L’Inter
Ses objets de valeur et son matelas emportés
– Son domicile envahi par la broussaille
– Des images inédites
Au lendemain de la prise effective du pouvoir par Alassane Ouattara, certains comptes rendus de missions effectuées à Mama, dans le village natal de son farouche adversaire politique, avaient vite fait de notifier que la résidence de ce dernier avait gardé son lustre d’antan et son contenu intact. Ce, en dépit de l’absence du maître des lieux. A cette période, le domaine privé des Gbagbo était placé sous haute surveillance des Forces républicaines de Côte d`Ivoire (FRCI) en poste dans la zone. Aucun visiteur ni natif du village ne pouvait s’y hasarder sans qu’il n’en ait au préalable reçu l`autorisation. 05 mois après la capture du Woody de Mama, de son épouse et de nombre de ses proches, que reste-t-il de cette résidence de Mama, ce village de la sous-préfecture de Ouragahio ? Pour en avoir une nette idée, nous nous sommes rendus sur les lieux.
Il est 13 h ce vendredi 12 août 2011 lorsque nous foulons le sol de cette localité dont une partie de l’histoire rime avec la vie de l’opposant historique à Houphouët-Boigny. Le soleil au zénith fait place à une fine pluie. Sans perdre du temps, nous fonçons directement au portail entrouvert. Bâtie sur une surface de 15 ha, la résidence privée de Laurent et Simone Gbagbo à Mama a commencé à prendre forme lorsque l`ancien président était député de Ouragahio en 1995. A son accession au pouvoir d’Etat en 2000, ladite demeure subit un réaménagement avec l’ajout d’un palais. Le tout encerclé d’une solide muraille dont les travaux ont été supervisés par feu le général Issouf Koné, assisté du colonel Yodé et de l’actuel chef d’état-major des armées, le général Soumaïla Bakayoko, alors commandant du génie civil de Bouaké. Pour la petite histoire, nos sources indiquent que c’est de là qu’il a rejoint la rébellion. Une fois les travaux achevés, l’ex-couple présidentiel aménage et y reçoit de temps à autre des visiteurs de marque, des membres de la famille ou des amis. A la faveur du long contentieux électoral survenu au second tour de la présidentielle de 2010 entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara qui tourne à l’avantage de ce dernier, la spirale de violence qui s’ensuit n`épargne malheureusement pas la demeure des Gbagbo à Mama. De sources crédibles, dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 mars 2011 aux environs de 23 h, débarque dans la sous-préfecture une cohorte d’hommes en tenue puissamment armés. Dans les minutes qui suivent, l`on entend des tirs à l’arme lourde et à l`arme automatique dont les impacts sont encore visibles sur la vitrine blindée de la résidence. A l`entrée du palais, les stigmates de la violence sur la porte principale de l’habitation sont flagrants. Les débris de glace et d’autres matières cassés jonchent le sol, et en disent long sur le dégré de violence exercé par ces visiteurs nocturnes. Une fois dans le hall, nous découvrons que la première pièce qui fait office de salle d’attente est dépouillée de ses fauteuils, de même que l’écran géant qui était placé au mur dans la salle à manger où le couple partageait de temps à autre le repas avec des amis. A la cuisine, aucune trace des congélateurs et les ustensiles de cuisine. Non loin de là, la salle des audiences est également vidée de son contenu.
Des photos d`Obama, John Yalley et Djédjé Mady scotchées au mur
Le bureau privé du président Gbagbo a aussi essuyé le courroux des hommes en armes. Plus de document, seul quelques feuilles trainent par terre. Egalement le poster de feu l’abbé Robert Atéa (1er prêtre Bété ndlr), une des photos de l`ancien président ivoirien au bas de laquelle on pouvait lire: « mon credo, c’est la démocratie à l’intérieur de mon pays et l’ouverture sur le monde extérieur. Une nouvelle aurore sur la Côte d’Ivoire avec le président Laurent Gbagbo en mission pour son peuple », ainsi qu’un tableau où figurent les différents présidents des Etats-Unis d`Amérique jusqu`à Barack Obama. La porte toute proche donne sur la chambre à coucher de Laurent Gbagbo. Nous y entrons, le spectacle est saisissant. Le matériel de chambre et particulièrement le matelas de l`ex-chef de l`Etat ont été emportés. Seul des papiers de compte rendu de réunions et des lettres personnelles trainent par terre. Dans la chambre de son épouse Simone, le décor n’est guère reluisant. La salle de maquillage, les tiroirs à chaussures, les armoires à vêtements, le coffre à bijoux ont été vidés. Cependant, la literie est intacte. Au dessus, pend une photo de son époux jouant en duo au piano avec l’artiste John Yalley lors de son dernier meeting de campagne pour les élections de 2000, précisément le 21 octobre 2000 à Yopougon. A la Bibliothèque, tous les livres ont disparu. Seul l’orgue est resté scotché à son lieu habituel. A proximité de là, on aperçoit une photo de l’ex-chef de l’Etat et du professeur Alphonse Djédjé Mady (Secrétaire général du Pdci ndlr), avec une légende en dessous qui relate leur mésaventure à Akouédo. Outre l’habitation du président déchu, les logements annexes où vivaient le gouverneur et d`autres employés du palais ont eu droit aux mêmes traitements. Quant à la trentaine d’employés qui travaillaient à la résidence, ils ont déserté les lieux pour se mettre à l’abri. Depuis lors chacun vaque à ses propres occupations. Histoire d`obtenir de quoi survivre. C’est le cas du célèbre « Bébéto , parfois cité comme un exemple de grand travailleur par l’ex-président dans ses discours. Aux dernières nouvelles, cet homme qui a fait fortune chez les Gbagbo, mène une vie paisible et gère ses activités personnelles. Toujours selon nos sources, il revient de temps à autre à la résidence pour y jeter un coup d`oeil sur ce qu`il en reste. Pour l’heure, le domaine est noyé par la broussaille faute d’entretien. Au moment où nous sortions de la résidence, une fine pluie nous accueille, ce qui fait dire à nos confidents que notre mission à Mama est bénie. Il est 15 h15 mn
Venance KOKORA à Gagnoa
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