Depuis les USA Germain Kouassi expert en gestion de ponts à péage « C’est dommage pour servir son pays il faut porter un gilet de protection »

Source: L’Intelligent d’Abidjan

Germain Kouassi est aujourd’hui l’un des rares africains à travailler dans le système des ponts à péage dans le New Jersey. L’Ivoirien, patron parmi les Américains comme il se qualifie n’a pas pour autant oublié sa terre d’origine, la Côte d’Ivoire. Il compte, un jour, venir participer au développement pour ainsi répondre à l’appel des autorités. Il dit un mot sur le processus de réconciliation et parle de son rêve américain. Sa place n’est pas dans le jeu politique, rassure-t-il.

Comment êtes-vous arrivé aux Etats-Unis ?
J’étais le secrétaire général de la Croix Verte de Côte d’Ivoire. Et à ce titre, j’ai beaucoup voyagé pour représenter la jeunesse ivoirienne à des rencontres qui parlaient de jeunesse, d’environnement et de développement. A l’issue d’un forum mondial des leaders de jeunes qui a eu lieu aux nations unies, j’ai décidé de rester.

Quelle était votre formation au départ d’Abidjan ?
J’ai traîné ma bosse à la faculté de droit sans grand résultat. Seuls mon abnégation, ma persévérance, mon courage m’ont conduit où je suis aujourd’hui.

Etes-vous retourné à l’école pour parfaire vos connaissances ?
J’ai eu des formations au compte de ma société dans des maisons agréées et aussi à Rutgers University. Mais vous savez, contrairement au système français, les USA vont avec l’expérience. Si vous avez vraiment l’expérience, vous pouvez occuper un poste au même titre dans des sociétés que celui qui vient de sortir de l’école avec tous ces diplômes. La Côte d’Ivoire a copié le système français. Nous avons ici beaucoup d’Ivoiriens qui veulent rentrer sur appel du Président de la République alors que pendant ce temps les appels d’offre de boulot demandent que vous soyez titulaire d’un doctorat. On a vu ici de simples secrétaires devenir ministres.

L’idée que vous vous faisiez du rêve américain et la réalité qui est la vôtre aujourd’hui coïncident-elles ?
Oui. Chacun est venu pour un but précis. Mais une fois ici, il faut mettre la chance de son côté. Il faut reconnaitre qu’au départ, c’était difficile. Je peux même écrire un roman sur ma vie ici (Les Frasques de Germain Kouassi). Je baragouinais l’anglais, en bon africain je ne savais pas utiliser l’ordinateur. C’est ici que j’ai mis un ordinateur en marche pour la première fois de ma vie et le jour où je faisais ma formation dans la société. Aujourd’hui je suis incontournable dans mon département quant à produire les rapports statistiques et financiers journaliers et aussi la gestion du personnel que je dirige tout comme la clientèle. Je ne me cache pas. Un Ivoirien patron parmi des américains. Je suis connu de la plupart des Africains qui utilisent le système électronique de péage d’abord à New York où j’ai servi pendant huit ans et maintenant dans le New Jersey où je suis il y a près de six ans.

Pourquoi les américains ont-ils si investi dans les ponts à péage. Cela n’a-t-il pas l’inconvénient de favoriser les embouteillages ?
Bien au contraire cela est fait pour la fluidité routière. Mais il faut dire qu’il y a deux types de péages. Il y a le péage électronique (système dans lequel je travaille) et le péage par cash. Même si on constate des bouchons, cela est occasionné par les payeurs par cash qui causent ce problème. Il y en a qui n’ont pas la monnaie exacte, il y en a qui veulent poser des questions etc. Il faut aussi voir les importantes recettes perçues par jour.

Le troisième pont d’Abidjan répond au souci de désengorger le trafic sur les deux autres ponts. L’idée du péage vous semble-t-elle opportune ?
Absolument. Non seulement il va désengorger le trafic mais le troisième pont permettra aux deux premiers de prendre une bouffée d’air et permettre leur rénovation. On pourrait aussi les soumettre, pourquoi pas, au péage. Donc tout usager qui doit aller du sud d’Abidjan au nord devrait s’acquitter d’un droit de passage. On devrait aussi instaurer un système de péage aux différents corridors d’Abidjan à savoir Abobo, Yopougon-Gesco, Grand Bassam et Bingerville. Le monde évolue. C’est vrai que le système fera des grincements de dents mais il faut y aller. Les autorités devraient dès maintenant commencer la campagne de sensibilisation afin d’éduquer les usagers sur ce qu’ils gagnent en retour en payant les traversées de ponts et de corridors.

Comment s’est opéré votre premier contact avec la société qui vous emploie jusque là ?
Vous n’allez pas croire. J’étais le vigil de la société (Security Garde). J’y travaillais en tant qu’immigré avec un nom d’emprunt. Alors que j’étais vigil, j’ai marié la Directrice du bureau ou j’étais en fonction. Et après son affectation, elle a vu ses patrons pour me faire embaucher le 15 Décembre 1997. Et depuis, je suis dans cette boîte. J’ai aussi la qualité de formateur. J’ai été dernièrement, en juin et juillet 2011, envoyé à Delaware pour former tout le personnel sans oublier tous ceux que j’ai formés à New York.

Vous vous dites disposé à servir votre pays. A quelles conditions seriez-vous prêt à rentrer ?
J’ai toujours dit que je veux rentrer chez moi à Dimbokro pour aller faire des activités qui puissent me permettre de survivre.

Visez-vous un poste politique dans votre pays ?
Je n’ai jamais fait de la politique dans ma vie et je ne compte pas en faire. Je pourrai par contre apporter mon expérience quant à la gestion des péages. Mais c’est tout.

Mais pour participer au développement il faut aussi avoir des moyens politiques !
C’est dommage que nous soyons encore versés dans ce genre de léthargie quant à dire que pour servir son pays il faut présenter votre liste de protecteurs ou avoir un gilet de protection comme être maire ou député. Pour quelqu’un qui vit aux Etats-Unis depuis 15 ans, je me mets au-dessus de ces contingences. Et dans ce cas beaucoup préféreront rester à l’étranger au lieu de retourner et apporter leur expérience. En tout cas comme je le dis tous les jours je m’en vais chez moi à Dimbokro pour savoir comment aider au développement de cette localité sans faire de la politique. Le président a demandé aux Ivoiriens de la diaspora de rentrer sans discrimination aucune.

Comment appréciez-vous le processus de réconciliation tel qu’enclenché dans votre pays ?
Il ne faut pas écouter les faiseurs d’histoire. Si nous avons quitté notre pays pour nous retrouver a l’étranger, c’est parce que ces derniers sont passés par là. Seuls les pays appelés à évoluer connaissent des révolutions. La Côte d’Ivoire a toujours été et est bénie de Dieu. Il faut donner du temps de pouvoir racoler tous les bouts. C’est vrai que beaucoup vont s’agripper à leurs positions mais c’est un courant qui va passer. On l’a déjà vu dans d’autres pays. Le processus de réconciliation prend, certes du temps pour décoller. Mais le temps mis l’est certainement pour enlever les grains de sable qui font coincer les choses.

Avez-vous des propositions à faire en tant que membre de la diaspora au président de la commission dialogue vérité et réconciliation ?
Je dirais qu’il vaut mieux être un constructeur actif des affaires publiques qu’un philosophe spéculateur. Il faut être doué d’une très grande imagination. C’est-à-dire orienter ses idées de façon à voir le réel plutôt que l’irréel au lieu de soupirer après de beaux rêves irréalisables.

Que pensez-vous du choix de Didier Drogba dans la commission Dvr pour le compte de la diaspora ivoirienne ?
L’un des plus grands footballeurs des temps modernes et de surcroit Ivoirien est un homme incontournable dans le processus de réconciliation. le Président Houphouët Boigny disait : « notre force et notre rayonnement viennent de ce que l’approche des différentes données de notre développement s’est toujours fait en terrain solide, de façon pragmatique, rythmée par une concertation permanente, impliquant, ainsi qu’il sied à la grande famille que nous formons, le dialogue franc, fraternel et l’adhésion de tous ». On peut servir à tous les postes pourvu qu’on y mette du sien. L’Ivoirien aime trop s’attarder sur « quel diplôme a-t-il? ». Dans le cadre de la réconciliation il doit avoir plus que Didier Drogba. Nous avons des savants dans la diaspora qui peuvent contribuer à ramener les pièces du puzzle ensemble. Mais vivement que celui qui réconcilie tous ses fans sur le terrain de football sache le faire sur l’étendue du territoire ivoirien.
Par S. Débailly via internet

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