L’ex-président tunisien, Ben Ali, et l’Egyptien Hosni Moubarak ont refusé d’aller si loin dans la répression de leur peuple que Laurent Gbagbo qui venait de perdre une élection. Face aux commentaires autour du sort de l’ancien dirigent ivoirien qui frisent parfois l’amnésie de leurs auteurs, ce parallèle était nécessaire.
Motus autour des procès de deux chefs d’Etat démissionnaires, tapage et roulis autour de la simple assignation à résidence surveillée d’un cruel putschiste. Le contraste entre le cas Laurent Gbagbo et celui des ex-présidents tunisien et égyptien est si criant qu’il mérite réflexion et interrogations. L’ancien président ivoirien est-il moins passible de poursuites judiciaires que Zine el-Abidine Ben Ali ou Hosni Moubarak ? La révolution tunisienne a éclaté moins de deux ans après la réélection, en octobre 2009, de Ben Ali pour un 5e mandat à la tête de son pays. Il a été crédité de 89,62% des voix. Malgré cette légalité et cette légitimité, et les grands moyens policiers et militaires dont il disposait pour mater les mécontents, il n’aura pas laissé la révolte populaire durer plus de 41 jours. Le vendredi 14 janvier, celui qui régnait sur la Tunisie depuis 24 ans a abandonné le pouvoir pour s’envoler discrètement vers l’Arabie Saoudite. En Egypte, Hosni Moubarak ne jouissait pas moins de légalité et de légitimité lorsque quelques jours après la fin de la révolution tunisienne, les manifestations pour son départ s’intensifiaient au Caire. Le parti du Raïs, le parti national démocrate (Pnd), venait de rafler en décembre 2010 près de 83% des sièges à l’Assemblée. On pourrait continuer à épiloguer sur les conditions parfois reprochables de ces élections, mais elles avaient été reconnues par la communauté internationale. Comme Ben Ali, Moubarak a fini par abandonner le pouvoir devant la colère de son peuple. C’était le vendredi 11 février dernier après seulement 18 jours de révolution. En Tunisie comme en Egypte, les bilans de la répression ne sont pas reluisants : 300 morts et 700 blessés pour le premier cas, au moins 300 morts et 3000 blessés pour le second selon l’Onu. Que s’est-il passé en Côte d’Ivoire ?
Le 30 novembre 2010, au soir, suite à 8 ans de crise socio-politique, le peuple ivoirien croyait être au bout du tunnel après une journée électorale paisible marquant la fin de l’élection présidentielle. A la surprise générale, arguant de prétendues fraudes dans le Nord du pays, le président sortant, Laurent Gbagbo, et son clan décident de faire obstacle à la proclamation des résultats par la Commission électorale indépendante (Cei). Le président de cette institution, Bakayoko Youssouf, réussit malgré tout à proclamer ces résultats et déclre vainqueur Alassane Ouattara avec 54,1% contre 46,9% pour le candidat de l’ex-Lmp. Malgré la certification de l’Onu, le pouvoir sortant choisit de se maintenir par la force, dans sa logique de ‘’on gagne ou on gagne’’. C’est ce Laurent Gbagbo sans la moindre légalité, encore moins une quelconque légitimité, qui affronte la révolution ivoirienne à partir de décembre 2010. Et là où les Ben Ali et Moubarak ont préféré se retirer en plein mandat pour limiter les dégâts, un président en fin de mandat a opté pour le massacre des démocrates ivoiriens. Il aura fallu une guerre sanglante et la destruction de ses armes lourdes par la force française Licorne, appuyant l’Onuci, pour que s’arrête l’hécatombe. Le bilan est très lourd : plus de 3000 morts, plusieurs milliers de blessés, une population meurtrie, un pays en lambeaux. Si le même juge devait plancher sur les trois dossiers, Laurent Gbagbo aurait peu de chance de ne pas écoper de la peine la plus lourde. Il suffit d’avoir des yeux pour le voir.
Cissé Sindou
Nord-Sud
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