Les problèmes de foncier rural demeurent un talon d’Achille pour les autorités ivoiriennes. Après la partie ouest de la Côte d’Ivoire, c’est la région de la Marahoué qui a remis le couvert, avec le conflit autour de la terre, entre communautés allochtones baoulé et autochtones gouro de la sous- préfecture de Bonon, dans le département de Bouaflé. A l’origine du conflit, un problème de vente de forêt. Des mésententes qui ont failli tourner à l’affrontement, n’eût été l’intervention de certains cadres de la région. Le délégué départemental du Pdci de Bouaflé, Me N’dia Yves, a conduit une mission de bons offices auprès des deux communautés qui se regardent depuis peu en chiens de faïence.
Dimanche 14 Août, dès l’aube, nous embarquons à bord d’un « Massa », véhicule de transport en commun, pour la sous-préfecture de Bonon, localité située à plus d’une quarantaine de kilomètres du chef-lieu, Bouaflé. Elle est le théâtre d’un conflit de forêt qui porte un coup à la cohésion qui régnait, depuis des lustres, entre les communautés autochtones, allogènes et allochtones. Les premières personnes rencontrées semblent ne pas être préoccupées par ce conflit. Les uns et les autres se refusent à en parler, du moins, à un inconnu. En quête d’informations, nous rencontrons un homme, la cinquantaine révolue, qui oppose d’abord un refus de s’exprimer sur le sujet, avant de lâcher : « Cette affaire est plus sérieuse. Les Baoulés nous ont fait un affront, ils devront en assumer les conséquences ». On comprend sans se creuser les méninges qu’il est de la communauté gouro. Nous mettons alors le cap sur le village de Blablata, à deux kilomètres de Bonon où nous avons rendez-vous avec l’un des cadres influents de la localité qui, d’ailleurs, est très au fait du dossier,pour l’avoir géré dans les premières heures. Après un briefing, Monsieur Alexis Trabi N’guessan, puisque c’est lui de lui qu’il s’agit, accepte de nous donner sa version des faits. « Ce conflit latent que nous cherchons à résorber est parti d’une question de forêt. Des jeunes gouros qui estiment que leur parents ont bradé leurs portions de terre aux allochtones et aux allogènes ont décidé de les reprendre, de gré ou de force. Au nombre de quatre-vingt, ils se sont donc rendus dans la forêt pour ‘’borner’’ ces portions et se les partager, et ce, au grand dam de la communauté baoulé qui exploite ces terres. Pendant qu’ils étaient dans la forêt, les Baoulés ont confisqué leurs vélos et machettes. La riposte des jeunes gouros ne s’est pas fait attendre. Mais, fort heureusement, le pire a été évité grâce à l’intervention du sous-préfet de Bonon, Yapi Yapi Guillaume. 9 H 30, ce même dimanche, nous sommes rejoints dans ce village par la délégation conduite par Me N’Dia Yves qui avait à ses côtés Victor Taukla Kouassi, président du comité électoral du Pdci à Bouaflé. La délégation va rendre les civilités au gouverneur de Bonon, Monsieur Yapi Yapi Guillaume, avant d’entamer sa mission. Cette étape sera suivie par les rencontres avec les communautés dont les membres sont acteurs du conflit.
Les versions des parties antagonistes
La délégation conduite par le délégué Me N’Dia Yves a fait le tour des différentes communautés vivant à Bonon. Chacune d’elles a donné sa version des faits. La première communauté à être entendue par la délégation est la communauté baoulé. Selon son porte-parole, cette communauté qui vivait en parfaite intelligence avec les gouros se surprend de la réaction de ces derniers. «Nous ne comprenons pas nos parents gouros qui nous ont accueilli chez eux, depuis des lustres.
Aujourd’hui, ils nous réclament leurs terres. Nos plantations en production nous sont retirées et sont vendues aux Dioulas et aux allogènes burkinabés. Face à cette situation, nous ne savons pas à quel saint nous vouer ». Ce cri de cœur des chefs de la communauté baoulé a trouvé une oreille attentive auprès de la délégation du Pdci. A la suite des Baoulés, ce sont les jeunes gouros du village de Bazra qui ont exprimé leur mécontentement. Koffi Bi N’guessan Désiré, porte-parole des jeunes de cette communauté, visiblement très remonté, a donné sa version. « Nos parents n’ont pas vendu la terre à nos frères baoulés, contrairement, à ce qui se raconte. Ils leur ont cédé ces portions de terre. Nous, les jeunes gouros, nous n’avons aucunement l’intention d’arracher aux Baoulés leurs plantations.
Ce que nous leur avons demandé, c’est qu’ils nous cèdent les portions de terre en jachère pour que nous puissions les exploiter, car nous estimons que ces terres nous reviennent de droit.
Nous sommes plus de 500 jeunes déscolarisés dans ce village. C’est pourquoi nous demandons simplement à nos frères allochtones baoulés de nous les remettre (…). C’est ce que nous sommes partis réclamer et, malheureusement, nous avons été attaqués par les Baoulés qui ont mis la main sur nos vélos et nos machettes», s’est plaint M. Koffi Bi. Devant ces différentes préoccupations, le délégué Yves N’dia a concilié les positions en apportant des réponses adéquates. Il s’est donc adressé, au nom de sa délégation, à chacune des communautés.
L’adresse de la délégation aux communautés
S’adressant à la communauté baoulé, Me N’dia l’a invitée à la patience face à l’agissement des Frci et à plus de reconnaissance envers les autochtones qui les ont accueillis. C’est à cette seule condition que le conflit de forêt qui persiste trouvera une solution concertée, a-t-il ajouté. « Soyez indulgents avec les Forces républicaines. En ma qualité de délégué départemental du Pdci, je ne vous laisserai pas tomber. Sachez qu’Alassane Ouattara est en train de fortifier l’autorité de l’Etat. C’est maintenant qu’il vient de nommer les chefs de l’armée. Donnez-lui le temps de bien s’installer pour trouver des solutions à vos problèmes(…). S’agissant du conflit qui vous oppose aux autochtones gouros, je vous demanderai de faire preuve d’humilité et de reconnaissance. Il faut partager avec ceux qui vous ont donné leur terre à cultiver et vous verrez que la confiance et la cohésion régneront entre vous ». A la communauté malinké et allogène burkinabé, le délégué départemental de Bouaflé a demandé de ne pas se faire complices dans ce conflit en acceptant d’acheter les plantations qui leur sont vendues. Car, dira t-il, cela peut mettre à mal la cohésion au sein de la famille Rhdp. Le message de paix et de réconciliation du délégué n’a pas varié à l’endroit de la communauté gouro. « Je voudrais saluer nos parents gouros pour leur esprit d’ouverture et leur gentillesse qui ont permis d’accueillir nos frères baoulés sur cette terre de Bonon. Faites fi des considérations politiques pour continuer à vivre en de bons termes avec ceux que vous avez reçus chez vous. De plus, je voudrais dire aux cadres gouros d’avoir le courage de parler à leurs parents car, la voie qu’ils ont empruntée n’est pas la bonne. La Côte d’ivoire est notre propriété à tous. Chaque Ivoirien est chez lui, partout où il se trouve dans le pays. C’est ensemble, main dans les mains que nous pourrons conduire la Côte d’Ivoire », a plaidé N’dia Yves. Pour mieux cerner ce délicat problème de terre, le délégué a mis sur pied une commission chargée de recenser toutes les préoccupations, afin de lui rendre compte et ce, dans le souci d’une solution concertée. Cette commission conduite par M. Alexis Trazié Bi N’guessan sera composée de deux représentants par communauté, selon M. Yves Ndia.
A sa suite, Victor Taukla Kouassi, président de commission électorale locale du Pdci a invité les jeunes de Bonon à tourner le dos aux considérations politiques et ethniques pour s’inscrire dans les actions de développement engagées par le Président Alassane Ouattara.
Au terme de cette série de rencontres de réconciliation, la mission conduite par le délégué Pdci de Bouaflé a réussi à faire tomber la tension.
JERÔME N’DRI
(Envoyé Spécial à Bonon)
Source: Le Mandat
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