L’Intelligent d’Abidjan
Depuis la fin de la crise postélectorale, les nouvelles autorités se sont lancées dans une dynamique de reconstruction de la Côte d’Ivoire. Et dans ce processus, la question de la salubrité urbaine occupe une place de choix. Toutefois, des femmes commises pour rendre le pays notamment la capitale économique, Abidjan, propre, se sentent oubliées dans cette nouvelle donne parce que sans salaire, depuis plusieurs mois. Pourquoi un tel dysfonctionnement ? Enquête.
«Abidjan est devenue propre !», « On respire bien maintenant dans la capitale économique », etc. Tels sont les propos des Abidjanais qui soutiennent que « la perle des ordures dans le passé» est en train d’égaler le Ghana voisin, en matière de propreté, et redevient la véritable perle des lagunes. Mais si tel est le cas, ce progrès n’est pas seulement dû à la volonté des nouvelles autorités mais il est aussi dû à l’engagement des femmes qui, très tôt le matin, écourtent leur sommeil pour traduire cette volonté en acte. Elles ont pour la majorité plus de 40 ans, « nos mamans » qui côtoient, chaque jour, les véhicules (avec tous les risques d’accident) et la poussière (dangereuse pour leur santé) et ce, dans l’optique d’aider à rétablir un environnement sain. « Malgré cet effort, nous sommes depuis quatre mois sans salaire », s’indigne Maférima Bamba, balayeuse sur tout le long du boulevard Latrille à Cocody-Angré, au sein de la structure WMW (Watch My World). Propos soutenus par Assetou C., responsable du pointage des femmes de cette entreprise. Elle dit ignorer les causes de cette situation. « Comme les balayeuses, je suis moi-même aussi sans salaire depuis quatre mois. Pis, nous avons du mal à échanger physiquement avec nos responsables. Si ce n’est que par le téléphone », s’offusque-t-elle, tout en craignant qu’elles soient toutes victimes d’une grosse arnaque. « Nous avons rencontré nos responsables pour la première fois à la mairie de Cocody. Ensuite, nous nous sommes retrouvées au carrefour d’Angré-Petro-Ivoire. Franchement, nous ne savons même pas où se trouve le siège de l’entreprise qui nous emploie », argue-t-elle. Ces balayeuses de WMW disent être dans le désespoir après plusieurs promesses non tenues. « On nous a promis un mois de salaire pour bien passer le mois de ramadan. Mais jusque-là, nous n’avons rien reçu», ajoute Koné Mariam, une autre balayeuse de la même entreprise. Avant de souligner les problèmes que ses camarades et elle vivent au quotidien. « Nous faisons ce travail parce que nous avons pour la plupart des problèmes de nourriture, de payement de nos loyers,… Nos maris ont en général des difficultés pour faire face à certaines charges. Ce travail était pour nous un moyen de les soutenir », déclare-t-elle. Tout en craignant pour leur santé, Koné Mariam fait savoir que bon nombre de femmes ne disposent pas de cache-nez pour se protéger contre la poussière. « Notre santé est fortement en danger parce que nous sommes exposées à plusieurs maladies liées à la poussière», s’indigne-t-elle. Si à WMW les femmes grognent, ce n’est pas le cas à SI2E (Société ivoirienne d’éco-environnement). « Nous n’avons pas de problème de salaire ici », ont fait savoir Ouattara Fanta et Coulibaly Salimata, balayeuses à Abobo, au compte de ladite structure. Affoussiata Sylla, employée à ‘’Watch My World’’ s’explique difficilement cette situation de « deux poids, deux mesures ». « Nos responsables nous disent de patienter et que c’est l’Etat qui doit nous payer par mois sur la base de 2000 FCFA par jour d’activité. Cependant certaines entreprises arrivent à payer leurs agents et d’autres le contraire. Nous ne comprenons rien », affirme-t-elle.
Réactions des responsables de structures et
du ministre Anne Ouloto
Yapo Vincent, superviseur au sein de WMW, avance que les difficultés évoquées par les femmes n’émanent pas de sa structure. Tout en précisant que son entreprise travaille sous la caution du ministère de la Salubrité Urbaine, il indique que ces problèmes existent « parce que l’Etat n’a pas encore réglé nos factures ». En clair, Yapo Vincent fait savoir qu’après les travaux, les factures sont remises à l’Etat. Quitte, ajoute-t-il, à l’autorité de régler ses factures « afin de nous permettre de couvrir nos charges dont le payement des salaires des balayeuses ». Rassurant que les choses rentreront très bientôt en ordre, ce responsable de ‘’Watch My World’’ a demandé aux femmes d’éviter des comparaisons qui, selon lui, ne sont pas forcément justes. « Une structure peut payer ses agents à partir des prêts en attendant le règlement de l’Etat. Ce que nous ne pouvons pas faire actuellement. Nous devons faire face à plusieurs charges notamment le renforcement de l’équipement des balayeuses », a-t-il justifié. Avant d’informer que, par le passé, l’Etat réglait, au plus grand tard, une facture, 90 jours après son dépôt. « Vu l’importance d’assainir nos communes, nous souhaitons que l’Etat règle le plus tôt ses factures », a-exhorté Yapo Vincent. Madame Désiré Anne Ouloto, ministre de la Salubrité Urbaine, a fait, il ya quelques jours, au cours d’une rencontre avec la direction du Rdr, savoir que ces structures de nettoyage des communes ne travaillent pas sous la coupole de son département. Après renseignement, avait-elle révélé, ces entreprises n’exercent pas également sous l’autorité des collectivités territoriales. La ministre de la Salubrité Urbaine dit être informée que ces structures font du volontariat pour assainir les communes. Tout en affirmant que ces entreprises ont commencé à exercer avant son arrivée dans ce ministère, Anne Ouloto, entend toutefois, en tant qu’autorité, réguler, les jours à venir, le secteur qu’elle dirige. Et ce, en favorisant les meilleures conditions de travail de toutes les structures qui participent à l’amélioration du cadre environnemental.
R.Dibi
Commentaires Facebook