on est sincère Dieu effacera les péchés car Il est le ‘’Pardonneur’’ par excellence. Un jeune est venu se convertir le vendredi à la mosquée d’Aghien après la prière de Djouma (vendredi). Sa conversion l’a purifié de tous ses péchés et c’est une nouvelle vie qui commence pour lui. Chaque fois qu’une femme et un homme se retourne vers Dieu avec toute la sincérité de son cœur, il doit être persuadé qu’il sera pardonné par Dieu. Ça fait partie de notre foi et de la confiance. Avoir conscience de cette réalité, est l’une des dimensions de la réconciliation. Soyons toujours positifs et sereins car, autant nous avons beaucoup de choses à nous reprocher, autant nous avons beaucoup de moyens de les effacer. Tout ce que je vous dis aujourd’hui aura des conséquences sur la réconciliation sociale et politique. Si tous les Ivoiriens et tous les êtres humains à travers le monde faisaient ce travail-là, nos sociétés iraient bien mieux. Nous aurions eu plus de paix sociale. C’est parce que nous nous oublions que nous nous disputons ; c’est parce que nous ne nous maîtrisons pas que nos émotions prennent le dessus. Parfois des hommes et des femmes par manque d’éducation personnelle ont tué autrui parce qu’ils savaient qui ils étaient eux-mêmes. Ils se sont oubliés et ils ont tué, insulté ; ont été agressifs. Dieu nous dit dans le Coran : « Dieu ne change jamais rien en un peuple tant qu’il ne change pas ce qui est en son for intérieur ». Que chacun change et la collectivité changera.

Cinquième et dernière condition : Rendre sa foi visible

Il faut que le travail de réconciliation avec nous-mêmes soit vu par les gens. Pendant la journée, on ne voit pas le jeûne de la majorité d’entre vous. Au contraire, le jeûne doit être perçu comme une école du calme contrairement à ceux qui se mettent en colère lorsqu’ils jeûnent. Le Prophète disait de ne pas être excessif avec son corps au point d’en être fatigué. Il y en a qui font du jeûne la raison de leur retard au travail. Le jeûne ne donne pas une licence pour arriver en retard au travail. C’est un Islam “new look“ par lequel nous avons un comportement visiblement inadéquat. Lorsque l’ex-Président défunt de la Tunisie Habib Bourguiba s’est levé pour dire que le jeûne empêchait les Tunisiens d’être de bons musulmans, notre réponse n’a pas été de dire qu’il était mécréant. Mais tout simplement par notre comportement, nous avons répondu que le jeûne nous rend plus discipliné et calme. Certains d’entre nous jeûnent avec le corps mais ils insultent avec la langue. Le Prophète Mohammed nous dit que celui qui croit en Dieu et au jour dernier qu’il dise du bien ou qu’il se taise. Il interdit moralement d’être vulgaire. Qui a la foi et veut se réconcilier, il le fait avec les bons mots, les bonnes paroles. En plus des bonnes paroles, le Prophète Mohammed exprimait plus, la générosité. Si vous voulez vous réconcilier et être en paix avec vous-mêmes, donnez. Car plus vous donnez, mieux vous vous sentez et plus vous vous réconciliez avec votre intérieur. Lorsque vous donnez, n’attendez jamais de merci et lorsque vous recevez, n’oubliez pas de dire merci. Il faut que la foi soit par le don. Et ce, à l’égard des pauvres. Qui s’occupe des pauvres, se réconcilie avec son cœur. Egalement la dimension de cette visibilité de la foi est la fraternité. Lorsque le Prophète Mohammed est arrivé à Médine, après avoir quitté la Mecque, il a invité les musulmans à cultiver la fraternité et à se battre pour la préserver. C’est aussi l’expression de l’amour entre nous. A la fin de toutes mes chroniques, je demande à tous mes frères de ne pas oublier de dire ouvertement à ceux qu’ils aiment qu’ils les aiment. C’est un enseignement véhiculé par toutes les religions du monde. Ça ne sert à rien de servir Dieu si on ne s’aime en Lui. Ça fait du bien d’entendre qu’on nous aime. Plus on aime, mieux on se sent réconciliés. Abou Bakr a aimé le Prophète Mohammed de tout son cœur. Aussi, la maîtrise de la colère selon le Prophète Mohammed fait, elle, partie des conditions de la réconciliation. Quand vous regardez votre vie parfois, il faut cette dimension de la tristesse. Vos larmes constituent la visibilité de votre foi. Quand vous vous souvenez de votre passé et que vous pleurez, vos larmes sont votre purification. Le Coran nous envoie des messages qui nous font pleurer. C’est aussi une voie de la réconciliation. Au terme des réflexions sur les conditions de la réconciliation qui vont avoir un impact sur la société, j’aimerais ajouter quelques réflexions. Comme l’a dit le Cheick Fofana, il n’y a pas de paix, s’il n’y a pas de réconciliation sociale. Laquelle passe par une exigence simple : la justice.

La justice, une exigence de la réconciliation sociale

Il faut qu’en Côte d’Ivoire comme dans n’importe quelle société, nous soyons extrêmement clairs sur la justice. Dans le Coran, il est mentionné clairement que Dieu est la Justice et il commande la justice. Il faut que cette justice soit basée sur un Etat de droit où toutes les femmes et les hommes sont traités égalitairement. En un mot, la réconciliation passe par le traitement égalitaire de tous les êtres humains. Dieu dit dans le Coran : « Ô vous qui portez la foi, tenez-vous fermement à l’équité comme témoin devant Dieu». Que ce soit contre vous-mêmes, contre votre famille, contre le riche ou le pauvre, Dieu a préséance. Que tu sois riche avec tous les titres ou que tu sois pauvre sans titre, la loi est la même pour tous. L’égalité devant la loi est un principe de réconciliation, c’est l’Etat de droit sur lequel une société doit se baser. Particulièrement, cet Etat de droit doit être basé sur l’acceptation de la diversité. La Côte d’Ivoire est un pays extraordinaire car il s’y trouve des ethnies, des langues et des origines multiples. Célébrez avec force au nom de l’Etat de droit égalitaire, la diversité de vos langues, de vos origines, de vos mémoires, de vos cultures, de votre religion. C’est votre marque, votre dignité et votre richesse.

Acceptation de la diversité comme socle de la réconciliation

En Côte d’Ivoire, l’acceptation de la diversité est la condition sine qua non de la réconciliation. Ça doit se voir dans votre politique quotidienne, votre comportement de citoyen. Ce n’est ni l’Etat ni un nouveau Président de la République qui le fera. Ça doit commencer par vous. Le nouveau Président de la République a les limites de sa fonction pas seulement le pouvoir de sa fonction. La grandeur de votre statut de citoyen, c’est de travailler à célébrer cette diversité et à devenir des personnes qui le comprennent. Le Prophète a réussi à réunir tous ses compagnons malgré le fait qu’ils venaient d’origines diverses. Il a célébré cette communauté de l’union par la justice. Ils avaient les mêmes droits et les mêmes obligations. C’est une attitude de justice, d’égalité et de reconnaissance dans la diversité. C’est là que les religions en Côte d’Ivoire en particulier doivent jouer un rôle. Les religions ne doivent pas être instrumentalisées par les uns contre les autres. Attention, en Côte d’Ivoire à ne jamais indexer une autorité religieuse, un courant religieux et à utiliser une religion contre les autres religions. La responsabilité des religieux dans ce pays, c’est d’être le contre-pouvoir de la paix à certaines tentations du pouvoir dans la guerre. Etre le contre-pouvoir de la paix, c’est appeler les hommes et les femmes à la transparence et à la maîtrise des émotions. Dieu dit dans le Coran : « Ô vous qui portez la foi, tenez-vous fermement à l’équité devant Dieu comme témoins de la justice et de l’équité. Que la haine d’un peuple ne vous pousse pas à devenir injustes. Soyez justes. Ceci est plus près de la confiance de Dieu». Ce verset s’adresse à tous les hommes notamment à ceux qui pourraient nourrir de la haine. Souvent, ce sont les victimes de massacres, de tueries, de violences. Même ceux qui ont vu des innocents être tués. C’est ceux qui pourraient nourrir de la haine à ceux qui leur ont fait subir ces atrocités. A ceux-là, Dieu demande de faire attention : « Que la haine d’un peuple ne vous pousse pas à devenir injustes». Ce verset rappelle aux victimes leurs responsabilités. Ne nourrissez pas votre statut de victimes. Tâchez d’être dignes en disant : « A vous qui nous avez maltraités, nous ne voulons pas injustement vous traiter, nous voulons la justice de nos droits. Et nous saurons avec la justice rendre le pardon. Parce que dans le pardon, il y a du bien ». Il n’y a pas de pardon sans un minimum de justice. Dans ce pays au moment où les choses ont dérapé, il y a des gens qui ont fait des choses terribles. On a entendu la voix des religieux, Cheick Fofana et autres dire : « Attention ne rendez pas le mal par le mal. Maîtrisez-vous parce que justement c’est d’être témoins devant Dieu que de promouvoir la justice et non pas l’émotion et la haine ». Le rôle des religieux et de tous ceux qui sont des êtres de conscience, c’est de ne pas tomber dans la colonisation des émotions mais de tenir dans la liberté de la spiritualité et de la maîtrise. Les émotions sont des prisons pour ceux qui ne savent pas s’en libérer.

Que les victimes ne nourrissent pas leur statut de victimes

Vous êtes dans une période de réconciliation, de reconstruction, il faut que les victimes de ce qui s’est passé ne nourrissent pas leur statut de victimes. Quant à ceux qui sont en prison, qui sont en résidence surveillée, sont dans des situations où la faute leur est revenue ; qui ont été coupables nous voulons que la justice soit rendue. Mais la justice n’est pas simplement bonne pour nous, ni pour les victimes qui veulent bien sûr que leurs droits soient respectés, mais elle est bonne pour les coupables. Si la justice n’a pas encore rattrapé ceux qui se sont fait coupables, qu’ils commencent à se réformer. Quant à ceux qui ont été attrapés, qu’ils sachent qu’il y a dans la justice, les voies de leur purification, de leur rédemption par le fait qu’ils paient pour ce qu’ils ont fait. Pour cela, il se peut que leur avenir soit lumineux. Nous ne voulons pas le malheur des gens. Nous voulons plutôt que la justice soit meilleure pour les gens. Même aux gens qui ont fait le pire, il faut un jugement qui leur permette le meilleur. A tous ceux qui aujourd’hui regardent dans le passé, à tous ceux qui ont pu faire du mal, à l’ex-Président, à n’importe quel citoyen ivoirien, il faut que vous reveniez au fait de rendre des comptes sur ce que vous avez fait car dans la justice, il y aura votre rédemption. Quant à nous et à tous ceux qui nous suivent que personne ne veuille le malheur de quelqu’un. Dans les médias occidentaux, on m’a demandé ma réaction à la mort d’Oussama Ben Laden. Je leur ai dit que je ne me réjouis jamais de la mort d’un homme et que j’aurais voulu qu’il soit jugé plutôt que d’être tué de cette façon-là. La dignité de ceux qui condamnent passe par la justice et non par l’exécution sommaire. Même ceux que vous considérez comme les pires, la justice est leur droit, la justice est notre devoir. Nous ne nous réjouissons pas du malheur d’un homme. Et si par son jugement il ou elle peut devenir meilleur, au moins il aurait permis leur reforme. Dans la réconciliation, ne jouez jamais aux victimes ; devenez au contraire des citoyens responsables. Portez-vous debout et faites le travail qui permet de dépasser les émotions et fait tendre vers la maîtrise. Avant de conclure, j’aimerais que nous comprenions que si la Côte d’Ivoire veut fermer une page ou fermer un livre et ouvrir un nouveau livre qui est celui de son avenir, il faut vraiment que vous compreniez le sens de cette réconciliation avec soi-même, puis ensuite l’Etat de droit, la justice, maîtriser ses émotions quand on est victimes, demander justice par rapport aux coupables et le jugement de justice pour permettre aux coupables de devenir des êtres qui se réforment. Il y a un enseignement du Prophète Mohammed qui est édifiant en la matière. En effet, un homme, selon lui, avait tué quatre-vingt dix-neuf personnes (99). Soucieux de se faire pardonner, il a rencontré un savant qui lui a fait savoir le contraire. Alors il a complété la liste de ses victimes à cent. Un autre savant lui indique un village où il pouvait se faire pardonner. Sur le chemin de son voyage, il a rendu l’âme. Il a été finalement pardonné parce que plus proche du village de bien. Ça veut dire que quel que soit ce que l’on a fait dans le passé, il y a toujours une espérance, et il est toujours possible de se faire pardonner. On peut faire des choses que les hommes ne pardonneront pas mais Dieu pardonne. Lui pardonne plus que les hommes. Il faut avoir confiance en ce pardon-là. Tous ceux à qui nous disons devant Dieu que nous demandons justice, en espérant que celle-ci soit pour nous un bien, nous fasse grandir, nous permette de nous reformer et redevenir des hommes. Parce que parfois, au nom du pouvoir, vous avez été des bêtes parmi les hommes. J’aimerais, en ce qui concerne la réconciliation, dire que ce pardon est possible que nous devons y aller et nous battre pour atteindre ce niveau-là. Aussi faut-il que nous soyons cohérents avec nos principes. C’est dans ce même esprit que Mohammed Ali, au nom de ses principes, a dit non à la guerre au Vietnam et préféré la prison malgré son titre de champion du monde de boxe toutes catégories. Ça c’est un homme qui a maîtrisé ses émotions. Que chacun d’entre nous soit de cette nature-là avec nos principes. Que nous dépassions les émotions et tout ce qui nous colonise pour arriver à cette liberté-là. Un titre de champion du monde n’est rien si je dois aller tuer des innocents. Ça n’est rien d’être un Ivoirien si on accepte de tuer des innocents ou si on accepte que des coupables ne soient pas jugés. Et maintenant, il faut aussi apprendre à pardonner avec la justice et ne pas revenir systématiquement sur le passé. Il faut se tourner vers l’avenir.

Message au Président de la République

Je remercie le Président de la République de vous avoir permis par décision directe de sa part, de faire en sorte que l’entrée soit gratuite et que vous soyez tous là en saluant les représentants du gouvernement. Et lui rappeler qu’au bout de toutes les présidences, il y a une royauté qui dépasse toutes les royautés. Tous les titres de président, de ministre, de professeur ou de Cheick devant Dieu ne sont pas des titres. J’aimerais, au moment où je l’entends répéter avec force, et je suis heureux de l’entendre répéter « réconciliation, pacification, unité », je crois que ce sont de beaux mots et qu’il est juste de rappeler cela aux Ivoiriens. Il faut être sérieux avec ceci. Il faut que le Président de la République se rappelle que ce ne sont pas les Ivoiriens qui sont à son service mais qu’il est à leur service. C’est vous qui devez être servis par le Président de la meilleure des façons. Un homme qui dirige est un homme qui sert. Un savant qui sait est un savant qui sert celui qui ne sait pas. Dans ce message de service, nous voulons rappeler qu’il faut que la nation ivoirienne se réconcilie avec elle-même et avec tout ce qui vous détermine.

Ouattara au service des Ivoirien

Alors, c’est d’une culture, d’un cœur, de votre diversité, de votre noblesse, de votre mémoire qu’on a envie d’entendre aujourd’hui. J’ai envie d’entendre venir de la voix de votre Président SEM Alassane Ouattara qui vous sert, qu’il dise et qu’il rappelle au monde la dignité de votre destin, la richesse de vos cultures et de votre patrie, le patrimoine est le don, le génie qui constitue votre nation. Vous êtes une nation africaine et il faut que cette nation africaine se réconcilie avec son génie. Que ce soit une réponse au Président Sarkozy qui un jour au Sénégal avait laissé entendre que les Africains ne sortaient pas de l’histoire. Il faut que la Côte d’Ivoire rappelle à tous les Présidents du monde que vous êtes de l’histoire, que vous allez vous prendre en mains, que vous allez faire ce travail de réconciliation et de paix. Je sais et j’ai entendu que dans les épreuves qui furent les vôtres, il y a des pays qui vous ont beaucoup aidés. Et il faut remercier pour l’aide qui a été apportée à tous les pays européens et à tous les pays jusqu’aux Etats-Unis qui ont aidé la Côte d’Ivoire. Mais il faut dire aussi avec clarté que vous devez être autonomes ; que vous avez la dignité de votre autonomie. Vous n’êtes en dette devant aucun pays du monde.

Ne fermez pas vos coeurs

Nous sommes tellement nombreux à apprécier ce pays, ne fermez pas votre cœur parce que les drames vous ont touché. Gardez ce cœur ouvert. Soyez des femmes et des hommes de cœur, maintenez en vous le sens du devoir parce que cette dimension est importante pour nous tous dans la réconciliation et la paix. Donc un appel à l’unité dans l’acceptation de la richesse ; un appel du cœur mais avec l’exigence de l’engagement ; un appel du devoir mais en n’oubliant pas vos qualités. Que vous soyez aujourd’hui conscients que la paix est au bout de ce chemin-là, de ces étapes de la réconciliation personnelle, sociale, politique. Qu’elle vienne de vous qui êtes des citoyens ou qu’elle vienne du Président qui sert les citoyens et qu’elle vienne de toutes les voies religieuses ou de toute autre confession ou sans confession pour célébrer ensemble le fait que nous reconnaissons les problèmes qui ont fait notre passé, nous célébrons la diversité qui sera notre avenir. Que Dieu vous aide, que Dieu descende sa bénédiction dans ce pays et que chacune et chacun d’entre nous puisse le vivre de la façon la plus intime, la plus personnelle.
Recueillis et retranscrits par K.Yacouba coll: O.Guédé

Encadré 1 Pourquoi Ramadan est reparti sans avoir rencontré Ouattara

Un site Internet avait annoncé qu’après sa conférence sur la réconciliation, lors du Quadr 2011 au Parc des Sports de Treichville, le professeur Tariq Ramadan devait rencontrer le Président de la République Alassane Ouattara pour un entretien entre les deux hommes. Information rectifiée par les émissaires du COSIM, qui ont demandé à ce qu’elle soit retirée du site car le Chef de l’Etat devait rentrer en principe hier dimanche 28 août 2011 après ses vacances de France, alors que l’islamologue, vu son carnet de rendez-vous extrêmement serré, a été obligé de repartir dans la nuit du samedi 27 août 2011, c’est-à-dire un jour avant le retour du Président Ouattara. La rencontre, selon des membres du COSIM, n’est que remise à plus tard, car les deux hommes « ont beaucoup de points en commun », nous a même soufflé l’un d’entre eux. Ce n’est donc pas à cause des propos tenus par M. Ramadan et mal appréciés par l’entourage du Président, que la rencontre n’a pas eu lieu.
Olivier Guédé

Encadré 2 Idriss Koudouss aux religieux qui le vilipendent :

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‘’On me traite d’Imam de Gbagbo, mais Ado sait ce que j’ai fait pour lui’’
Le président du Conseil national islamique (CNI) le Cheikh Ul Islam Idriss Koné Koudouss s’est prononcé le vendredi 26 août 2011 sur la composition du directoire de la commission Dialogue-Vérité-Réconciliation qui doit jeter les bases de la réconciliation entre les Ivoiriens. A la faveur de la commémoration de la nuit du destin qui a réuni à la mosquée Bilal de Port-Bouët 2 dans la commune de Yopougon, des milliers de fidèles musulmans, l’Imam Koudouss, qui avait à ses côtés, Aboulaye Touré, représentant le ministre Gaoussou Touré, Babily Dembélé et l’Imam Bakary Chérif, a décliné le profil des religieux devant intégrer ce directoire. Il s’agit de religieux ayant posé des actions majeures en faveur de la paix, de religieux sans haine au cœur et rassembleurs, qui, parce que, soucieux de la cohésion de leur communauté religieuse, ne cherchent pas à « écraser » leurs pairs. De l’avis du président du CNI, la crise ivoirienne n’a pas commencé en 2010. Le processus de réconciliation amorcé à travers la commission DVR ne devrait donc pas jeter aux oubliettes les religieux qui ont posé des actions déterminantes pour faire arrêter la belligérance. « Tout le monde sait dans ce pays le rôle déterminant que nous avons joué à travers le forum des confessions religieuses avec notre jeune frère Honoré Guié. On occulte ce rôle éminent aujourd’hui. Comme si cela ne suffisait pas, on ne fait que nous insulter. On oublie aujourd’hui, que nous avions été menacés parce que nous voulions sauver notre pays. Nous avons été à Bouaké, à Korhogo et à Duékoué où nous avons réconcilié six villages en trois jours et où moi-même, j’ai été traité en 2002 de chef rebelle. Et aujourd’hui on me traîne dans la boue au prétexte que je suis l’Imam de Gbagbo, que c’est moi qui ai prié pour que Gbagbo fasse dix (10) ans au pouvoir. Ce sont des non croyants. Sinon, quelle force j’ai moi pour déterminer le destin d’un homme ? Si je meurs aujourd’hui, je vais au paradis parce que des religieux qui ont la haine au cœur et qui alimentent la délation contre moi, ont ramassé tous mes péchés», a-t-il indiqué. Mais, par souci de la réussite des activités de la commission DVR, il a lancé un appel pour la révision des critères relatifs au choix des religieux devant intégrer le directoire. «Un religieux qui a la haine au cœur ne peut pas réconcilier les Ivoiriens. J’entends tout ce qui se raconte à mon compte dans l’entourage du Président Ouattara par des religieux de la haine et du mépris. Mais, il est bon de savoir ce que moi j’ai fait pour Ouattara dans ce pays. C’est moi le seul religieux qui suis allé le voir en 2002 quand il était réfugié à l’Ambassade de France. C’est moi qui ai inhumé les martyrs du RDR en 2000 et 2002. Quand la mère d’ADO est décédée, c’est moi que son fils a appelé et c’est à moi qu’il a confié l’organisation de l’inhumation et des autres activités funéraires. Où étaient-ils ceux qui disent aujourd’hui que je suis l’Imam de Gbagbo ? Même quand, il y a eu cette crise, j’ai regroupé des milliers de fidèles déplacés pro-Ouattara au centre social de Port-Bouët 2. Et sur fonds propres, ils ont été pris en charge au niveau médical, au niveau de la nourriture et même spirituel puisque tous les vendredis, j’allais prier avec eux. En cette nuit de pardon, je pardonne à tous ceux qui m’ont vilipendé. Mais, la réconciliation qui doit permettre à notre pays de renouer avec la stabilité et le développement doit se faire sur une base saine. Si le religieux qui doit réconcilier les Ivoiriens, n’est pas réconcilié avec lui parce qu’il a la haine au cœur, s’il n’a jamais vécu avec les Ivoiriens les souffrances des crises à cicatriser, il ne peut pas réconcilier les ennemis d’hier», a-t-il clarifié. Bien avant, le Révérend pasteur Ediémou Blin Jacob a prié pour que cette nuit du destin, « le premier du mandat du Président Ouattara, soit le départ de la miséricorde de Dieu en faveur de la Côte d’Ivoire».

M.T.T

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